Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Saint-Raphaël à lui verser la somme totale de 186 523 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de son maintien en disponibilité.
Par un jugement n° 1601374 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Saint-Raphaël à verser à M. B... la somme représentative des allocations d'aide de retour à l'emploi auxquelles il pouvait prétendre pour la période du 1er septembre 2013 au 1er juillet 2015, l'a renvoyé devant l'administration afin qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 février 2019, le 30 juillet 2019 et le 29 janvier 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de condamner la commune de Saint-Raphaël à lui verser la somme de 106 284,02 euros à titre d'indemnités ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur la faute commise par la commune dans le retard de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ;
- la commune de Saint-Raphaël a commis une faute en ne lui proposant pas, à la date de la demande de réintégration, un emploi correspondant à son grade, en procédant au versement tardif de l'aide au retour à l'emploi et en transmettant tardivement son dossier au centre départemental de gestion du Var ;
- la commune n'établit pas que l'intérêt du service faisait obstacle à sa réintégration ;
- son préjudice financier s'élève à 45 500 euros, la perte de rémunération à 48 784,02 euros, son préjudice lié à l'évolution de carrière à 2 000 euros et son préjudice moral à 10 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 avril 2019, le 2 septembre 2019 et le 27 janvier 2020, la commune de Saint-Raphaël, représentée par le cabinet d'avocats Droit Public Consultants, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. B... la somme représentative des allocations d'aide de retour à l'emploi du 1er septembre 2013 au 1er juillet 2015 ;
- de rejeter la requête présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est régulier ;
- elle n'était pas tenue de le réintégrer à la première vacance de poste ;
- le dossier de l'agent a été transmis au centre de gestion de la fonction publique territoriale le 3 juillet 2015 ;
- l'agent ne pouvait bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi du 1er septembre 2013 au 31 août 2015 dès lors qu'il exerçait une activité libérale ;
- le préjudice financier est sans lien avec le maintien en disponibilité.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me D... substituant Me E..., représentant M. B..., et de Me C... substituant Droit Public consultants, représentant la commune de Saint-Raphaël.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., recruté le 1er septembre 2009 comme éducateur sportif de 2ème classe, de la commune de Saint-Raphaël, a été placé en position de disponibilité pour convenances personnelles du 1er septembre 2011 au 31 août 2013. Il a demandé à être réintégré à compter du 1er septembre 2013. Il a été maintenu en disponibilité d'office par des arrêtés du maire de la commune de Saint-Raphaël du 13 juin 2013 et du 3 juillet 2014. Après avoir présenté en vain de nouvelles demandes de réintégration les 11 mai 2015, 12 mai 2016, 25 mai 2017 et 17 mai 2018, M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Saint-Raphaël à lui verser la somme totale de 186 523 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de son maintien en disponibilité. Par un jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Saint-Raphaël à verser à M. B... la somme représentative des allocations d'aide de retour à l'emploi auxquelles il pouvait prétendre pour la période du 1er septembre 2013 au 1er juillet 2015, l'a renvoyé devant l'administration afin qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande en sollicitant la condamnation de la commune à lui verser la somme de 106 284,02 euros à titre d'indemnités. La commune de Saint-Raphaël demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il la condamne au versement de l'allocation d'aide de retour à l'emploi pour la période antérieure au 1er juillet 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de Toulon, après avoir indiqué que M. B... bénéficiait des allocations d'assurance chômage pour perte involontaire d'emploi pour une durée de 730 jours à compter du 1er juillet 2015, a considéré au point 10 du jugement que l'agent devait être regardé comme ayant été non seulement involontairement privé d'emploi mais aussi à la recherche d'un emploi pour condamner la commune de Saint-Raphaël à lui verser la somme représentative de l'allocation d'aide de retour à l'emploi pour la période courant du 1er septembre 2013 au 1er juillet 2015. Le tribunal a dès lors répondu de manière suffisante au moyen soulevé par le requérant tiré de la faute commise par la commune dans le retard de versement de cette allocation. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement en cause serait entaché d'une omission de répondre à un moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité :
3. Il résulte des dispositions des articles 72 et 97 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale que le fonctionnaire territorial qui demande sa réintégration après avoir été placé en disponibilité pour convenances personnelles pendant une durée n'ayant pas excédé trois années, doit se voir proposer une des trois premières vacances d'emploi dans sa collectivité d'origine. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'il soutient, M. B... n'avait droit à être réintégré qu'à l'une des trois premières vacances et non dès la première vacance.
4. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du tableau des effectifs communaux, qu'aucun emploi d'éducateur sportif n'a été vacant au cours des exercices 2013 et 2014. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir qu'en refusant de faire droit aux demandes de réintégration qu'il a présentées au titre de ces deux exercices, la commune de Saint-Raphaël aurait commis une faute de nature à lui ouvrir droit à réparation.
