La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2006 | FRANCE | N°04NT01082

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 03 mai 2006, 04NT01082


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 août 2004, présentée pour M. et Mme Ibrahim X, demeurant ..., par Me Hoarau, avocat au barreau de Saint-Denis ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202983 en date du 22 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1997 à 199

9 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à le...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 août 2004, présentée pour M. et Mme Ibrahim X, demeurant ..., par Me Hoarau, avocat au barreau de Saint-Denis ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202983 en date du 22 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1997 à 1999 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2006 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- les observations de M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Sur l'imposition des revenus de capitaux mobiliers, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que l'article L.10 du livre des procédures fiscales prévoit que : “Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L.12 et L.13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration” ; que la possibilité prévue au paragraphe 5 du chapitre III de la charte, de faire appel, en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, à l'interlocuteur départemental, constitue une garantie substantielle de procédure, dont peut se prévaloir le contribuable qui fait l'objet d'un redressement selon la procédure contradictoire ; qu'en l'espèce, à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des époux X, portant sur leurs revenus des années 1997 à 1999, l'administration a procédé à des redressements portant sur des revenus distribués, selon la procédure contradictoire ; qu'il résulte de l'instruction que les époux X ont demandé à rencontrer l'interlocuteur départemental, par un courrier du 25 juillet 2001 ; que si les requérants reconnaissent que cette demande était prématurée, ils ont toutefois réitéré leur demande par un courrier du 21 novembre 2001, antérieur à la mise en recouvrement des impositions en litige ; que si l'administration soutient qu'elle n'a pas reçu le courrier du 21 novembre 2001, la copie du courrier produite par les requérants porte le timbre à date du centre des impôts de Tours ; que les requérants font valoir que l'original de ce courrier est en possession dudit centre des impôts qui en a restitué seulement une copie ; que l'administration n'allègue pas que la copie du courrier litigieux serait contrefaite ; qu'il doit être tenu pour démontré, dans ces conditions, que les requérants ont sollicité le 21 novembre 2001 la saisine de l'interlocuteur départemental ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que les services fiscaux ont donné suite à cette demande ; que, dans ces conditions, le redressement afférent aux revenus de capitaux mobiliers doit être regardé comme étant intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, justifiant la décharge des impositions qui en résultent ;

