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19/05/2022 | FRANCE | N°21MA00685

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 mai 2022, 21MA00685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.

Par un jugem

ent n° 2100290 du 22 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2100290 du 22 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, M. B... représenté par Me Redeau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice ;

2°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 19 janvier 2021 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, n'a pas été respecté ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du même code ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas présenté d'observations.

Par une décision du 26 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant serbe, a fait l'objet d'un arrêté du 19 janvier 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination de son pays d'origine, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. M. B... relève appel du jugement du 22 janvier 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ". Aux termes de l'article 20 de cette loi : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ". En cours d'instance, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille a rejeté par une décision du 26 mars 2021, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, invoqués dans les mêmes termes qu'en première instance, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif respectivement aux points 5 et 6 de son jugement.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union et que sa méconnaissance par une autorité d'un Etat membre ne peut, dès lors, être utilement invoquée. Il en va différemment, en revanche, de la méconnaissance du droit d'être entendu en tant qu'il fait partie intégrante du respect des droits de la défense, lequel constitue un principe général du droit de l'Union européenne. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait toutefois être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente serait tenue, dans tous les cas, d'entendre de façon spécifique l'intéressé, lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait été empêché, avant que soit prise à son encontre la décision qu'il conteste, de porter à la connaissance de l'administration des informations tenant à sa situation personnelle qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Au demeurant, M. B... ne justifie pas, ainsi qu'il l'allègue, avoir sa résidence depuis plusieurs années en France, que ses droits à la retraite sont en cours de traitement et qu'il présente plusieurs pathologies graves nécessitant un suivi médical en France. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français en litige est intervenue au terme d'une procédure méconnaissant le droit d'être entendu doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;(...) ".

7. Si M. B... se prévaut d'une présence en France depuis près de quarante ans, il ne l'établit pas en se bornant à produire une attestation EDF datée du 27 novembre 2020 selon laquelle il est titulaire d'un contrat et une facture de la même société datée du 29 septembre 2020. Par suite, et alors même que tous ses enfants vivraient en France et que trois de ses petits-enfants sont de nationalité française en raison de la naissance sur le territoire français de certains de ses enfants, le requérant, qui est divorcé et qui ne justifie pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, n'établit pas qu'il aurait transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, de celle des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, par suite, être écartés.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu en particulier de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, que l'admission au séjour du requérant répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens de ces dispositions. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. (...) ".

11. L'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

12. Le requérant, qui ne produit aucune pièce médicale à l'appui de ses allégations, n'établit pas que son état de santé nécessiterait son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code ni qu'il aurait transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, ainsi qu'il a été dit au point 7. Au demeurant, l'intéressé, qui a fait l'objet de condamnations pénales en 2011, 2014 et, en dernier lieu, le 22 juin 2020, représente une menace pour l'ordre public. Par suite, à supposer que le requérant ait entendu soutenir que le préfet ne pouvait prendre à son encontre une mesure d'éloignement au motif qu'il pouvait prétendre au bénéfice d'un titre de séjour de plein droit, ce moyen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi, en tout état de cause, celles tendant à l'annulation du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme A... et Mme C..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

2

N° 21MA00685

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00685
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : REDEAU HOURIA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-19;21ma00685 ?
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