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04/02/2021 | FRANCE | N°20MA01556

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 04 février 2021, 20MA01556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1909692 en date du 5 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2020 et le 12 janvier 2021, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1909692 en date du 5 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2020 et le 12 janvier 2021, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de travail, et de statuer sur sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions contestées :

- l'arrêté est insuffisamment motivé dans la mesure où le préfet n'a ni précisé sur quelle période le requérant ne justifiait pas de sa résidence habituelle en France, ni critiqué la force probante des pièces justificatives produites ;

- il a été pris en violation du principe général du droit de l'Union européenne de confiance légitime, applicable en l'espèce, dès lors que l'intervention d'une précédente décision de retrait portant refus de séjour, pouvait légitimement laisser espérer que le préfet entendait prendre une décision d'octroi de titre de séjour ;

- il est contraire au principe de loyauté et de procès équitable dès lors que ce retrait a eu pour conséquence de mettre un terme au procès engagé contre la légalité de la décision du 28 juin 2019 ; la réponse du tribunal sur ce point est insuffisamment motivée ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les documents produits justifient pleinement de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;

- les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- le préfet était tenu de saisir de son cas la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- par exception, l'illégalité des décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire national dans le délai de trente jours emporte l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en se référant à ses écritures en défense de première instance.

Par une décision du 4 septembre 2020, la demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'action sociale et des familles et le décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d'admission des demandes d'aide médicale de l'Etat ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., né le 28 août 1950, ressortissant de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 5 février 2020, dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé, sans qu'ait d'incidence la circonstance que l'autorité préfectorale ne s'est pas expressément prononcée sur l'appréciation des pièces produites au soutien de la demande de titre de séjour. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit dès lors, être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, le principe de confiance légitime qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit. Tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que l'arrêté contesté n'a pas pour objet d'assurer en droit interne la mise en oeuvre de règles communautaires. Le moyen tiré de sa méconnaissance est donc inopérant en l'espèce.

4. En troisième lieu, la circonstance que le préfet ait procédé au retrait de sa décision du 28 juin 2019 portant rejet de la demande de titre de séjour présentée M. B..., ne fait pas obstacle à ce qu'à l'issue d'un nouvel examen de sa situation, une décision portant refus de séjour soit à nouveau édictée. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal, dont la réponse est suffisamment motivée sur ce point, M. B... ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance du principe de loyauté et du droit à un procès équitable.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".

6. Si M. B... justifie être entré en France le 20 novembre 2004, sous couvert d'un visa régulièrement délivré, et s'il est constant qu'il a déjà déposé deux demandes de titre de séjour respectivement les 8 juin 2010 et 1er décembre 2014, les documents dont il se prévaut ne permettent pas d'établir, la continuité de son séjour depuis cette date ou, du moins, durant les dix années qui ont précédé l'édiction de l'arrêté contesté, en dépit des deux précédentes obligations de quitter le territoire français dont il a fait l'objet les 23 novembre 2010 et 22 avril 2015. Ces justificatifs ne couvrent, en particulier, ni la période courant de juin à décembre 2012, ni celle courant de février à mai 2015, ni celle courant de juin à décembre 2017, ni celle courant d'avril à décembre 2018. Les attestations établies les 3 octobre 2010, 10 novembre 2011, 21 mai 2016 et 14 mars 2017 par les services du consulat d'Algérie à Marseille selon lesquelles aucun document de voyage n'a été remis à l'intéressé ne peuvent suffire à établir que l'intéressé n'a pu quitter le territoire français. De même, si le requérant justifie qu'il a été régulièrement admis à l'aide médicale d'Etat, sans toutefois, être en mesure de produire, pour toutes les périodes, la copie de sa carte, et rappelle que le bénéfice de celle-ci est conditionné, en vertu de l'article 251-1 du code de l'action sociale et des familles, à une résidence ininterrompue d'au moins trois mois, les documents dont il se prévaut ne sauraient, à eux seuls, établir la réalité de sa présence sur le territoire pendant toute leur durée de validité. Dès lors, M. B..., qui ne justifie pas sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée, n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait fait une inexacte application des stipulations précitées du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en refusant de lui délivrer un certificat de résidence sur ce fondement.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

8. Si M. B... soutient résider habituellement en France depuis l'année 2004, date à laquelle il était âgé de cinquante-quatre ans, ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne l'établit pas par les pièces produites à l'appui de ses allégations, lesquelles montrent, au mieux, sa présence fréquente sur le territoire national pour certaines des années de la période concernée. Le fait qu'il ait été continuellement hébergé chez sa fille n'est pas plus de nature à démontrer une insertion dans la société. S'il se prévaut de la présence en France de sa fille, son épouse et cinq de ses six enfants résident en Algérie où il a vécu l'essentiel de son existence. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par la décision de refus de séjour attaquée. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône en prenant l'arrêté contesté n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas plus entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ".

10. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il a été exposé au point 6, M. B... n'entre pas dans les catégories lui permettant de prétendre à un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Pour venir au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait l'arrêté en litige en ce qu'il fixe le délai de départ volontaire à trente jours, le requérant n'apporte en appel aucun élément ou développement nouveau. Ainsi, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 8 et 9 de leur jugement.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ne sont pas illégales. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire par voie de conséquence de l'illégalité de ces décisions doit être écarté.

13. En deuxième lieu, en application des 4ème et 8ème alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle l'intéressé dispose d'un délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France.

14. Eu égard aux conditions de séjour en France de M. B..., de sa situation personnelle et familiale telle qu'elle a été exposée aux points 6 et 8 du présent arrêt, et notamment de la présence de son épouse et de cinq de ses six enfants en Algérie, ainsi que de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet de deux arrêtés de refus de séjour assortis d'une mesure d'éloignement du préfet des Bouches-du-Rhône en date des 23 novembre 2010 et 22 avril 2015 à l'exécution desquelles il s'est soustrait, dont la légalité a été confirmée par deux jugements du tribunal administratif de Marseille des 15 mars 2011 et 22 avril 2015, dont le dernier a été confirmé par un arrêt de la Cour du 14 janvier 2016, le préfet n'a pas entaché la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans d'une erreur d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, y compris ses conclusions en injonction.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :

- Mme F..., présidente de la Cour,

- Mme C..., présidente assesseure,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.

2

N° 20MA01556

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01556
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : YOUCHENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-04;20ma01556 ?
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