Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 juin 1998, présentée pour M. Alain X..., demeurant ... (Loire-Atlantique), par Me PITTARD, avocat au barreau de Nantes ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-1855 en date du 21 avril 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 27 mars 1995 par laquelle le conseil municipal de Bouaye (Loire-Atlantique) a approuvé le plan d'occupation des sols de la commune ;
2 ) d'annuler ladite délibération ;
3 ) de condamner la commune de Bouaye à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2000 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- les observations de Me BERNOT, substituant Me PITTARD, avocat de M. X...,
- les observations de Me VERITE, substituant Me REVEAU, avocat de la commune de Bouaye,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par la délibération attaquée, en date du 27 mars 1995, le conseil municipal de Bouaye a approuvé le plan d'occupation des sols de la commune ; que M. X... fait appel du jugement du 21 avril 1998 du Tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération, par une requête qui, eu égard aux moyens qui y sont invoqués, doit être regardée comme ne tendant plus à son annulation qu'en tant que le plan d'occupation des sols de Bouaye classe sa propriété dans le secteur NAx de la zone NA ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.123-1 du code de l'urbanisme : "Les plans d'occupation des sols fixent, dans le cadre des orientations des schémas directeurs ou des schémas de secteur, s'il en existe, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire. Les plans d'occupation des sols doivent, à cette fin ... 1 délimiter les zones urbaines ou à urbaniser prenant notamment en compte les besoins en matière d'habitat, d'emploi, de services et de transport des populations actuelles et futures ... Les plans d'occupation des sols déterminent l'affectation des sols selon l'usage principal qui doit en être fait ou la nature des activités dominantes qui peuvent y être exercées ... Ils peuvent, en outre : ...8 fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts ..." ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.123-9 du même code : "Le propriétaire d'un terrain bâti ou non bâti réservé par un plan d'occupation des sols pour un ouvrage public, une voie publique, une installation d'intérêt général ou un espace vert peut, dès que le plan est opposable aux tiers, même si à cette date une décision de sursis à statuer lui ayant été opposée est en cours de validité, exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu'il soit procédé à son acquisition" ; qu'enfin, aux termes de l'article R.123-18 de ce code les zones naturelles que doivent faire apparaître les documents graphiques du plan d'occupation des sols "comprennent, en tant que de besoin : a) Les zones d'urbanisation future, dites "zone NA", qui peuvent être urbanisées à l'occasion soit d'une modification du plan d'occupation des sols soit de la création d'une zone d'aménagement concerté ou de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de constructions compatibles avec un aménagement cohérent de la zone tel qu'il est défini par le règlement ..." ;
Considérant que le plan d'occupation des sols de Bouaye, approuvé par la délibération attaquée du 27 mars 1995 du conseil municipal de cette commune, délimite une zone NA qui, selon le préambule des dispositions du règlement du plan qui lui sont applicables, est une zone non équipée, destinée à l'urbanisation future, qui est inconstructible et "ne peut être ouverte à l'urbanisation que par l'action de la collectivité publique, à travers les moyens opérationnels et réglementaires prévus par les textes en vigueur" ; que la zone NA ainsi délimitée comporte un secteur NAx qui, aux termes du même préambule, est "destiné à des aménagements ou équipements à caractère public" et qui correspond aux terrains formant le domaine de la Mévellière, propriété de M. X... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le domaine de la Mévellière est actuellement constitué par un ensemble de terrains, d'une superficie totale de 55 hectares, qui sont majoritairement boisés et ne supportent comme seule construction que le château de la Mévellière ; que si le règlement de la zone NA ne précise pas la consistance des "aménagements ou équipements à caractère public" que ces terrains doivent accueillir du fait de leur classement dans le secteur NAx, il résulte du rapport de présentation du plan que les aménagements ou équipements concernés doivent être en rapport avec l'objectif poursuivi par les auteurs du plan d'occupation des sols, qui est de conserver au domaine de la Mévellière son aspect naturel ; que la commune de Bouaye indique d'ailleurs dans ses écritures qu'il ne pourra s'agir que d'aménagements de la propriété en parc public pour la promenade ou en parc de loisirs ; que le classement litigieux a ainsi pour but, en faisant obstacle à toute ouverture à l'urbanisation des terrains qui composent le domaine, de réserver celui-ci à des aménagements d'une telle nature, laissés à l'initiative publique ; que M. X... est fondé à soutenir qu'en se bornant, en vue de réserver à cette fin les terrains qui forment le domaine de la Mévellière, à classer ces terrains dans le secteur NAx, sans user de la faculté prévue par les dispositions susmentionnées de l'article L.123-1 du code de l'urbanisme, de créer un emplacement réservé dont l'existence aurait d'ailleurs ouvert au propriétaire la possibilité d'exiger l'acquisition des terrains, la commune de Bouaye a, dans les circonstances de l'espèce, entaché d'illégalité la délibération attaquée en tant qu'elle procède à ce classement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a entièrement rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que M. X... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Bouaye la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions de condamner la commune de Bouaye à payer à M. X... une somme de 6 000 F ;
Article 1er : Le jugement en date du 21 avril 1998 du Tribunal administratif de Nantes ensemble la délibération en date du 27 mars 1995 du conseil municipal de Bouaye en tant qu'elle classe dans le secteur NAx du plan d'occupation des sols la propriété de M. X... sont annulés.
Article 2 : La commune de Bouaye versera à M. X... une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Bouaye tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., à la commune de Bouaye et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.