Vu les requêtes, enregistrées au greffe de la Cour le 25 novembre 1999, présentées pour le Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire, dont le siège est ... (Manche), représenté par son président en exercice dûment habilité, par Me MARTIN, avocat au barreau de Rennes ;
Le Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 98-1052 et 98-1195 du 28 septembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé à la demande de l'Association de restauration immobilière (ARIM), la décision du 27 avril 1998 par laquelle la commission d'appel d'offres du syndicat a attribué le marché de suivi et d'animation d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) au Comité départemental d'habitat et d'aménagement du territoire (CDHAT) et, d'autre part, condamné le Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire à verser une somme de 40 000 F à l'ARIM en réparation de ses préjudices ;
2 ) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;
3 ) de rejeter la demande présentée par l'ARIM devant le Tribunal administratif de Caen ;
4 ) de condamner l'ARIM à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2001 :
- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,
- les observations de Me LE STRAT, substituant Me MARTIN, avocat du Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que contrairement à ce que soutient l'Association de restauration immobilière, la requête du Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire, qui comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il fonde ses conclusions, est suffisamment motivée ;
Sur la légalité de la décision attaquée du 27 avril 1998 :
Considérant qu'aux termes de l'article 297 du code des marchés publics : "La commission ... élimine les offres non conformes à l'objet du marché et choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante en tenant compte notamment du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de leur valeur technique et du délai d'exécution ..." ; que l'article 4 du règlement particulier d'appel d'offres lancé en 1998 par le Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire en vue de l'attribution d'un marché de suivi et d'animation d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat prévoit : "4-1. Critères de jugement ... Les seuls critères pris en compte pour le jugement des offres (contenu de la 2ème enveloppe) sont, par ordre décroissant d'importance : - Valeur technique de l'offre (moyens prévus, modalités d'organisation de la mission proposée, répartition de la prestation entre les diverses catégories de personnel qui interviendront). - Prix des prestations : outre le prix total, seront examinés les coûts des divers éléments constitutifs de la prestation ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Comité départemental d'habitat et d'aménagement du territoire (CDHAT), dont l'offre a été retenue par la commission d'appel d'offres, a proposé des actions de communication à l'égard du public plus nombreuses, plus variées et plus précises que celles de l'Association de restauration immobilière (ARIM), telles notamment qu'une permanence téléphonique journalière, des visites à domicile même en dehors des heures de travail, la création d'un magazine spécifique, l'implantation de bornes interactives dans les lieux publics, l'apposition de pancartes sur les chantiers ayant bénéficié de l'opération ainsi que l'élaboration d'une liste des artisans locaux, alors que l'ARIM avait seulement prévu à ce propos une permanence hebdomadaire dans la seule commune de Torigni et des possibilités de rencontres dans ses locaux de Torigni aux heures d'ouverture des bureaux ; que pour répondre aux stipulations du cahier des charges qui exigeaient l'organisation d'une opération pilote avec visite de chantier et le suivi qualitatif des chantiers, le CDHAT a, contrairement à l'ARIM qui n'avait proposé que des visites de chantiers pour les élus et des chantiers écoles ou d'insertion, prévu des visites de chantiers régulières, un suivi qualitatif des chantiers, ainsi que la réalisation d'au moins quatre opérations pilotes dont le lieu géographique et le contenu étaient précisés ; que le CDHAT a fixé le budget qu'il entendait consacrer aux actions de communication à 135 000 F alors que l'ARIM n'a proposé d'y consacrer que 37 070 F ; que si l'ARIM fait valoir, que cette différence résulterait, non de différences dans la quantité et la qualité des actions de communication, mais de la circonstance que certains de ses frais sont pris en charge par des entreprises et organismes qui lui apportent une aide financière, cet élément n'était pas mentionné dans son offre et n'avait pas été porté à la connaissance du syndicat ; que les autres propositions des candidats relatives à l'information du public, des élus et des professionnels, aux conseils aux propriétaires et occupants de logements à améliorer et à la surveillance et appréciation de l'opération, étaient comparables ; que, dans ces conditions, la commission d'appel d'offres du Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire, en retenant l'offre du CDHAT, ne peut être regardée comme ayant entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 4-1 précité du règlement particulier d'appel d'offres qui donnait la priorité au critère de la valeur technique des offres sur celui du prix, en retenant l'offre du CDHAT nonobstant la circonstance que le prix proposé par le CDHAT était sensiblement plus élevé que celui de l'ARIM ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 27 avril 1998 par laquelle a été attribué le marché litigieux au CDHAT ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ARIM devant le Tribunal administratif de Caen ;
Considérant que l'ARIM ne saurait se prévaloir utilement d'irrégularités qui auraient entaché d'illégalité la procédure d'appel d'offres lancée antérieurement par le syndicat et à laquelle il n'a pas été donné suite ;
Considérant que la seule circonstance qu'une stipulation du cahier des charges relative aux actions de communication ait été complétée par une mention manuscrite, ne saurait suffire à entacher d'illégalité la décision contestée ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette modification ait eu pour objet de favoriser le CDHAT ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a annulé la décision de la commission d'appel d'offres en date du 27 avril 1998 ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la commission d'appel d'offres n'a pas commis de faute en retenant l'offre du CDHAT ; que, dans ces conditions, l'ARIM ne peut prétendre à une indemnisation sur ce fondement ; que, par suite, le Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à verser une indemnité de 40 000 F à l'ARIM en réparation des préjudices qu'elle aurait subis ; que l'appel incident de l'ARIM tendant à l'augmentation de cette condamnation doit être rejeté ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'ARIM la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions de condamner l'ARIM à payer au Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 28 septembre 1999 du Tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'Association de restauration immobilière devant le Tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 3 : L'Association de restauration immobilière versera au Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat de l'habitat de l'Elle et de la Vire, à l'Association de restauration immobilière, au Comité départemental d'habitat et d'aménagement du territoire et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.