Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1606342 en date du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2019, M. A... représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 décembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;
3°) d'ordonner le cas échéant toute mesure d'instruction ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré du défaut d'authenticité de la signature portée sur l'avis de réception postal du pli contenant l'avis de contrôle sur place daté du 23 mai 2013 ;
- ils ont commis une erreur de droit en jugeant que, nonobstant la signature litigieuse, la preuve de la réception par un tiers de l'avis de réception incombait au destinataire de ce pli ;
- ils ont omis de répondre au moyen tiré de l'irrégularité de l'envoi postal en ce que le pli recommandé avec avis de réception contenant l'avis de contrôle a été adressé à une adresse autre que celle du siège social de la société ;
- ils n'ont pas répondu à l'ensemble des branches du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification contradictoire, notamment celle relative à l'absence de motivation de l'exclusion du régime du micro-foncier ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- la notification de l'avis de contrôle n'est pas régulière dès lors que l'accusé de réception postal ne porte pas sa signature ;
- la charge de la preuve de l'identité réelle du signataire incombe à l'administration ;
- la proposition de rectification lui a été adressée prématurément le même jour que celle destinée à la SCI Ancien Moulin, sans attendre l'issue de la procédure menée à l'égard de cette dernière et sans que la quote-part du revenu foncier imposable lui revenant ne soit déterminée ;
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée notamment en ce qu'elle se borne à faire référence à la proposition de rectification adressée à la SCI Ancien Moulin sans s'en approprier expressément les motifs ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application des dispositions des articles L. 67 et L. 76 du livre des procédures fiscales ; ils ont commis une erreur de droit en écartant les garanties de la procédure de rectification contradictoire posées par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales alors que la proposition de rectification vise expressément ces dispositions ;
Sur le bien-fondé des impositions :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de fait en écartant à tort toutes les pièces justificatives produites relatives aux recettes réellement encaissées et aux dépenses payées par la société au cours des trois années soumises au contrôle ;
- la charge de la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires effectuées selon la procédure de rectification contradictoire appartient à l'administration en application des dispositions de l'article L. 194 du livre des procédures fiscales ;
- les pièces justificatives produites constituent une preuve suffisante des recettes réellement encaissées et des charges déductibles ;
- il n'est pas redevable des pénalités mises à sa charge en application de l'article 1732 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. A....
Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Ancien Moulin, créée le 1er décembre 2006, dont le siège social est situé à Pelissanne (13) et ayant pour objet social l'acquisition, l'administration et la gestion par location de tous immeubles et bien immobiliers, a fait l'objet d'une vérification sur place de ses déclarations fiscales au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Après l'envoi de deux mises en garde le 7 juin 2013 et le 14 juin 2013, aucun représentant de la société ne s'étant présenté aux dates d'intervention fixées par l'administration, un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal a été dressé le 23 juillet 2013 entraînant l'évaluation d'office des bases d'impositions, en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Une proposition de rectification a été adressée le 30 juillet 2013 à M. A..., gérant et associé à hauteur de 24 % de la société contrôlée, portant sur des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi qu'une pénalité pour opposition à contrôle fiscal au taux de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts. Par une réclamation datée du 4 octobre 2013, M. A... a contesté les impositions supplémentaires susvisées. Par une décision du 21 novembre 2013, l'administration fiscale a rejeté cette contestation. M. A... relève appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des impositions auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2013.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, le juge d'appel est saisi à nouveau de l'ensemble des questions posées par le litige. Il lui appartient dans ce cadre de donner à ces questions la réponse que le droit commande en substituant, le cas échant, son appréciation à celle des premiers juges. Les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis différentes erreurs de fait ou de droit n'appellent pas de réponses distinctes de celles par lesquelles il est à nouveau statué sur le fond du litige et ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. M. A... reproche aux premiers juges d'avoir insuffisamment motivé leur jugement quant à la réponse qu'ils ont apportée au moyen relatif à l'irrégularité de l'envoi du pli contenant l'avis de contrôle sur place daté du 21 mai 2013, ainsi qu'à la réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification contradictoire qui lui a été adressée le 2 septembre 2013, notamment la branche relative à l'absence de motivation de l'exclusion du régime du micro-foncier. S'agissant du premier moyen, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué, notamment des points 2 et 3, que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par les parties, a rappelé d'une part, que l'administration peut examiner dans les locaux des sociétés civiles immobilières les documents comptables et autres pièces justificatives qu'elles doivent tenir en application des articles 172 bis du code général des impôts et 46 B à 46 D de l'annexe III au même code, que dans ce cadre, elle doit respecter les garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables faisant l'objet d'une vérification de comptabilité et notamment faire précéder ce contrôle de l'envoi d'un avis de vérification à cette société ou à son représentant légal. Le tribunal a d'autre part retenu, au regard des faits de l'espèce, que l'administration fiscale avait envoyé, conformément aux garanties rappelées, à l'adresse personnelle de M. A..., représentant légal de la SCI Ancien Moulin, un avis de " vérification sur place " daté du 21 mai 2013 et qu'un accusé de réception daté du 22 mai 2013, portant la signature de M. A..., dont l'authenticité n'était pas contestée par le requérant, attestait de la notification du courrier de l'administration. S'agissant du second moyen, il ressort des points 4 et 5 du jugement attaqué, qu'après avoir cité les dispositions des articles L. 67 et L. 76 du livre des procédures fiscales, les premiers juges ont relevé que le législateur avait entendu priver le contribuable qui, en s'opposant au contrôle fiscal, s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, et dont les bases d'imposition ont, de ce fait, été évaluées d'office, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office et, notamment, de celles tenant à la motivation de la notification de redressement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il incombe à l'administration d'établir que le pli contenant la proposition de rectification est parvenu en temps utile au contribuable ; cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve. Lorsque le contribuable soutient que l'accusé de réception d'un pli recommandé, portant notification de la proposition de rectification, n'a pas été signé par lui, il lui appartient toutefois d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit. Dans le cas où le contribuable n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire de l'avis litigieux et s'abstient de dresser la liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer un tel avis, il ne peut être regardé comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli.
