VU le recours, enregistré au greffe de la Cour le 16 octobre 1992 sous le n° 92NT00769, formé par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 88504 du 10 juillet 1992 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat d'une part, à verser à M. X... la somme de 10 000 F à titre de réparation du préjudice causé par l'arrêté du préfet du Calvados du 10 juillet 1987, ainsi que la somme de 4 000 F au titre des frais mentionnés à l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et, d'autre part à supporter les frais d'expertise ;
2°) de rejeter la demande de M. X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la route ;
VU l'arrêté du 7 mars 1973 du ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme ;
VU l'arrêté du 24 mars 1981 du ministre des transports ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 1994 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,
Considérant que, suite à l'avis de la commission médicale primaire, le préfet du Calvados a, par arrêté du 10 juillet 1987 prononcé la suspension pendant trois mois de la validité des permis de conduire de toutes les catégories dont M. Jean-Pierre X... était titulaire ; que, suite à l'avis de la commission départementale d'appel réunie le 4 septembre 1987, le préfet a, par arrêté du 7 septembre, prorogé pour six mois la validité du permis de conduire les véhicules du groupe léger et maintenu pour la même durée la suspension de la validité des permis des catégories C, D, E ; qu'à la demande de M. X... qui, soulevant l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 10 juillet 1987, sollicitait la réparation du préjudice qu'il avait subi, le Tribunal administratif de Caen, par jugement du 10 juillet 1992, a condamné l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F ; que, devant la Cour, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE conclut à l'annulation de ce jugement et M. X..., par la voie de l'appel incident, à sa réformation en tant qu'il a limité l'indemnisation à ladite somme ;
Considérant que, par son arrêté du 10 juillet 1987, le préfet du Calvados, suivant l'avis de la commission médicale primaire, s'est fondé, en vertu de l'article R.128 du code de la route, sur l'article 4-1-2 de la liste des incapacités physiques incompatibles avec le maintien du permis de conduire annexée à l'arrêté ministériel susvisé du 24 mars 1981 alors en vigueur ; que ce texte dispose : "Alcoolisme chronique - Incompatibilité temporaire jusqu'à normalisation des signes cliniques et biologiques - Examen clinique et vérifications biologiques" ; que, toutefois, la commission départementale saisie en appel a déclaré le 4 septembre 1987 M. X... apte, pendant une durée de six mois en ce qui concerne les permis de conduire des catégories A et B ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert médical commis par le tribunal administratif, que les signes cliniques présentés par M. X... lors de la visite devant les médecins de la commission primaire ainsi que les vérifications résultant des examens biologiques, même si le dosage en gamma GT était supérieur à la normale, n'étaient pas révélateurs chez l'intéressé d'un alcoolisme chronique dès lors qu'en l'espèce, le taux élevé de cette substance n'était pas en relation avec l'éthylisme reproché mais, comme l'avait fait remarquer M. X... dont les observations n'ont pas été prises en considération, avec une absorption de médicaments lors de traitements médicaux antérieurs ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision du préfet faisant une fausse application des dispositions de l'arrêté ministériel du 24 mars 1981 est entaché d'illégalité ; que celle-ci, à supposer même qu'elle soit imputable à une simple erreur d'appréciation, a constitué une faute, dont il n'est pas exigé qu'elle soit une faute lourde, de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ; qu'en conséquence et contrairement à ce que soutient le ministre appelant, c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu que M. X... était en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain qui a pu résulter de l'application de cette décision illégale ;
Considérant que M. X... à l'appui de sa demande en réparation du préjudice invoque le fait qu'il n'a pas pu prendre les vacances familiales qu'il projetait au mois d'août 1987, le préjudice moral qu'il a subi pour avoir été traité en public d'alcoolique et de danger public au volant et le paiement, dont il ne justifie pas la réalité, d'honoraires médicaux ; que, contrairement à ce qu'il prétend, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ces différents chefs de préjudice en lui allouant la somme de 10 000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède d'une part, que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par M. X... et, d'autre part, que ce dernier n'est pas fondé à demander la réformation dudit jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre du préjudice qu'il a subi ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat, MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME, à payer à M. X... la somme de 4 000 F ;
Article 1er - Le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE est rejeté.
Article 2 - L'Etat, MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME, versera à M. Jean-Pierre X... une somme de quatre mille francs (4 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Les conclusions d'appel incident et le surplus des conclusions de la requête de M. X... sont rejetés.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME et à M. X....