Sur l'imposition des revenus d'origine indéterminée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales instituent une procédure de nature fiscale qui habilite les agents de l'administration des impôts, recherchant la preuve d'agissements par lesquels les contribuables cherchent à se soustraire à l'établissement ou au paiement de certains impôts, à effectuer, s'ils sont dûment autorisés à cette fin par l'autorité judiciaire, des visites en tous lieux, même privés, et à saisir les pièces et documents qui se rapportent à ces agissements ; que les dispositions de cet article ayant des fins exclusivement fiscales, l'usage de cette procédure pour en tirer des conséquences au stade d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de situation fiscale personnelle ne saurait constituer un détournement de procédure ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du VI de l'article 16 B du livre des procédures fiscales : “L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéa de l'article L.47” ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a procédé à la saisie, au domicile des époux X, de nombreux documents, le 1er mars 2000, et qu'elle a restitué ces documents à la date non contestée du 17 avril 2000 ; qu'à supposer même, comme le soutiennent les requérants, que les opérations relatives à l'examen de leur situation fiscale personnelle aient commencé, s'agissant des années 1997 et 1998, avant cette date, les documents saisis étaient restitués aux intéressés lorsque l'administration leur a adressé, par courrier du 19 juillet et du 24 octobre 2000 deux demandes de justifications et d'éclaircissements, puis leur a envoyé des notifications de redressement le 19 décembre 2000 et le 27 mars 2001 ; qu'ainsi les époux X étaient en possession des documents saisis lorsque l'administration leur a opposé les informations qui y figuraient et étaient donc en mesure de faire valoir utilement leurs moyens de défense ; que par suite le moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : “L'administration peut demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés” ; qu'aux termes de l'article L.69 du même livre : “Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L.16” ; que l'administration ne peut faire usage de la procédure prévue par ces dispositions pour redresser des revenus dont elle n'ignore, à la date de sa demande, ni la nature ni par suite le classement catégoriel ; que M. et Mme X soutiennent que l'administration savait, à la date à laquelle elle a adressé ses demandes de justifications, que les sommes litigieuses provenaient d'une activité commerciale d'intermédiaire de commerce non déclarée, éventuellement imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. X s'était déclaré auprès de l'administration fiscale comme salarié de la société “I and S International”, et que si l'administration a pu faire état devant le président du Tribunal de grande instance de Tours de l'intérêt de prendre des mesures conservatoires concernant le recouvrement d'éventuelles impositions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, elle n'était pas en mesure de déterminer si l'activité commerciale litigieuse émanait de M. X à titre individuel ou des sociétés “I and S International” et “Kossam investment” qu'il animait ; que la circonstance que l'administration avait pu nourrir des soupçons concernant une activité commerciale individuelle qui n'ont pas été confirmés par les documents saisis ne faisait pas obstacle à ce qu'elle demandât à l'intéressé de justifier de la nature et de l'origine de certains versements déterminés, à peine de taxation d'office en cas d'absence de réponse ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la possibilité de faire appel, en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, à l'interlocuteur départemental, constitue une garantie substantielle de procédure, une telle garantie ne bénéficie qu'au contribuable relevant d'une procédure d'imposition contradictoire ; qu'il suit de là que M. et Mme X ne peuvent utilement invoquer la violation de cette garantie à l'appui de leurs conclusions en décharge d'impositions établies par voie de taxation d'office sur le fondement de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. et Mme X n'ont jamais fait usage de la faculté offerte par l'article 1651 F du code général des impôts de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires d'un autre département ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas fait droit à une telle demande ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant que l'administration a taxé d'office, en tant que revenus d'origine indéterminée, les sommes de 432 512 F en 1998 et de 1 175 839 F en 1999 portées au crédit des comptes bancaires de M. X ; que pour justifier de la nature et de l'origine de ces sommes, les requérants font valoir qu'elles constituent des commissions brutes versées par les clients de M. X, imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et desquelles il faut déduire les charges qu'il a engagées pour le compte de ses clients, et qui sont relatives à l'achat de matériel et aux frais de transport dans le cadre de son activité d'intermédiaire commissionné ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. X, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'a jamais déclaré l'activité commerciale dont il se prévaut, et que les requérants ne produisent à l'appui de leurs allégations aucun contrat, aucun mandat confié par les clients supposés de M. X ; qu'au vu des pièces produites, il est impossible, en outre, d'établir une corrélation entre les sommes reçues par M. X et les paiements qu'il aurait effectués pour le compte de ses clients ; qu'ainsi M. et Mme X, à qui incombe la charge de la preuve en application de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, ne peuvent être regardés comme justifiant de la nature et de l'origine des sommes en litige qui ont été, dès lors, à bon droit taxées d'office en application de l'article L.69 du même livre ;

Sur les pénalités afférentes aux revenus d'origine indéterminée :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : “1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l' intéressé est établie…” ;

Considérant que si, dans les notifications de redressement en date du 27 mars 2001, l'administration s'est bornée, pour justifier l'application des pénalités pour mauvaise foi, à invoquer la répétition, le nombre et l'importance des crédits inexpliqués, elle a complété cette motivation dans ses réponses aux observations du contribuable en date du 18 septembre 2001, soit avant la mise en recouvrement des impositions contestées, en indiquant, de manière détaillée, que les contribuables n'ont fourni, malgré de nombreuses demandes, aucun document concernant l'exercice d'une activité professionnelle, la nature et l'origine des sommes litigieuses, et que ceux-ci, compte tenu de l'importance des sommes figurant sur leurs comptes bancaires, et de la régularité des encaissements, ne pouvaient ignorer leur provenance ni leur caractère imposable ; que l'administration a de la sorte satisfait à l'obligation de motivation prévue à l'article L.80 D du livre des procédures fiscales ;

Considérant que l'administration établit que les requérants ne pouvaient ignorer le caractère imposable des sommes créditant leurs comptes bancaires et donc leur intention d'éluder l'impôt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté l'intégralité de leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. et Mme X sont déchargés des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale, afférentes à l'imposition des revenus de capitaux mobiliers, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1997 à 1999.

Article 2 : Le jugement en date du 22 juin 2004 du Tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des époux X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Ibrahim X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

2

N° 04NT01082

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 04NT01082
Date de la décision : 03/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : HOARAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-05-03;04nt01082 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award