Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 3 octobre 1995, présentée pour la SOCIETE PROMAGRI, représentée par son président, par Me X..., avocat ;
La société demande à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance n 951360 en date du 18 septembre 1995 par laquelle le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la nomination d'un expert ;
2 ) d'ordonner une expertise aux fins pour l'expert de se rendre au centre de production horticole sur le territoire de la commune de Saint Denis en Val, de visiter les lieux et de dire si les travaux effectués par la SOCIETE PROMAGRI, consistant en la construction de serres tout équipées, ont été effectués conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art, de préciser si des plus-values ont été omises par le maître d'ouvrage, de fournir tous éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer, s'il y a lieu, les préjudices subis, de donner son avis sur les comptes établis entre les parties ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 1996 :
- le rapport de Mme Lackmann, président rapporteur,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par marché du 1er octobre 1993 la SOCIETE PROMAGRI a été chargée par la ville d'Orléans de la construction d'un centre de production horticole sur le territoire de la commune de Saint Denis en Val ; que la réception des travaux avec réserves a été prononcée le 2 septembre 1994 ; que le 11 janvier 1995 un premier décompte général des travaux a été signé par la société requérante et par la ville ; que la société a adressé le 10 février 1995 un deuxième décompte général à la ville qui l'a refusé ; qu'enfin, la ville d'Orléans ayant refusé de notifier un nouveau décompte général, la SOCIETE PROMAGRI a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande d'expertise ; que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal a rejeté cette demande au motif qu'elle préjudicierait au principal ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant, d'une part, qu'il ne ressort ni des visas ni de la motivation de l'ordonnance attaquée que le président du tribunal administratif d'Orléans ait dénaturé les écritures de la société requérante en estimant que la demande de la SOCIETE PROMAGRI, qui tendait à ce que l'expert donne son avis sur les comptes établis entre les parties et précise si des plus-values avaient été omises par le maître d'ouvrage, avait principalement pour objet la détermination du montant des sommes qui lui seraient dues par la ville d'Orléans ;
Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le président du tribunal administratif d'Orléans n'a pas statué sur le décompte signé par les parties contractantes le 11 janvier 1995 mais s'est borné à évoquer la fin de non-recevoir soulevée par la ville d'Orléans et tirée du caractère définitif de ce décompte ;
Considérant dès lors que la SOCIETE PROMAGRI n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée a été rendue au terme d'une procédure irrégulière ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
Considérant qu'aux termes de l'article R.128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut, sur simple requête qui, devant le tribunal administratif, sera recevable même en l'absence d'une décision administrative préalable, prescrire toutes mesures utiles d'expertise ou d'instruction" ;
Considérant, en premier lieu, qu'alors même que les dispositions susrappelées de l'article R.128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne le mentionnent pas explicitement, le juge des référés, saisi d'une demande sur ce fondement, ne peut préjudicier au principal ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE PROMAGRI, ce principe ne porte pas atteinte aux dispositions des articles 6-1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et au droit pour tout justiciable de bénéficier d'une procédure juridictionnelle équitable et dans un délai raisonnable, la saisine du juge des référés n'étant pas exclusive de la saisine du juge du fond ;
Considérant, en second lieu, qu'en tant qu'elle confierait à l'expert la mission de préciser si des plus-values ont été omises par le maître d'ouvrage, de fournir tous éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités encourues, d'évaluer, s'il y a lieu, les préjudices subis et de donner son avis sur les comptes établis entre les parties, l'expertise sollicitée serait de nature à préjudicier au principal ; que par ailleurs, en l'absence de contestations sur ce point entre les parties, cette mesure d'instruction ne présente pas, en l'état, un caractère utile en tant qu'elle a pour objet de demander à l'expert de se rendre au centre de production horticole situé sur le territoire de la commune de Saint Denis en Val, de visiter les lieux et de dire si les travaux effectués par la SOCIETE PROMAGRI, consistant en la construction de serres tout équipées, ont été effectués conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;
Considérant dès lors, que la SOCIETE PROMAGRI n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE PROMAGRI à verser à la ville d'Orléans la somme de 4 000 F en application des dispositions précitées ;
Article 1er - La requête de la SOCIETE PROMAGRI est rejetée.
Article 2 - La SOCIETE PROMAGRI est condamnée à verser à la ville d'Orléans la somme de quatre mille francs (4 000 F) en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la ville d'Orléans tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PROMAGRI, à la ville d'Orléans et au ministre de l'intérieur.