Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 janvier 1994 sous le n° 94NT00067, et le mémoire additionnel enregistré le 11 mars 1994, présentés pour la MAISON DE RETRAITE DE Bléré, sise ..., représentée par sa directrice, par Maître Jean-Jacques Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
La MAISON DE RETRAITE DE Bléré demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 novembre 1993 du tribunal administratif d'Orléans en tant que ce jugement a annulé la décision en date du 10 octobre 1991 par laquelle sa directrice avait prononcé le licenciement de Mme Danielle X... et l'a condamnée à verser à Mme X... la somme de 2 000 F au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
3°) de condamner Mme X... à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 1994 ;
- le rapport de M. MARGUERON, rapporteur,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,
Considérant que Mme X..., qui était alors employée en qualité d'aide-soignante auxiliaire à la MAISON DE RETRAITE DE Bléré (Indre-et-Loire), a été licenciée par une décision en date du 10 février 1987 en raison de son comportement, qualifié de dangereux, à l'égard des pensionnaires de l'établissement ; que par jugement en date du 19 mars 1991, devenu définitif faute d'avoir été frappé d'appel, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, annulé cette décision de licenciement au motif que Mme X... n'avait pu prendre connaissance préalable de l'intégralité de son dossier, ni bénéficier d'un délai suffisant pour préparer sa défense et, d'autre part, rejeté les conclusions aux fins d'indemnité présentées par l'intéressée en considérant que les faits qui lui étaient reprochés étaient de nature à justifier la sanction prononcée ; qu'après avoir réintégré Mme X... dans ses fonctions, la directrice de la MAISON DE RETRAITE DE Bléré a pris à son encontre, le 10 octobre 1991, une nouvelle décision de licenciement en raison des mêmes faits que ceux qui avaient motivé sa précédente décision ; que, par un second jugement en date du 4 novembre 1993, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette nouvelle décision de licenciement, au motif que les faits reprochés à Mme X... entraient dans le champ d'application de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, rejeté les conclusions aux fins d'indemnité présentées par Mme X... et condamné la MAISON DE RETRAITE DE Bléré à lui verser une somme de 2 000 F au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que la MAISON DE RETRAITE DE Bléré fait appel de ce jugement en tant qu'il annule la décision de licenciement du 10 octobre 1991 et la condamne sur le fondement des dispositions de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 : Sont amnistiés les faits commis avant le 22 mai 1988 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ... Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ..." ;
Considérant, en premier lieu, que si, pour rejeter par son jugement du 19 mars 1991, les conclusions aux fins d'indemnité présentées par Mme X..., il a estimé que les faits reprochés à cette dernière étaient de nature à justifier le licenciement prononcé, le tribunal administratif d'Orléans ne s'est pas, ce faisant, implicitement mais nécessairement prononcé sur l'application de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 ; que, par suite, il a pu, sans méconnaître l'autorité de chose jugée qui se serait attachée à sa précédente décision, se prononcer dans son jugement du 4 novembre 1993 sur l'application de cette loi au regard des mêmes faits ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par Mme X... que, le 4 février 1987, cette dernière a giflé et injurié un pensionnaire âgé et handicapé qu'elle avait la charge d'habiller ; qu'à supposer même que le geste commis par Mme X... ait répondu à une gifle que venait de lui donner ce pensionnaire et que l'intéressée se soit trouvée à cette époque dans un état de fragilité psychologique, ces faits ont constitué, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, un manquement à l'honneur, exclu du bénéfice de l'amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que les faits reprochés à Mme X... étaient amnistiés pour annuler la décision de licenciement prise le 10 octobre 1991 par la directrice de la MAISON DE RETRAITE DE Bléré ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour d'examiner les autres moyens soulevés devant elle par Mme X... ;
Considérant, d'une part, que, comme il a été dit, le tribunal administratif d'Orléans ne s'est pas implicitement mais nécessairement prononcé sur l'application de la loi d'amnistie dans son jugement du 19 mars 1991 en se prononçant sur les conclusions aux fins d'indemnité dont il était saisi ; que Mme X... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que ce jugement, qui a par ailleurs annulé son licenciement en raison d'un vice de procédure dont il était entaché, aurait, au contraire, reconnu que les faits qui lui étaient reprochés étaient amnistiés ;
Considérant, d'autre part, que le moyen tiré par Mme X... de ce que l'abandon de poste allégué par la MAISON DE RETRAITE DE Bléré n'est pas établi est inopérant, dès lors que cet abandon de poste n'est pas au nombre des motifs retenus par la directrice de l'établissement dans sa décision de licenciement de l'intéressée intervenue le 10 octobre 1991 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la MAISON DE RETRAITE DE Bléré est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision en date du 10 octobre 1991 par laquelle sa directrice a prononcé le licenciement de Mme X... et, par voie de conséquence, l'a condamnée à verser à Mme X... la somme de 2 000 F au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué et de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation de la décision du 10 octobre 1991 et à la condamnation de la MAISON DE RETRAITE DE Bléré au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que Mme X... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que la MAISON DE RETRAITE DE Bléré soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la MAISON DE RETRAITE DE Bléré ;
Article 1er - Les articles 1er et 2 du jugement en date du 4 novembre 1993 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.
Article 2 - Les conclusions de la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation de la décision en date du 10 octobre 1991 de la directrice de la MAISON DE RETRAITE DE Bléré, ainsi qu'à la condamnation de la MAISON DE RETRAITE DE Bléré au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 - Les conclusions de Mme X... et de la MAISON DE RETRAITE DE Bléré tendant au bénéfice de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à la MAISON DE RETRAITE DE Bléré, à Mme X... et au ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.