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04/02/2021 | FRANCE | N°19MA00523

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 04 février 2021, 19MA00523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... F... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la restitution des impositions auxquelles ils ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 270 756 euros correspondant à l'attribution de titres de la société Hewlett Packard Entreprise (HPE).

Par un jugement n° 1604058 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a accordé à M. et Mme F... la décharge

des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... F... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la restitution des impositions auxquelles ils ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 270 756 euros correspondant à l'attribution de titres de la société Hewlett Packard Entreprise (HPE).

Par un jugement n° 1604058 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a accordé à M. et Mme F... la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du 26 novembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme F... les impositions correspondantes.

Il soutient que :

- les dispositions du 1 de l'article 115 du code général des impôts ne s'appliquent pas aux actions de la société HPE attribuées gratuitement pour compenser la diminution de valeur des titres initialement détenus, lesquels n'ont pas été annulés même partiellement ;

- l'application des dispositions du 2 de l'article 115 de ce code concernant les attributions de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse est subordonnée à l'obtention d'un agrément, lequel n'a pas été demandé ;

- l'attribution gratuite d'actions de la société HPE aux contribuables a été regardée à bon droit par le service comme une distribution de dividendes au sens de l'article 120 du même code ;

- l'arrêt C-14/16 Euro Park Service du 8 mars 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) n'est pas applicable en l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, M. et Mme F..., représentés par le cabinet Lonjon et Associés agissant par Me B..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation de la décharge accordée par le tribunal et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le moyen invoqué par le ministre n'est pas fondé, l'opération concernée entrant bien dans le champ d'application du 1 de l'article 115 du code général des impôts ;

- cette opération relève également des dispositions du 2 de cet article, applicables aux attributions de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse, alors même qu'aucun agrément n'a été demandé, dès lors que l'exigence d'un agrément a été sanctionnée par l'arrêt C-14/16 Euro Park Service du 8 mars 2017 de la CJUE et la décision n° 369311 du Conseil d'Etat du 26 juin 2017 ;

- il s'agit d'une opération de scission partielle, qui doit être placée sous un régime de neutralité fiscale et n'entraîner aucune imposition, conformément à la directive 2005/19/CE du 17 février 2005.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2019.

Un mémoire, présenté pour M. et Mme F..., et enregistré le 8 octobre 2019, après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2005/19/CE du 17 février 2005 ;

- la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me E... substituant Me B... pour M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. En 2015, la société de droit américain Hewlett Packard Company (HPCo), dont M. et Mme F... étaient actionnaires, a scindé ses activités en deux entités, la société HP Enterprise (HPE), société nouvellement créée à laquelle elle a apporté ses activités d'infrastructure d'entreprise, de logiciels et de service informatique, et la société Hewlett Packard Inc (HPInc) qui a poursuivi les activités d'assemblage d'ordinateurs et de fabrication d'imprimantes. Dans le cadre de cette opération, M. et Mme F... ont reçu, à titre gratuit, 21 520 actions de la société HPE dont la valeur, soit 270 756,26 euros, a été soumise, au titre de l'année 2015, au prélèvement de l'article 117 quater du code général des impôts ainsi qu'aux contributions sociales. Par un jugement n° 1604058 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a, en son article 1er, prononcé la décharge des impositions précitées. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

Sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics :

2. D'une part, aux termes de l'article 115 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. En cas de fusion ou de scission de sociétés, l'attribution de titres, sommes ou valeurs aux membres de la société apporteuse en contrepartie de l'annulation des titres de cette société n'est pas considérée comme une distribution de revenus mobiliers. / 2. Les dispositions du 1 s'appliquent également sur agrément délivré à la société apporteuse dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, en cas d'attribution de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse, lorsque cette attribution, proportionnelle aux droits des associés dans le capital, a lieu dans un délai d'un an à compter de la réalisation de l'apport. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 117 quater du code général des impôts relatif aux prélèvements sur les dividendes, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - 1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et 120 à 123 bis sont assujetties à un prélèvement au taux de 21 %. / Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa du présent 1 sont retenus pour leur montant brut. / (...) / Ce prélèvement s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle il a été opéré. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. (...) ". Aux termes de l'article 120 de ce code, dans sa rédaction applicable relatif aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France et aux revenus assimilés : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article: / 1° Les dividendes, intérêts, arrérages et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateur des sociétés, compagnies ou entreprises financières, industrielles, commerciales, civiles et généralement quelconques dont le siège social est situé à l'étranger quelle que soit l'époque de leur création ; / (...) / 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission (...) ". Aux termes de l'article 121 du même code : " 1. (...) Les dispositions prévues au 1 de l'article 115 sont applicables en cas de fusion ou de scission intéressant des sociétés dont l'une au moins est étrangère. Les dispositions prévues au 2 de l'article 115 sont applicables en cas d'apport partiel d'actif par une société étrangère et placé sous un régime fiscal comparable au régime de l'article 210 A. (...) ".

