Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 juillet 1997, présentée pour la commune de Trélévern (Côtes-du-Nord), représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. GUYOT, GUYOT-GARNIER, GARNIER J., LOZAC'HMEUR, BOIS, DOHOLLOU, PERSON, SOUET, ARION PH., avocat ;
La commune demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92-4864 en date du 17 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif de Rennes, à la demande de M. et Mme X..., a annulé l'arrêté en date du 29 ao t 1992 par lequel le maire de Trélévern a accordé à ladite commune un permis de construire une station d'épuration sur un terrain situé au lieudit Leslac'h et l'a condamnée à verser à M. et Mme X... la somme de 3 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif ;
3 ) de condamner M. et Mme X... à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 1999 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- les observations de Me ARION, avocat de la commune de Trélévern,
- les observations de M. et Mme X...,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme X... ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué ;
Considérant que, dans leur mémoire enregistré le 30 mai 1994, M. et Mme X... ont soutenu, en se référant explicitement à l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, que la station d'épuration autorisée par le permis de construire contesté était, de par sa situation et sa destination, de nature à porter atteinte à la salubrité et à exposer les habitations proches à des nuisances graves ; qu'ainsi, en annulant ledit permis au motif que le maire de Trélévern avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du même article, compte-tenu tant des nuisances induites par l'ouvrage que de sa localisation, le tribunal administratif, contrairement à ce que soutient la commune de Trélévern, ne s'est pas fondé sur un moyen qui n'aurait pas été invoqué par les demandeurs ;
En ce qui concerne la légalité du permis de construire ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leur dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ;
Considérant que le permis de construire accordé le 29 août 1992 par le maire de Trélévern à la commune autorisait la réalisation d'une station d'épuration, comportant, notamment, un "décanteur-digesteur" et un ensemble de cinq bassins d'une surface de 160 m2 chacun ; qu'il ressort des pièces du dossier que le système d'épuration adopté, qui consiste en l'infiltration des eaux usées dans le sol des bassins où elles ont été épandues, après passage dans le "décanteur-digesteur", avec apparition de boues en surface, est de nature à provoquer dans son voisinage des nuisances olfactives dues à de fortes charges en effluents ; que les bassins d'infiltration sont situés à une distance comprise entre 72 et 98 mètres des six habitations les plus proches et que la plupart des habitations de cette partie de la commune, dont une suite de constructions édifiées en direction du bourg à partir d'une distance d'un plus de 100 mètres des bassins, sont situées sous les vents dominants par rapport à ces derniers ; que, dans ces conditions, en délivrant le permis de construire la station d'épuration, le maire de Trélévern a porté sur le projet, au regard des dispositions susmentionnées de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, une appréciation entachée d'erreur manifeste ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par M. et Mme X..., ni de se prononcer sur la demande d'inscription de faux présentée par ceux-ci, la commune de Trélévern n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté en date du 29 août 1992 du maire de Trélévern ;
Sur les conclusions de M. et Mme X... :
Considérant que la délibération en date du 26 août 1997 par laquelle le conseil municipal de Trélévern a habilité le maire en exercice de la commune à faire appel du jugement attaqué du Tribunal administratif de Rennes a le caractère d'un acte de procédure se rattachant à l'instance ; que si M. et Mme X... seraient en droit de critiquer, dans le cadre de la présente instance, les irrégularités dont seraient entachée cette délibération, ils ne sont pas recevables à présenter des conclusions tendant à son annulation ; que, par ailleurs, il n'appartient pas au juge administratif de connaître des conclusions tendant à la condamnation à titre personnel du maire alors en exercice ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans le cas de requête jugée abusive, son auteur encourt une amende qui ne peut excéder 20 000 F" ; que la faculté prévue par cette disposition constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. et Mme X... tendant à ce que la commune soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables ;
Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de constater que des travaux de construction d'un "hangar" sur le terrain de la station d'épuration autorisée par le permis litigieux auraient été réalisés sans l'autorisation d'urbanisme requise ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L.8-1, L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner la commune de Trélévern à payer à M. et Mme X... une somme de 4 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à payer à la commune de Trélévern la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 susvisée : "Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée condamne une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de quatre mois à compter de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office ..." ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet à M. et Mme X..., en cas d'inexécution dans le délai prescrit de la condamnation de la commune de Trélévern à leur verser la somme de 4000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives prononcée par la présente décision, d'obtenir le mandatement d'office de ladite somme, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions des intéressés, qui doivent être regardées comme présentées sur le fondement des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, tendant à ce que soit fixée une date limite pour le versement des sommes auxquelles est condamnée la commune ainsi qu'à l'attribution de pénalités pour le cas où cette date ne serait pas respectée ;
Article 1er : La requête de la commune de Trélévern est rejetée.
Article 2 : La commune de Trélévern versera à M. et Mme X... une somme de quatre mille francs (4 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Trélévern, à M. et Mme X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.