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30/08/2021 | FRANCE | N°21MA01887

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 30 août 2021, 21MA01887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Vignale a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la SARL Via Corsa à lui verser la somme de 40 176,82 euros à titre de provision sur les sommes qui lui sont dues pour la déconstruction de la structure en béton armé de deux aires de stationnement.

Par une ordonnance n° 2100366 du 30 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette

demande et a mis à la charge de la SARL Via Corsa les frais d'expertise et une so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Vignale a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la SARL Via Corsa à lui verser la somme de 40 176,82 euros à titre de provision sur les sommes qui lui sont dues pour la déconstruction de la structure en béton armé de deux aires de stationnement.

Par une ordonnance n° 2100366 du 30 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande et a mis à la charge de la SARL Via Corsa les frais d'expertise et une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 20 juillet 2021, la SARL Via Corsa, représentée par Me Bouty-Duparc, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer cette ordonnance du 30 avril 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Vignale une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a statué ultra petita ;

- elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations en première instance ;

- la rapport d'expertise est fondé sur des investigations insuffisantes ;

- les préconisations et le chiffrage de l'expert sont entachés de nombreuses carences ;

- il n'a pas permis aux parties de lui fournir les notes de calculs pour justifier de la solidité de l'ouvrage, ni de proposer une solution technique alternative à la reconstruction en raison du délai anormalement court laissé entre la diffusion du pré-rapport et du rapport.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2021 et le 3 août 2021, la commune de Vignale, représentée par Me Antoniotti, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante était présente aux trois accedits organisés par l'expert et a produit des dires ; dès lors, le principe du contradictoire a été respecté ;

- l'expert a procédé aux investigations nécessaires ;

- la société requérante n'a jamais présenté d'alternative à la démolition alors que celle-ci était justifiée par la fragilité des fondations et le mauvais positionnement des poteaux ne permettant pas de garantir la solidité de l'ouvrage ;

- elle ne démontre pas que l'obligation mise à sa charge soit sérieusement contestable ;

- la demande d'expertise complémentaire est irrecevable dès lors qu'elle présente le caractère de demande nouvelle en appel et qu'en tout état de cause, elle n'a pas saisi le juge des référés d'une telle demande ;

- les travaux de démolition ayant été réalisés, une telle expertise est matériellement impossible.

Par une ordonnance n° 21MA01951 du 14 juin 2021, le juge des référés de la Cour a rejeté la demande de la SARL Via Corsa tendant, sur le fondement de l'article R. 541-6 du code de justice administrative, au sursis à l'exécution de cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du 1er septembre 2020 par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. Guy Fedou, président de la sixième chambre, pour juger les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la création de deux aires de stationnement, la commune de Vignale a passé, à l'issue d'une procédure adaptée, un marché public de travaux. Par un acte d'engagement du 15 janvier 2013, le marché a été confié à la SARL Via Corsa pour un montant de 187 758 euros toutes taxes comprises. La réception des travaux a été prononcée sans réserves le 5 janvier 2015. En 2018, lors des opérations de préparation de l'extension de cette aire de stationnement, la société attributaire du marché a relevé la non-conformité des fondations de l'ouvrage existant construit par la SARL Via Corsa. Par une requête du 10 juillet 2018, la commune de Vignale a saisi le tribunal administratif de Bastia afin d'obtenir la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 25 novembre 2019.

2. La SARL Via Corsa relève appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 30 avril 2021, qui a reconnu sa responsabilité décennale et l'a condamnée à verser à la commune de Vignale la somme de 40 176,82 euros sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la Cour (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. (...).". En vertu de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...). ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la juridiction de se prononcer d'office sur la charge définitive des frais d'expertise et de déterminer qui en assumera la charge. Le juge du référé provision était dès lors, ainsi que les dispositions ci-dessus le prescrivent, tenu de se prononcer sur la dévolution des frais d'expertise afin d'épuiser son pouvoir juridictionnel. La SARL Via Corsa n'est donc pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée aurait sur ce point statué ultra petita.