4. Enfin, il est précisé à l'article 210-0 A du code général des impôts que les dispositions relatives aux fusions et scissions prévues par l'article 115 du code général des impôts sont applicables : " (...) / 2° S'agissant des scissions, aux opérations par lesquelles la société scindée transmet, par suite et au moment de sa dissolution sans liquidation, l'ensemble de son patrimoine à deux ou plusieurs sociétés préexistantes ou nouvelles, moyennant l'attribution aux associés de la société scindée, proportionnellement à leurs droits dans le capital, de titres des sociétés bénéficiaires des apports et, éventuellement, d'une soulte ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale de ces titres ".

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif :

5. Ainsi qu'il a été exposé au point 1 du présent arrêt, la société de droit américain HPCo a, le 1er novembre 2015, transféré sa branche d'activités dédiées aux entreprises à une nouvelle société, HPE, et a poursuivi ses activités d'assemblage d'ordinateurs et de fabrication d'imprimantes sous la dénomination sociale HPInc. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société HPCo, qui a uniquement changé de dénomination, aurait été dissoute. En outre, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme F..., les titres de la société HPCo, qui ont uniquement reçu un nouveau code dans le cadre des transactions effectuées sur le marché boursier, n'ont pas été annulés. Il suit de là qu'ainsi que le fait valoir le ministre, l'opération concernée ne relève pas des dispositions du 1 de l'article 115 du code général des impôts.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a accueilli le moyen tiré de ce que l'opération de scission en cause entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du 1 de l'article 115 du code général des impôts, pour prononcer la décharge des impositions auxquelles M. et Mme F... ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 270 756 euros correspondant à l'attribution de titres de la société HPE.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme F... devant le tribunal administratif et la Cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. et Mme F... :

8. En premier lieu, M. et Mme F... ne peuvent utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se prévaloir de l'instruction fiscale BOI-IS-FUS-20-10 du 13 juin 2014 et d'une réponse ministérielle Masson, publiée au Journal Officiel du Sénat le 24 décembre 2015, qui reprennent les dispositions de l'article 210-0 A citées au point 4, lesquelles se réfèrent aux scissions emportant dissolution de la société scindée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

9. En deuxième lieu, si l'opération de restructuration en cause doit s'analyser comme un apport partiel d'actif, il est constant qu'elle n'a fait l'objet d'aucun agrément. Or, les dispositions, citées au point 2, du 2 de l'article 115 du code général des impôts subordonnent expressément le bénéfice de la neutralité fiscale pour les actionnaires de la société effectuant un apport partiel d'actif à la délivrance d'un agrément à cette société apporteuse, quel que soit son Etat de rattachement, quand bien-même une convention d'assistance administrative a été conclue en vue notamment de prévenir la fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu. L'agrément étant, par ailleurs, exigé par ces dispositions pour toute société apporteuse, quel que soit le lieu de son siège, les contribuables ne sont, en tout état de cause, pas fondés à invoquer l'arrêt C-14/16 Euro Park Service de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2017 qui sanctionne, au regard du droit de l'Union européenne, une différence de traitement entre les opérations de fusion réalisées en France entre entreprises françaises et les opérations de fusion impliquant une entreprise d'un autre Etat membre de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

10. En dernier lieu, la directive 2005/19/CE du Conseil du 17 février 2005, dont les dispositions ont été reprises dans la directive codificatrice 2009/133/CE du 19 octobre 2009, régit, ainsi que l'énonce son article 1er, le régime fiscal commun applicable aux opérations de fusion, de scission, de scission partielle, d'apport d'actifs et échange d'actions qui concernent des sociétés de deux ou plusieurs Etats membres ainsi qu'aux opérations de transfert du siège statutaire, d'un Etat membre à un autre, des sociétés européennes et des sociétés coopératives européennes. Dès lors que l'opération d'apport partiel d'actif en cause concerne exclusivement la société HPCo, devenue HPInc, dont le siège est situé aux Etats-Unis, de même que la société HPE créée dans le cadre de la restructuration des activités de cette société, le moyen que les contribuables tirent de l'incompatibilité du droit interne avec cette directive, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge des impositions auxquelles M. et Mme F... ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 270 756 euros correspondant à l'attribution de titres de la société HPE.

Sur les frais de justice :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1604058 du tribunal administratif de Nîmes du 26 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les impositions auxquelles M. et Mme F... ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 270 756 euros correspondant à l'attribution de titres de la société HPE, sont remises à la charge de ces derniers.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme F... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme A... F....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :

- Mme G..., présidente de la Cour,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.

2

N° 19MA00523

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00523
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CABINET LONJON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-04;19ma00523 ?
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