Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision l'obligeant à quitter le territoire français jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la notification d'une ordonnance de ladite cour.
Par un jugement n° 2208043 du 9 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 16 novembre 2022 de la préfète du Bas-Rhin, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, valable jusqu'à la décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédures devant la cour :
I./ Par une requête enregistrée le 16 février 2023 sous le numéro 23NC00519, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 9 février 2023.
Elle soutient que :
- il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement ;
- c'est à tort que le premier juge, pour annuler l'arrêté préfectoral du 16 novembre 2022, s'est fondé sur la circonstance que la boite aux lettres de M. A... n'était pas identifiée et que partant, faute d'une notification régulière, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 août 2022 ne pouvait être regardée comme définitive :
. il appartenait à M. A... de faire toutes diligences pour recevoir de manière effective son courrier à l'adresse connue de l'administration ;
. la notification le 23 août 2022 de la décision du 12 août 2022 faite par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides était donc régulière de sorte que M. A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français.
- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2023, M. A..., représenté par Me Zimmermann, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la suspension de la mesure d'éloignement du 16 novembre 2022, à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de renouveler son attestation de demande d'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai, et à la condamnation de l'Etat à verser, à son conseil, une somme de 300 euros HT sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de sursis à exécution n'est pas fondée ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'était pas valable ;
sur l'obligation de quitter le territoire français :
- le signataire de cette décision ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée à cet effet ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, la préfète s'étant estimée en situation de compétence liée ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- la préfète n'a pas examiné sa situation personnelle ;
- la décision est contraire aux stipulations des articles 3 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
sur la fixation du pays de renvoi :
- le signataire de cette décision ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée à cet effet ;
- la décision est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
sur la demande de suspension :
- il justifie des motifs de nature à justifier son maintien sur le territoire français jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
II./ Par une requête enregistrée le 16 février 2023 sous le numéro 23NC00520, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge, pour annuler l'arrêté préfectoral du 16 novembre 2022, s'est fondé sur la circonstance que la boite aux lettres de M. A... n'était pas identifiée et que partant, faute d'une notification régulière, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 août 2022 ne pouvait être regardée comme définitive :
. il appartenait à M. A... de faire toutes diligences pour recevoir de manière effective son courrier à l'adresse connue de l'administration ;
. la notification le 23 août 2022 de la décision du 12 août 2022 faite par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides était donc régulière de sorte que M. A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, M. A..., représenté par Me Zimmermann, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de renouveler son attestation de demande d'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il invoque les mêmes moyens que ceux développés dans le cadre de l'instance n° 23NC00519 relative au sursis à exécution.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 mai 2023, au titre des deux instances.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais né le 4 mai 1997, est entré en France le 22 avril 2021 et a déposé une demande d'asile le 27 avril 2021. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier " Eurodac " a permis d'établir que ses empreintes avaient été relevées en Italie. L'administration a saisi les autorités italiennes qui ont refusé le transfert de l'intéressé. M. A... a déposé une deuxième demande d'asile en date du 11 octobre 2021 qui a été rejetée le 12 août 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un arrêté du 16 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté préfectoral. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la préfète du Bas-Rhin relève appel et demande le sursis à exécution du jugement du 9 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur la requête n° 23NC00520 :
2. Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. " Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes du R. 531-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui figure dans le système d'information de l'office, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation postale retraçant le parcours du courrier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides adressé à M. A..., que le pli n'a pas été distribué et a été retourné à l'expéditeur au motif que la boîte aux lettres n'aurait pas été identifiable. Toutefois, et comme l'a relevé le premier juge, l'adresse mentionnée sur le courrier, telle qu'elle ressort du relevé TélémOfpra, est exacte et correspond au logement qui lui est attribué dans le cadre du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile, au sein d'un centre d'accueil, duquel il n'a pas déménagé. Dans ces conditions, dans les circonstances particulières de l'espèce, le pli ne saurait être regardé comme ayant été régulièrement distribué le 23 août 2022. La décision de l'OFPRA n'étant pas devenue définitive à la date de l'arrêté litigieux, M. A... bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire. Par suite, la préfète du Bas-Rhin a méconnu les dispositions citées au point 2 du présent arrêt en prenant à l'encontre de M. A... une décision portant obligation de quitter le territoire français.
5. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 16 novembre 2022 et lui a enjoint à délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile.
Sur la requête n° 23NC00519 :
6. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de la préfète du Bas-Rhin contre le jugement du 9 février 2023 du tribunal administratif de Strasbourg. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution distincte de celles ordonnées par le premier juge, les conclusions aux fins d'injonction de M. A... doivent être rejetées.
Sur les frais liés aux litiges :
8. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Il y a lieu, par suite, sous réserve de la renonciation de Me Zimmermann au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridique, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A... de la somme globale de 1 500 euros au titre des frais que ce dernier aurait exposés dans les instances introduites devant la cour s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23NC00519 de la préfète du Bas-Rhin à fin de sursis à exécution du jugement du 9 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg.
Article 2 : La requête de la préfète du Bas-Rhin enregistrée sous le numéro 23NC00520 est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Zimmermann la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation par celle-ci au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridique.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à Me Zimmermann.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson- Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe présidente
Signé : A.Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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Nos 23NC00519, 23NC00520