6. En l'espèce, il ressort des mentions claires et précises de l'avis de réception produit par l'administration que le pli contenant l'avis de contrôle sur place du 21 mai 2013, libellé au nom de M. E... A..., représentant légal de la SCI Ancien Moulin, a été distribué à son domicile le 22 mai 2013 revêtu d'une signature manuscrite. Le requérant soutient à présent en appel, que cette signature n'est pas la sienne, mais celle d'un tiers, dont il ne connaît pas l'identité, ainsi qu'en atteste selon lui, la copie qu'il produit de sa carte d'identité. Ce faisant, il n'apporte aucune indication sur les personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer un tel avis à la place de l'intéressé. Dès lors, il ne démontre pas que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité pour réceptionner ce pli. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'il soutient, l'avis de contrôle en litige doit être regardé comme lui ayant été régulièrement notifié à la date du 22 mai 2013.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, le délai de régularisation est fixé à quatre-vingt-dix jours pour la présentation à l'enregistrement de la déclaration mentionnée à l'article 641 du code général des impôts. Il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable change fréquemment de lieu de séjour ou séjourne dans des locaux d'emprunt ou des locaux meublés, ou a transféré son domicile fiscal à l'étranger sans déposer sa déclaration de revenus, ou si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. ". Aux termes de l'article L. 74 du même livre : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. ". Enfin, aux termes de l'article L. 76 du même livre dans sa rédaction alors en vigueur : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...). Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 67. ".
8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office, et notamment de celle tenant à l'envoi d'une notification de redressement prévue par l'article L. 76 précité du livre des procédures fiscales. Par suite, alors même que l'administration a adressé une notification de redressement à M. A..., il ne peut utilement soutenir que cette notification serait insuffisamment motivée ou encore adressée " prématurément ".
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
10. En application de ces dispositions, il incombe à M. A... d'apporter la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées en conséquence du redressement, selon la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal, des résultats de la SCI Ancien Moulin dont M. A... est associé. La circonstance que les impositions aient été notifiées selon la procédure contradictoire n'a aucune incidence sur la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration, dès lors qu'en l'espèce, la contribuable se trouvait en situation d'être imposée d'office, faute de dépôt des déclarations n° 2072 malgré les mises en demeure adressées par l'administration fiscale pour les années 2011, 2012 et 2013.
11. En deuxième lieu, s'agissant de l'évaluation des revenus fonciers résultant de la différence entre le montant du revenu brut des immeubles donnés en location et le total des charges de la propriété incombant au propriétaire, le requérant se borne à reprendre ses moyens de première instance selon lesquels l'administration fiscale a exclu de manière arbitraire le défaut d'encaissement des loyers ainsi que l'ensemble des charges exposées alors qu'elle disposait des pièces justificatives produites au dossier. S'il verse, en cause d'appel, deux factures l'une mentionnant des travaux de peinture dans un appartement situé boulevard Leccia pour un montant de 8 730 euros, l'autre indiquant des travaux de climatisation pour un montant de 14 926 euros sans précision sur le lieu de réalisation, en l'absence de tout autre élément permettant de justifier du paiement effectif de ces charges, leur caractère déductible du revenu foncier n'est pas établi. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, d'écarter lesdits moyens, en l'absence de tout autre élément nouveau produit en appel par le requérant pour établir d'une part, le défaut allégué d'encaissement des recettes, d'autre part, la consistance et la réalité des dépenses dont elle entend obtenir la déduction en vertu des dispositions de l'article 31-I-1° b du code général des impôts.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 1732 du code général des impôts la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal entraîne l'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat.
13. Il résulte de l'instruction que M. A..., représentant légal de la SCI Ancien Moulin, gérant statutaire de la société, qui en est aussi associé minoritaire, était absent des locaux du siège social de la société situé au 13 rue des Passadouires à Pellissanne, les 7 et 14 juin 2013, dates des première et deuxième interventions fixées par l'administration, que des courriers datés du 7 et 14 juin lui ont été adressés en vue de le mettre en garde contre les risques encourus en cas d'opposition à contrôle fiscal et qu'une nouvelle intervention infructueuse a eu lieu le 21 juin suivant. Aucune nouvelle adresse n'a été indiquée au service et le gérant n'a établi aucun contact par téléphone, télécopie ou message électronique, révélant ainsi son refus de collaborer avec le vérificateur. Ces circonstances sont de nature à caractériser une situation d'opposition à contrôle fiscal. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, d'une part, sa qualité de gérant statutaire de la SCI au titre de laquelle il a été destinataire des avis de contrôle, ne fait pas obstacle à ce qu'il soit assujetti au paiement de pénalité. Il ne peut davantage prétendre ne pas avoir pris la mesure de ses droits et obligations faute d'avoir reçu l'avis de contrôle accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable, cette notification étant régulière, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt, ayant par ailleurs été destinataire des mises en demeure en date des 7 et 14 juin l'informant des conséquences de la mise en oeuvre de la taxation d'office entraînant l'application d'une majoration de 100 % aux droits litigieux. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander la décharge des pénalités dont ont été assortis les droits litigieux.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, l'administration n'étant pas partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme C..., présidente assesseure,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
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N° 19MA00625
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