Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 avril 1999, présentée pour M. Roger Y..., demeurant ... (Loire-Atlantique), par Me P. Z..., avocat au barreau de Vannes ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-973 en date du 16 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 26 janvier 1994 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique a statué sur le remembrement de ses biens situés à Saint-Nicolas-de-Redon et, d'autre part, à ce que le département de la Loire-Atlantique soit condamné à lui verser la somme de 30 000 F en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de ladite décision ;
2 ) d'annuler la décision en date du 26 janvier 1994 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique ;
3 ) de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser la somme de 30 000 F en réparation de son préjudice ;
4 ) de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2001 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision du 26 janvier 1994 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.123-1 du code rural : "Le remembrement, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis ..." ; qu'aux termes de l'article L.123-8 du même code : "La commission communale d'aménagement foncier a qualité pour décider à l'occasion des opérations et dans leur périmètre : 1 L'établissement de tous chemins d'exploitation nécessaires pour desservir les parcelles ..." ; qu'enfin aux termes de son article L.123-14 : "Subsistent sans modification les servitudes existant au profit ou à l'encontre des fonds compris dans le remembrement et qui ne sont pas éteintes par l'application de l'article 703 du code civil ci-après reproduit : "Article 703. - Les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en un tel état qu'on ne peut plus en user". Il en est tenu compte pour la fixation de la valeur d'échange du fonds dominant et du fonds servant" ;
Considérant qu'à l'occasion des opérations de remembrement de la commune de Saint-Nicolas-de-Redon, la commission communale d'aménagement foncier a décidé la création au lieudit "La Jostaie" d'un chemin d'exploitation reliant une voie communale à la parcelle ZN 90 attribuée aux consorts X... et dont l'assiette est constituée pour partie d'un prélèvement sur les apports de M. Y..., à proximité des bâtiments qui forment le centre d'exploitation de ce dernier ;
Considérant qu'il résulte des termes de la décision de création de ce chemin d'exploitation, ainsi que de ceux de la décision attaquée du 26 janvier 1994 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique a rejeté la réclamation formulée par M. Y... sur ce point, que ces commissions ont entendu, par cette création, supprimer et remplacer la servitude légale, établie pour permettre l'accès à des fonds enclavés, dont les consorts X... bénéficiaient sur les fonds de M. Y... pour accéder aux terres ainsi qu'au hangar accolé à la maison de ce dernier dont ils ont conservé la propriété par l'attribution de la parcelle ZN 90 ; que, toutefois, ainsi qu'il résulte des dispositions susmentionnées de l'article L.123-14 du code rural, les commissions de remembrement n'ont pas le pouvoir de décider la suppression des servitudes existantes ; que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique est, par suite, entachée d'illégalité à cet égard ;
Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que la création du chemin d'exploitation litigieux a pour effet de répartir entre deux lots le centre d'exploitation de M. Y... qui était regroupé sur un ensemble de parcelles d'un seul tenant avant les opérations de remembrement ; que le requérant fait en outre valoir, sans être contredit, que la parcelle ZN 90 a toujours bénéficié d'un accès sur une autre voie publique qui la longe au nord ; que, dans ces circonstances, alors même que sa propriété a bénéficié dans son ensemble d'un important regroupement parcellaire, M. Y... est fondé à soutenir que la décision attaquée de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique a entraîné pour lui une aggravation des conditions d'exploitation, en méconnaissance des dispositions de l'article L.123-1 du code rural ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 1994 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique ;
Sur les conclusions indemnitaires de M. Y... :
Considérant que l'illégalité de la décision du 26 janvier 1994 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique constitue une faute qui serait de nature à n'engager que la seule responsabilité de l'Etat, et non celle du département de la Loire-Atlantique ; qu'il suit de là que M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que le département de la Loire-Atlantique soit condamné à l'indemniser à raison de cette illégalité fautive ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de la Loire-Atlantique, qui n'est pas partie à la présente instance, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 16 février 1999 du Tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. Y... tendant à l'annulation de la décision en date du 26 janvier 1994 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique.
Article 2 : La décision en date du 26 janvier 1994 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.