5. En second lieu, si la société requérante soutient que l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Bastia à la demande de la commune de Vignale et au vu de laquelle a été rendue l'ordonnance n'a pas eu un caractère contradictoire, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, d'une part, qu'elle était présente aux trois opérations d'expertise et qu'elle a pu produire ses observations par trois dires des 18 janvier 2019, 29 octobre 2019 et 18 novembre 2019, auxquels l'expert a répondu dans la dernière partie de son rapport et, d'autre part, que l'expert a mis au contradictoire un pré-rapport en date du 2 novembre 2019 afin de recueillir les observations des parties, auxquelles il a répondu alors qu'aucune disposition ne lui imposait de discuter des conclusions de son rapport avec les parties qui avaient participé aux opérations d'expertise. Enfin, si la société requérante soutient qu'elle n'a pas été en mesure de formuler ses observations en première instance, il résulte des visas de la décision attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Bastia que " la requête a été communiquée à la SARL Via Corsa qui n'a pas produit de mémoire ". Dès lors, le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire manque en fait et ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

6. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

7. En premier lieu, si la société requérante souligne le caractère prétendument incomplet ou entaché d'inexactitudes du rapport d'expertise, elle ne fournit aucun élément sérieux permettant de contredire l'appréciation portée par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia sur le rapport d'expertise. En particulier, d'une part, s'agissant du défaut de positionnement des fondations des poteaux, la société requérante allègue que l'expert aurait dû procéder à la réouverture des fouilles alors qu'elle s'y était opposée par dire du 29 octobre 2019, dès lors que l'opération " semblait très risqué[e] pour l'ouvrage " et " pourrait déstabiliser les puits creusés par VIA CORSA et être générateur d'un sinistre de grande ampleur ". D'autre part, s'agissant du défaut d'alignement des poteaux soutenant la structure et de la présence de fissures sur la dalle formant le sol du parking, l'expert a sollicité l'intervention d'un sapiteur géomètre qui a relevé " des défauts de verticalité " des poteaux et " l'absence d'une étanchéité normalisée " de la dalle en raison d'un mouvement de l'ensemble de l'ouvrage. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance des investigations de l'expert doit être écarté.

8. En second lieu, si la société requérante soutient que des solutions de reprise sans démolition totale de l'ouvrage étaient parfaitement envisageables, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les parties n'ont pas saisi la possibilité offerte par l'expert de proposer des solutions alternatives, notamment des études de confortement, validées par un bureau de contrôle, proposition qu'il avait formulée dans son pré-rapport du 2 novembre 2019 avant de constater, dans son rapport final, qu'il n'avait pas été informé de la saisine d'un BET et/ou d'un bureau de contrôle. A défaut, l'expert a estimé par un chiffrage détaillé que le montant de la démolition de l'ouvrage était de 40 176,82 euros, somme que la commune a réclamée et qui lui a été accordée en première instance. Dès lors, la société requérante relevant en outre que le marché que la commune de Vignale a passé pour la déconstruction de l'ouvrage s'est élevé à la somme de 97 500 euros, soit plus du double du montant estimé par l'expert pour la démolition de l'ouvrage en cause, le moyen doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que l'obligation mise à la charge de la société requérante présente un degré suffisant de certitude et n'est, dès lors, pas sérieusement contestable. Les conclusions de la SARL Via Corsa aux fins de réformation de l'ordonnance attaquée qui l'a condamnée au paiement d'une provision de 40 176,82 euros et a mis à sa charge les frais d'expertise et une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. D'une part, la commune de Vignale n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Via Corsa tendant à ce que soit mise à sa charge une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

11. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de la société Via Corsa une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Vignale et non compris dans les dépens.

O R D O N NE :

Article 1er : La requête présentée par la SARL Via Corsa est rejetée.

Article 2 : La SARL Via Corsa versera à la commune de Vignale une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Via Corsa et à la commune de Vignale.

Fait à Marseille, le 30 août 2021.

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N° 21MA01887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 21MA01887
Date de la décision : 30/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-08-30;21ma01887 ?
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