Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 1996 et le mémoire ampliatif enregistré le 4 novembre 1996, présentés pour l'E.U.R.L. Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier (R.A.I.F.), dont le siège social est ..., par la S.C.P. A. WEBEN, J. NICOLE, F. MAZROU, avocat ;
L'entreprise R.A.I.F. demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-1817 en date du 9 avril 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Argences à lui payer, outre intérêts, la somme de 5 500 000 F, en réparation du préjudice résultant pour elle de la délivrance par ladite commune, le 24 juin 1988, d'une note de renseignement erronée relative à un ensemble immobilier situé au lieudit "Le Frêne" ;
2 ) de condamner la commune d'Argences à lui payer la somme de 4 280 000 F à raison de ce préjudice ;
3 ) de condamner la commune à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 1998 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la commune d'Argences a délivré une note de renseignements d'urbanisme le 23 juin 1988 au notaire chargé de la vente d'un ensemble immobilier dénommé "La Tuilerie", situé au lieudit "Le Frêne" ; que, sur la base de cette note de renseignements d'urbanisme qui indiquait que le terrain était classé en zone UE du plan d'occupation des sols, la vente est intervenue, le 24 juin 1988, au profit de l'entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier", laquelle a entrepris de remettre les locaux en état et de les transformer afin de les louer pour un usage industriel et commercial ; que, toutefois, la société COOP-CAN, qui avait loué une partie des locaux ainsi aménagés pour y exercer une activité de stockage de céréales, relevant du régime de la déclaration au titre de la législation des installations classées, a été informée par le préfet du Calvados que l'exploitation d'une installation classée était interdite en raison du classement du terrain d'assiette de l'ensemble immobilier en zone 2NA du plan d'occupation des sols de la commune d'Argences ; que, dans l'impossibilité de poursuivre son activité, la société COOP-CAN a dénoncé, le 21 avril 1994, le bail qui lui avait été consenti par l'entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le reclassement du terrain d'assiette de l'ensemble immobilier acquis par l'Entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" de la zone UE à la zone 2NA du plan d'occupation des sols résultait de la révision de ce plan approuvée le 26 mai 1988, antérieurement à la délivrance de la note de renseignements d'urbanisme ; que cette dernière se bornait à mentionner la mise en révision du plan, le 8 juillet 1985 ; que si la commune d'Argences fait valoir que la note de renseignements d'urbanisme, en indiquant uniquement un classement en zone UE, faisait état de la réglementation en vigueur à la date de délivrance de la note, dès lors que la révision précédemment approuvée n'était pas encore devenue opposable aux tiers, faute pour l'ensemble des mesures de publicité prévues en la matière d'être intervenues, il ne lui appartenait pas moins d'indiquer dans cette note la modification de la réglementation d'urbanisme qui devait ainsi devenir applicable à brève échéance, alors même que la date précise d'accomplissement de l'ensemble des mesures de publicité n'aurait pas encore été connue ; que la commune ne saurait utilement faire valoir à cet égard qu'il appartenait au destinataire de la note de s'informer lui-même du contenu de la révision en cours ou bien de demander un certificat d'urbanisme ; que si la commune fait valoir également que l'attention de l'entreprise aurait été appelée sur le classement du terrain en zone 2NA ainsi que sur la réalisation de travaux sans autorisation par une lettre du 28 septembre 1989, la teneur de cette lettre, seulement mentionnée dans un courrier ultérieur du maire d'Argences, du 12 août 1994, n'est, en tout état de cause, pas établie par les pièces produites au dossier ; que la délivrance, dans ces conditions, d'une note de renseignements incomplète a été constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune d'Argences à l'égard de l'Entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" ;
Sur le préjudice :
Considérant que les préjudices dont l'Entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" demande la réparation à la commune d'Argences consistent, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, en une perte de 2 850 000 F, qui correspondrait à la différence entre le prix auquel elle a revendu l'ensemble immobilier et la valeur vénale qu'aurait acquise ce dernier si le classement en zone 2NA du plan d'occupation des sols révisé n'avait pas limité ses possibilités de location à des entreprises, en empêchant de louer les locaux pour l'exploitation d'installations classées et en ne permettant, en vertu des dispositions du règlement de la zone, que des "aménagements promotionnels de commerce, tourisme et de loisirs" et, d'autre part, en des pertes de loyers dues au départ des lieux de la société COOP-CAN, ainsi que de la société PROMODES ;
Considérant, toutefois, alors, au surplus, qu'il n'est pas soutenu que le départ de la société PROMODES aurait également pour cause l'application du règlement du plan d'occupation des sols révisé, que les préjudices dont il est ainsi demandé réparation trouvent leur origine, non dans la faute commise par la commune à l'occasion de la délivrance de la note de renseignements d'urbanisme, mais dans le classement du terrain en zone 2NA, non contesté par l'entreprise requérante, qui s'opposait à la location des locaux dans les conditions escomptées et à leur revente à un prix éventuellement supérieur à celui obtenu ; que, par ailleurs, l'Entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" n'établit, ni même n'allègue que les sommes qu'elles a perçues jusqu'à la cession de l'ensemble immobilier, sous la forme tant des loyers que du prix de cession, ne l'auraient pas remboursée de l'ensemble des frais qu'elle a exposés à l'occasion de l'acquisition du bien, ainsi que pour l'aménagement et l'entretien de celui-ci ; que, dans ces conditions, la requérante ne justifie pas d'un préjudice dont elle serait fondée à obtenir réparation à raison du caractère fautif de la délivrance de la note de renseignements d'urbanisme du 23 juin 1988 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que l'Entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" est partie perdante dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que la commune d'Argences soit condamnée à lui verser une somme au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner l'Entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" à payer à la commune d'Argences la somme de 6 000 F ;
Article 1er : La requête de l'entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" est rejetée.
Article 2 : L'entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier" versera à la commune d'Argences une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune d'Argences tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise "Rénovation, Aménagement, Immobilier, Foncier", à la commune d'Argences et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.