5. Il résulte toutefois de l'instruction que la commune de Saint-Raphaël a, le 1er mars 2015, nommé un lauréat du concours d'éducateur sportif sur le seul poste correspondant au grade de M. B... qui était vacant en 2015. En se bornant à faire valoir que, contrairement au requérant, l'agent qu'elle a ainsi recruté est titulaire du certificat d'aptitude à l'exercice de la profession de maître-nageur sauveteur alors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu, que le poste d'éducateur sportif ainsi pourvu concerne spécifiquement les activités de natation, la commune ne démontre pas que son refus de réintégrer M. B... sur cet emploi repose sur un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel refus, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il pourrait être fondé sur un motif, susceptible de le fonder légalement, autre que celui qui vient d'être évoqué, se trouve donc entaché d'une illégalité fautive qui engage la responsabilité de la commune à l'égard de M. B....
En ce qui concerne les préjudices :
6. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due au requérant, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressée avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail ou les diverses allocations ou indemnités versées du fait de son inactivité au cours de la période d'éviction.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. B... est en droit de prétendre à une indemnité déterminée comme cela a été précisé au point précédent, c'est-à-dire d'après le montant des traitements, primes et indemnités diverses dont il a été privé entre le 1er mars 2015, date à laquelle il aurait dû être réintégré au sein des effectifs de la commune de Saint-Raphaël, et la date de sa réintégration effective, diminué des revenus de toute nature qu'il a perçus durant cette même période, et notamment l'allocation d'aide de retour à l'emploi et le revenu de solidarité active. En l'absence d'éléments au dossier permettant de calculer le montant de la somme due au titre du préjudice résultant de l'absence de traitements, il y a lieu de renvoyer M. B... devant l'administration pour la détermination du montant de l'indemnité qui lui est due.
8. Il sera, par ailleurs, fait une juste appréciation du préjudice moral du requérant en lui allouant la somme de 5 000 euros.
9. En revanche, M. B..., qui n'établit pas s'être trouvé dans l'obligation de contracter des emprunts bancaires en raison du refus de la commune de Saint-Raphaël de lui verser l'allocation d'aide au retour à l'emploi, n'est pas fondé à demander l'indemnisation des frais financiers qu'il a exposé au titre des années 2013 à 2015.
En ce qui concerne le versement de l'aide de retour à l'emploi :
10. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 5422-1, L. 5422-2, L. 5422-3, L. 5422-20 et L. 5424-1 du code du travail que les agents titulaires des collectivités locales involontairement privés d'emploi ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions définies par l'accord prévu à l'article L. 5422-20, dès lors qu'un tel accord est intervenu et a été agréé et qu'il n'est pas incompatible avec les règles qui gouvernent l'emploi des agents publics. Un agent titulaire d'une collectivité territoriale ayant sollicité sa réintégration, qui était de droit, à l'issue d'une période de mise en disponibilité pour convenances personnelles, dont la demande a été rejetée faute de poste vacant et qui n'a reçu, du centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion local, aucune proposition en vue de son reclassement dans un emploi vacant correspondant à son grade, doit être regardé comme ayant été non seulement involontairement privé d'emploi mais aussi à la recherche d'un emploi, au sens de l'article L. 5422-1 du code du travail.
11. C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, contrairement à ce que fait valoir la commune de Saint-Raphaël, que M. B... ayant été placé en disponibilité d'office à compter du 1er septembre 2013 faute de poste vacant lors de sa demande de réintégration à la suite d'une mise en disponibilité pour convenances personnelles le 1er septembre 2011, l'intéressé devait être admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 1er septembre 2013 au 1er juillet 2015, date à laquelle la commune a commencé à lui verser les allocations chômage. La circonstance que le requérant a exercé une activité en qualité d'auto-entrepreneur à compter du 2 avril 2015 est sans aucune incidence sur son droit à bénéficier de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices résultant de la perte de revenus et moral et à demander que la commune de Saint-Raphaël soit condamnée à lui payer au titre du préjudice moral une indemnité de 5 000 euros et une indemnité au titre du préjudice résultant de la perte de traitements à compter du 1er mars 2015. Les conclusions d'appel incident de la commune de Saint-Raphaël doivent être rejetées pour le motif exposé au point précédent.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Raphaël demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël le versement d'une somme de 2 000 euros au profit de Me E..., conseil du requérant, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 décembre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B... résultant de la perte de traitements et de son préjudice moral.
Article 2 : La commune de Saint-Raphaël est condamnée à payer à M. B... la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et une indemnité au titre du préjudice résultant de la perte de traitements à compter du 1er mars 2015.
Article 3 : M. B... est renvoyé devant la commune de Saint-Raphaël, à charge pour celle-ci de calculer le rappel de traitement auquel M. B... peut prétendre selon les éléments fixés par les motifs du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Saint-Raphaël versera à Me E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Saint Raphaël présentées par la voie de l'appel incident et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Saint-Raphaël.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme F..., présidente-assesseure,
- Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 mars 2020.
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N° 19MA00983