Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 juin 1996, présentée pour Mme Y... demeurant Le Moulin de Gérard 35500 Montreuil-sous-Pérouse, par Me HAY, avocat ;
Mme Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95441 en date du 9 avril 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 1994 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Calvados a statué sur sa réclamation relative aux opérations de remembrement de la commune de Le Reculey ;
2 ) d'annuler ladite décision ;
3 ) de condamner l'Etat à lui rembourser le droit de timbre et le droit de plaidoirie et à lui payer 10 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 1998 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, premier conseiller,
- les observations de Me HAY, avocat de Mme Y...,
- les observations de M. X...,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la réclamation présentée par Mme Y... devant la commission départementale d'aménagement foncier tendait à la réattribution de ses parcelles d'apport 203 et 374 ; que si, à la suite de cette réclamation un avant-projet de modification avait été envisagé par la commission départementale qui comportait l'attribution à la réclamante de la parcelle 206 apportée par un autre propriétaire, Mme Y..., qui ne tenait d'aucune disposition législative le droit d'obtenir l'attribution de cette parcelle, ne saurait utilement se prévaloir, pour critiquer les opérations de remembrement concernant sa propriété, de ce que la commission départementale aurait renoncé à cet avant-projet ; que Mme Y... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif en se bornant à relever qu'elle ne justifiait d'aucun droit à l'attribution de la parcelle 206 sans examiner le bien-fondé des motifs qui avaient conduit la commission à abandonner l'avant-projet dont s'agit, aurait entaché son jugement d'irrégularité ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet du Calvados, dans son mémoire produit le 6 juin 1995 auquel était joint le procès-verbal de constat d'huissier établi le 19 septembre 1994, indiquait que les aménagements spéciaux consistant en une éolienne et un puits permettant de solliciter la réattribution de la parcelle 203 étaient situés sur la parcelle voisine ; qu'ainsi Mme Y... n'est fondée à soutenir ni que les premiers juges auraient soulevé d'office le moyen tiré de ce qu'elle n'était pas propriétaire desdits aménagements, ni qu'elle n'aurait pas été en mesure d'obtenir communication du constat établi le 19 septembre 1994 ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sur le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission départementale d'aménagement foncier du Calvados ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.121-10 du code rural : " ...La commission départementale ne peut valablement délibérer que si son président ou son président suppléant et la majorité de ses membres, dont un représentant des propriétaires bailleurs, un représentant des propriétaires exploitants, un représentant des preneurs et, dans le cas prévu à l'article L.121-9, un représentant des propriétaires forestiers sont présents ..." ; et qu'aux termes de l'article R.121-12 du même code : "La commission procède à l'instruction des réclamations et à l'examen des observations dans les formes qu'elle détermine. Elle statue par une seule décision sur toutes les réclamations formulées contre une même opération ..." ; qu'il résulte de ces dispositions combinées qu'en raison du caractère de décision d'ensemble unique qu'elle est appelée à prendre sur toutes les réclamations dont elle est saisie contre le plan de remembrement d'une commune, tel que la commission communale l'a arrêté, la commission départementale d'aménagement foncier ne peut valablement statuer sur des réclamations dont l'examen exige plusieurs séances que si tous les membres de la commission qui participent à la décision finale ont assisté à toutes les séances précédentes ; que, toutefois, si un ou plusieurs de ses membres ont participé à certaines discussions précédant la décision d'ensemble sans prendre part à cette dernière décision, cette circonstance n'implique pas que sa décision soit irrégulière dès lors que, pour la délibération portant sur l'ensemble des réclamations, le quorum exigé par les dispositions de l'article R.121-10 précité reste atteint ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que si deux membres de la commission départementale du Calvados, qui avaient participé à la discussion du 8 décembre 1994, n'ont pas pris part à la décision finale du 22 décembre 1994, tous les autres membres de la commission départementale qui ont participé à ladite décision ont été continuellement présents au cours des discussions qui l'avaient précédée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la composition de la commission ne respectait pas les règles de quorum qui lui sont imposées ; que Mme Y... n'est donc pas fondée à soutenir que la composition de la commission départementale aurait été irrégulière ;
Sur le moyen tiré de la non-attribution de la parcelle 206 :
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, aucune disposition législative ne faisait obligation à la commission départementale d'aménagement foncier d'attribuer la parcelle 206, qui ne figurait pas dans ses apports, à la requérante ; que Mme Y... ne peut utilement se prévaloir de ce que cette attribution avait été envisagée dans un avant-projet de modification qui n'a pas été retenu par la commission départementale ;
Sur les moyens tirés de la non-réattribution de la parcelle 203 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.123-3 du code rural : "Doivent être réattribués à leur propriétaire, sauf accord contraire, et ne subir que les modifications de limites indispensables à l'aménagement ... 4) les immeubles présentant, à la date de l'arrêté fixant le périmètre de remembrement les caractéristiques d'un terrain à bâtir au sens du 1 du paragraphe II de l'article L.13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ..." ; qu'aux termes de cet article L.13-15 : "La qualification de terrain à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L.11-1, sont, quelle que soit leur utilisation tout à la fois : a) effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains ; b) situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou par un document d'urbanisme en tenant lieu, ou bien en l'absence d'un tel document, situés soit dans une partie actuellement urbanisée d'une commune, soit dans une partie de commune désignée conjointement comme constructible par le conseil municipal et le représentant de l'Etat dans le département" ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que la commune de Le Reculey soit dotée d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé préalablement aux opérations de remembrement de cette commune ; que la parcelle 203 dont la requérante demande sa réattribution au titre de l'article L.123-3-4 du code rural, se trouve dans une zone rurale à environ 200 mètres d'un hameau ne comportant que quelques maisons d'habitation et n'est ainsi pas située dans une partie actuellement urbanisée de la commune ; qu'elle ne constitue donc pas un terrain à bâtir au sens des dispositions précitées ;
Considérant d'autre part qu'en vertu dudit article L.123-3-5 doivent être réattribués à leurs propriétaires, les immeubles à utilisation spéciale ;
Considérant que si la parcelle 203 comporte une éolienne et un puits, il ressort des pièces du dossier que ces équipements, eu égard à leur vétusté et à l'absence d'aménagement technique en ce qui concerne le puits, ne sont pas suffisants pour conférer à ladite parcelle le caractère d'un immeuble à utilisation spéciale ; qu'il en est de même de la présence de deux abreuvoirs ; que, par suite, Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la commission d'aménagement foncier ne lui a pas réattribué cette parcelle ;
Sur les moyens tirés d'une erreur de classement des parcelles, d'un défaut d'équivalence et d'un éloignement des parcelles :
Considérant que les moyens sus-énoncés, qui n'ont pas été préalablement soumis à l'examen de la commission départementale d'aménagement foncier, sont présentés pour la première fois au juge de l'excès de pouvoir et, par suite, ne sont pas recevables ;
Considérant enfin qu'il ressort des termes mêmes de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier qu'elle a pris en considération non la situation des exploitants mais celle des différents comptes de propriété avant de statuer sur la réclamation de Mme Y... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que Mme Y... est la partie perdante dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La requête de Mme Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Y..., à M. X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.