Vu, 1 ), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 mai 1994, sous le n 94NT00562, présentée pour la commune de la Croix-Saint-Leufroy et la commune d'Ailly (Eure), représentées par leurs maires en exercice, par Me Jean-Paul X..., avocat au barreau de Rouen ;
Les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1313 du 28 mars 1994 par lequel le Tribunal administratif de Rouen les a condamnées solidairement à verser à Mme Ghuylaine Y..., d'une part, la somme de 20 000 F, assortie des intérêts, en réparation des dommages causés à la propriété de l'intéressée par le ruissellement des eaux pluviales sur le chemin vicinal n 42, d'autre part, une indemnité annuelle de 3 000 F qui lui sera due jusqu'à l'exécution des travaux nécessaires pour mettre fin à ces dommages, enfin, la somme de 1 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et, en outre, a mis à la charge desdites communes les frais de l'expertise ordonnée en première instance ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Vu, 2 ), la demande, enregistrée au greffe de la Cour le 25 avril 1995, sous le n NT95-15, puis sous le n 96NT01226, présentée pour Mme Y..., par la société civile professionnelle d'avocats au barreau de Paris HUGLO, LEPAGE, MOLAS ;
Mme Y... demande à la Cour, en application de l'article L.8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'assurer l'exécution du jugement susmentionné du Tribunal administratif de Rouen, en date du 28 mars 1994 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 1996 :
- le rapport de M. LEMAI, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête des communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly et la demande de Mme Y... sont relatives au même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Tribunal n'était saisi que d'une demande de Mme Y... tendant à la condamnation des communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly à lui verser une indemnité en réparation des dommages subis du fait du ruissellement des eaux pluviales sur le chemin vicinal n 42 ; qu'ainsi, en tout état de cause, les communes requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les premiers juges auraient omis de statuer sur la détermination des travaux qu'il conviendrait d'exécuter pour faire cesser lesdits dommages ;
Sur la régularité des opérations d'expertise :
Considérant que les communes requérantes n'ont soulevé devant le Tribunal aucun moyen tiré de l'irrégularité des opérations d'expertise ; que, dès lors, elles ne sont pas recevables, en appel, à en contester la régularité ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges, que les dommages causés à la propriété de Mme Y..., située, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, en contrebas d'un bassin versant de 16,6 hectares, sont provoqués par le ruissellement des eaux de pluie sur le chemin vicinal n 42, dépourvu de tout ouvrage d'évacuation des eaux ;
Considérant que les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly, maîtres de l'ouvrage public constitué par le chemin vicinal n 42, sont responsables, même sans faute, des dommages que l'existence de cet ouvrage peut occasionner à ceux des propriétaires riverains qui, comme Mme Y..., ont la qualité de tiers par rapport audit ouvrage ; qu'ainsi, la responsabilité des communes requérantes, propriétaires de l'ouvrage, se trouve engagée à l'égard de Mme Y..., sauf pour elles à établir que les dommages résultent d'un cas de force majeure ou de la faute de la victime et sans qu'elles puissent invoquer, pour atténuer leur propre responsabilité, les travaux qu'aurait effectués, sur ce chemin vicinal, le Syndicat intercommunal de distribution d'eau potable de la région de Venables ; que, dès lors qu'elles n'ont pas présenté de conclusions tendant à ce que le syndicat les garantisse des éventuelles condamnations mises à leur charge, elles ne sauraient demander à la Cour de mettre en cause cet établissement public dans le présent litige ;
Considérant, en premier lieu, qu'il n'est établi ni que le revêtement bitumineux du chemin vicinal ait été effectué à la demande de Mme Y..., ni que le creusement d'un fossé sur le tracé d'un ancien chemin rural ou le comblement d'une mare situés sur la propriété de l'intéressée aient été de nature à provoquer ou aggraver le ruissellement des eaux pluviales ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dommages allégués par Mme Y..., et réparés par le Tribunal, présentent un caractère continu et ne sont pas uniquement dus aux pluies qui se sont produites en juillet 1975 ; que, dès lors, les communes requérantes ne sauraient invoquer la circonstance, à la supposer établie, que ces préjudices auraient présenté un caractère de force majeure ;
