Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La fédération départementale des associations d'aide à domicile en milieu rural (ADMR) de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération en date du 20 novembre 2014 du conseil général de la Haute-Corse relative à la tarification de l'aide à domicile des personnes âgées.
Par un jugement n° 1500028 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 9 juillet 2018, la fédération ADMR de la Haute-Corse, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 avril 2017 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil général de la Haute-Corse du 20 novembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Corse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération litigieuse est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle substitue à l'examen individualisé prévu par les textes une tarification fixée par référence à un "coût moyen", déterminé en considération du montant de l'enveloppe de crédits pour la prise en charge au titre de l'aide sociale des personnes âgées ;
- de même, la fixation d'un taux directeur des tarifs à 0% procède d'une erreur de droit ;
- cette délibération est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle prévoit le maintien ou l'abaissement du budget de fonctionnement des structures d'aide à domicile en dépit de la hausse des salaires et charges ;
- en ce qu'elle exclut la reprise des déficits des années antérieures dans les deux cas de figures qu'elle prévoit, la délibération ajoute des conditions plus restrictives que celles prévues par les dispositions du code de l'action sociale et des familles.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2018, la Collectivité de Corse, venant aux droits du département de la Haute-Corse, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête de la fédération ADMR de la Haute-Corse et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation présentées par la fédération requérante sont irrecevables, dès lors qu'elles sont présentées contre une délibération qui se borne à poser les bases d'une politique en matière d'aide à domicile, fondée sur une maîtrise des dépenses et une convergence des coûts, et qui ne constitue, dès lors, qu'une simple déclaration d'intentions n'ayant, au mieux, qu'un caractère préparatoire ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 15 janvier 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le conseil général de la Haute-Corse n'était pas compétent pour encadrer la fixation, par le président du conseil départemental, de la tarification de l'aide à domicile.
Un mémoire a été enregistré en réponse à cette mesure d'information le 17 janvier 2020 pour la collectivité de Corse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la Collectivité de Corse.
Une note en délibéré, présentée pour la collectivité de Corse, a été enregistrée le 24 janvier 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 20 novembre 2014, le conseil général de la Haute-Corse a décidé, pour chacun des trois exercices à venir, de fixer le montant de l'enveloppe limitative de crédits pour la prise en charge au titre de l'aide sociale des personnes âgées au niveau de celle de 2014, soit 20,3 millions d'euros, de mettre en place une convergence tarifaire visant, d'une part, à maintenir les coûts par prestataire de ces services aux niveaux actuels lorsque ceux-ci sont inférieurs à la moyenne des tarifs 2014 et d'autre part, à abaisser progressivement les tarifs supérieurs à cette moyenne pour la rejoindre, de fixer pour chaque établissement un taux directeur des tarifs au maximum égal à 0 % pour la période considérée et en contrepartie, de laisser aux gestionnaires des établissements l'appréciation des mesures qu'il conviendra de mettre en oeuvre pour se conformer à cette convergence tarifaire, et de ne pas reprendre les déficits générés par des dépassements des limites autorisées de dépense ainsi que ceux issus d'une mauvaise appréciation manifeste du niveau de l'activité. La fédération ADMR Haute-Corse relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En tant qu'elle prévoit " la mise en place d'une convergence tarifaire visant, d'une part, à maintenir les coûts par prestataire de ces services aux niveaux actuels lorsque ceux-ci sont inférieurs à la moyenne des tarifs 2014 et, d'autre part, à abaisser progressivement les tarifs supérieurs à cette moyenne pour la rejoindre ", la délibération litigieuse ne se borne pas, contrairement à ce que soutient le défendeur, à exposer les objectifs d'une politique de dépenses relatives à l'aide à domicile. De même, en tant qu'elle fixe l'enveloppe budgétaire affectée aux services d'aide à domicile ainsi que le taux directeur des tarifs de ces aides et qu'elle instaure des conditions pour la reprise des déficits des années antérieures, la délibération contestée a le caractère d'un acte faisant grief. La collectivité de Corse n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la fédération requérante n'est pas recevable à la contester.
3. Il résulte des articles R. 314-130 à R. 314-134 du code de l'action sociale et des familles que le président du conseil départemental détermine le coût horaire des frais, d'une part, de structure, d'autre part, de coordination, d'encadrement et de soutien, et, enfin, d'aide à domicile effective de chaque service, en fonction du montant annuel total des frais afférents à ces trois postes de dépense et du nombre annuel prévisionnel d'heures respectivement consacrées. En outre, aux termes de l'article R. 314-136 du même code : " Pour l'application de l'article R. 314-51, le président du conseil général détermine le résultat d'un service mentionné à l'article R. 314-130 : 1° En considérant la totalité des charges d'exploitation, sous réserve de l'application des dispositions de l'article R. 314-52 ; /2° En diminuant ensuite cette somme de tous les produits d'exploitation directement perçus par le service, y compris ceux qui sont issus des organismes de sécurité sociale au titre de leur action sanitaire et sociale, ou de contributions des caisses de retraite complémentaire ; / 3° En incorporant enfin à la somme ainsi modifiée, s'il y a lieu, les résultats d'exercices antérieurs, conformément aux dispositions de l'article R. 314-51. " Le III de l'article R. 314-51 de ce code dispose que " Le déficit est couvert en priorité par reprise sur le compte de réserve de compensation, le surplus étant ajouté aux charges d'exploitation de l'exercice au cours duquel le déficit est constaté, ou de l'exercice qui suit. En cas de circonstances exceptionnelles, la reprise du déficit peut être étalée sur trois exercices ".
4. En disposant que, pour les trois années à venir, les tarifs d'un établissement donné ne pourront dépasser la moyenne de ceux de l'année 2014, qu'ils devront être fixés par référence à un taux directeur fixé à 0%, et que les déficits des années antérieurs ne seront pas repris lorsqu'ils sont générés par des dépassements des limites autorisées de dépenses ou qu'ils sont issus d'une " mauvaise appréciation manifeste du niveau de l'activité ", la délibération litigieuse prévoit des conditions plus restrictives que celles fixées par les dispositions règlementaires précitées. Dès lors, ces dispositions, qui ne pouvaient être légalement édictées que par décret en Conseil d'Etat, sont entachées d'incompétence.
5. En outre, les dispositions du 1er alinéa de la délibération contestée, qui fixe à la somme de 20,3 millions d'euros le montant du budget affecté à la prise en charge au titre de l'aide sociale des personnes âgées et celles rappelées au point précédent sont, eu égard à leur économie générale, indivisibles les unes des autres. Dans ces conditions, la délibération litigieuse est entachée, dans son ensemble, d'illégalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la fédération ADMR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 20 novembre 2014.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés pour les besoins de l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1500028 du 13 avril 2017 et la délibération du conseil départemental de la Haute-Corse du 20 novembre 2014 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la collectivité de Corse présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des associations d'aide à domicile en milieu rural de la Haute-Corse et à la collectivité de Corse.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Alfonsi, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
M. A..., conseiller.
Lu en audience publique, le 20 février 2019.
Le rapporteur,
signé
P. A...
Le président,
signé
J.-F. ALFONSI La greffière,
signé
M. B...
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Corse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière.
5
N° 17MA01947