Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2104391 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2022 sous le n° 22MA00162, M. A... représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 avril 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne du respect des droits de la défense et d'une bonne administration ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale, le I de l'article L. 511-1 sur lequel se fonde cette décision étant incompatible avec la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle porte atteinte de façon disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2021.
II. Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2022 sous le n° 22MA00163, M. A... représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2104391 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présente un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Coulet-Rocchia, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien né le 20 janvier 1985, a sollicité le 2 novembre 2020 la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre demandé et l'a obligé à quitter le territoire français. M. A... relève appel du jugement du 4 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 22MA00162 et 22MA00163 sont dirigées contre le même jugement et le même arrêté préfectoral, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 22MA00162 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté en litige vise les dispositions applicables, indique notamment les conditions d'entrée et de séjour de M. A... et précise sa situation familiale. Par suite, l'arrêté, qui n'est pas stéréotypé, est suffisamment motivé.
5. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, du respect des droits de la défense et d'une bonne administration, invoqué dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 4 à 6 de son jugement.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
7. Pour justifier sa résidence habituelle en France depuis 2013, M. A... produit de nombreuses ordonnances médicales, des relevés de livret A de la Banque postale faisant état de retraits d'argent par carte et de versements en espèces ou par carte, des courriers de la caisse primaire d'assurance maladie, des attestations d'admission à l'aide médicale d'Etat ainsi que des avis d'imposition ne faisant mention d'aucun revenu. Toutefois, pour les années 2013, 2015 et 2020, les pièces produites, compte tenu de leur nature et de leur faible nombre, sont insuffisantes pour attester que la présence en France de M. A... durant ces années avait un caractère habituel. Par ailleurs, le requérant ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle notable, n'ayant jamais travaillé et ayant été toujours hébergé notamment chez sa mère. S'il se prévaut de la présence en France de frères et sœurs, de nationalité française et de sa mère, également de nationalité française, dont l'état de santé nécessite une assistance, il ne justifie pas être la seule personne à même de pouvoir lui apporter une telle aide. Enfin, M. A..., célibataire et sans enfant, a vécu aux Comores jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".
9. Il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers remplissant effectivement les conditions posées à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent desdites dispositions. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A... ne justifie pas remplir les conditions posées par les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de prendre le refus de séjour litigieux. Le moyen tiré d'un vice de procédure doit donc être écarté.
10. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a été exposé précédemment, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour contestée pour demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dont elle est assortie.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ". Les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'obligation de quitter le territoire français, si elle doit être motivée, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas, comme en l'espèce, où un titre de séjour a été refusé à l'étranger et qu'elle n'est pas assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français. Ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les dispositions et les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dont l'article 12 dispose que : " les décisions de retour (...) indiquent leurs motifs de fait et de droit (...) ", lesquels n'excluent pas que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français puisse se confondre avec celle du refus de titre de séjour qu'elle assortit et dont elle découle alors nécessairement. Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait en l'occurrence dénuée de motivation et dépourvue de base légale comme prise sur le fondement de dispositions incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 22MA00163 :
13. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement présentées par M. A..., dans sa requête enregistrée sous le n° 22MA00163, sont donc devenues sans objet.
14. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées, également dans cette requête, tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 4 octobre 2021 présentées dans la requête n° 22MA00163.
Article 2 : La requête n° 22MA00162 de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 22MA00163 est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., à Me Coulet-Rocchia et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, où siégeaient :
- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme B... et Mme C..., premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.
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N° 22MA00162, 22MA00163
nc