Considérant, enfin, que le Tribunal a indemnisé l'ensemble des troubles de jouissance subis par Mme Y... et non le préjudice né de l'achat à la commune de la Croix-Saint-Leufroy d'un chemin rural afin de le transformer en fossé pour protéger sa propriété ; que l'ensemble de ces troubles de jouissance présente un caractère anormal et spécial excédant ceux que tout riverain des voies publiques est tenu de supporter ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal les a condamnées à indemniser Mme Y... ;
Sur les conclusions incidentes de Mme Y... relatives aux intérêts :
Considérant que Mme Y... a droit aux intérêts des indemnités annuelles de 3 000 F mises à la charge des communes requérantes, non à la date du 27 décembre 1991, mais à compter des dates d'échéance successives de ces indemnités, soit le 31 décembre de chaque année ;
Sur la demande d'exécution du jugement attaqué et les autres conclusions incidentes de Mme Y... :
Considérant que Mme Y... a, d'une part, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, demandé à la Cour d'assurer l'exécution du jugement du 28 mars 1994 et a, d'autre part, présenté des conclusions tendant à ce que l'arrêt à intervenir soit assorti d'injonctions et d'astreintes ; que ces dernières conclusions doivent être regardées comme tendant à l'application des dispositions des articles L.8-2 et L.8-3 du même code ;
Considérant, en premier lieu, que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur l'appel formé par les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly contre le jugement attaqué, la demande tendant à ce que la Cour assure l'exécution dudit jugement, enregistrée sous le n 96NT01226, est devenue sans objet ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans sa rédaction issue de la loi n 95-125 du 8 février 1995 : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt ..." ; que l'article L.8-3 du même code dispose : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;
Considérant que l'exécution du présent arrêt qui confirme la condamnation des communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly à indemniser Mme Y... au titre des dommages résultant de l'écoulement des eaux sur sa propriété, n'implique pas nécessairement que lesdites communes soient tenues de réaliser des travaux de nature à mettre fin à ces dommages ; que, par suite, la demande tendant à ce qu'il soit enjoint aux communes maîtres de l'ouvrage d'exécuter les travaux nécessaires pour assurer un écoulement des eaux non dommageable à la propriété de Mme Y..., ne peut être accueillie ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu d'ordonner aux communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly de régler à Mme Y... les sommes qu'elles ont été condamnées à verser par le jugement du 28 mars 1994 confirmé par le présent arrêt, y compris les termes échus de la rente annuelle ; que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, il y a lieu de prononcer contre les communes, à défaut pour elles de justifier de ce règlement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 500 F par jour jusqu'à la date à laquelle ladite condamnation aura reçu exécution ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner conjointement et solidairement les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly à verser à Mme Y... la somme de 6 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête des communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme Y... enregistrée sous le n 96NT01226.
Article 3 : Les indemnités annuelles de trois mille francs (3 000 F) mises à la charge des communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly porteront intérêt au taux légal à compter du 31 décembre de l'année à laquelle elles se rapportent.
Article 4 : Il est enjoint aux communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly de régler à Mme Y... les sommes qu'elles ont été condamnées à verser à cette dernière par le jugement du Tribunal administratif de Rouen, en date du 28 mars 1994, confirmé par le présent arrêt.
Article 5 : Une astreinte est prononcée contre les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly si elles ne justifient pas avoir, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, procédé au règlement mentionné à l'article 4 ci-dessus, et jusqu'à la date de ce règlement. Le taux de cette astreinte est fixé à cinq cents francs (500 F) par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 6 : Les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly communiqueront au greffe de la Cour copie des documents justifiant du règlement des sommes mentionnées à l'article 4 ci-dessus.
Article 7 : Les communes de la Croix-Saint-Leufroy et d'Ailly verseront à Mme Y... la somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code de s tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Croix-Saint-Leufroy, à la commune d'Ailly, à Mme Y... et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.