Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 octobre 2004, présentée pour la société anonyme AUTO DIFFUSION, dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau de Lannion ; la société AUTO DIFFUSION demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-3059 du 9 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé par avis de mise en recouvrement du 30 mai 2001 au titre de la période allant du 1er mai 1997 au 31 décembre 1999 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 du Conseil des communautés européennes ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2006 :
- le rapport de Mme Stefanski, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête, a été prononcée, en application de l'article 1740 octies du code général des impôts, la remise des intérêts de retard et de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 septies du code général des impôts encourus par la société AUTO DIFFUSION, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à concurrence de la somme de 188 057,14 euros ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Su la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.103 du livre des procédures fiscales : “L'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. Le secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations…” ;
Considérant qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable, dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir auprès de tiers et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu'elle ne peut, en revanche, mettre à la disposition du contribuable des documents couverts par le secret professionnel ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements litigieux procèdent, outre de l'examen de la comptabilité de la société AUTO DIFFUSION, de renseignements obtenus, d'une part, par la mise en oeuvre de procédures d'assistance administrative internationale et l'exercice du droit de communication et dont les documents contenant ces renseignements ont été communiqués à la société requérante, et, d'autre part, dans le cadre des vérifications de comptabilité de deux fournisseurs de l'entreprise ; que l'administration a reproduit dans la notification de redressements adressée à la société requérante les conclusions des vérifications de comptabilité de ces fournisseurs en donnant le détail des factures de ces dernières concernées par ce redressement ; que, dans ses observations en réponse à la notification la société requérante s'est bornée à demander “à titre conservatoire et par respect du principe du contradictoire, la communication de l'ensemble des pièces de ces deux procédures” de vérification ; que la circonstance que l'administration n'ait pas donné suite à une demande ainsi formulée n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition eu égard aux obligations relatives au secret professionnel auxquelles elle était tenue ;
Considérant que les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : “Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue… équitablement… par un tribunal… qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle…”, ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions et ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt pour contester la procédure d'imposition relative aux droits en litige ;
Sur le bien fondé des impositions en litige :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1° de l'article 256 bis du code général des impôts : “Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel… lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises…” ; qu'aux termes du 2° bis du même article, pris pour la transposition de l'article 26 bis de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977 introduit par la septième directive n° 94/5/CE du 14 février 1994 instaurant un régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée dans le domaine des biens d'occasion : “Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion… effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977” ; qu'aux termes de l'article 297 A du même code : “I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion… qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat.” ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : “Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu” ;
Considérant que la société AUTO DIFFUSION a revendu, en appliquant le régime de la marge prévu par les dispositions précitées de l'article 297 A du code général des impôts, des voitures d'occasion qu'elle avait acquises auprès d'intermédiaires établis dans des Etats membres de l'Union européenne au cours de la période allant du 1er mai 1997 au mois de mai 1998, puis d'intermédiaires situés en France à compter du mois de mai 1998 ;
En ce qui concerne les véhicules pour lesquels les factures mentionnaient une taxe sur la valeur ajoutée déductible :
Considérant qu'il résulte de la notification de redressements et qu'il n'est pas contesté que les factures n° 1141 du 14 mai 1997 de la société Interlease et n° 1189 du 20 mai 1997 de la société Jet Lux, ainsi que les factures en date du 17 avril 1998 et du 17 juin 1998 de la société FG Trading, mentionnaient une taxe sur la valeur ajoutée déductible ; qu'elles ne remplissaient, dès lors, pas les conditions posées par les dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts et ne pouvaient donner lieu à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée à la marge lors de la revente, par la société AUTO DIFFUSION ;
En ce qui concerne les véhicules pour lesquels les factures comportaient une mention excluant l'application du régime de la marge par le fournisseur :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les factures adressées à la société AUTO DIFFUSION par ses fournisseurs situés à l'étranger et auxquelles le vérificateur a attribué le “code 1” dans les annexes n°s 7, 8 et 9 à la notification de redressements, comportaient, conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la sixième directive du Conseil des communautés europénnes, une mention dont il n'est pas contesté qu'elle correspondait à une livraison en exonération de taxe sur la valeur ajoutée dans le pays d'origine ; que cette mention exclut l'application du régime de la marge ;
En ce qui concerne les véhicules pour lesquels les factures mentionnaient “7ème directive” ou ne faisaient pas apparaître de taxe sur la valeur ajoutée récupérable :
Considérant qu'il résulte, toutefois, des pièces jointes au dossier que les factures adressées à la société AUTO DIFFUSION par ses fournisseurs étrangers, auxquelles le vérificateur a attribué le “code 2” dans les annexes n°s 7, 8 et 9 à la notification de redressements, et toutes les factures des fournisseurs français, faisaient explicitement mention de la 7ème directive ; que les autres factures des fournisseurs étrangers, auxquelles a été attribué le “code 3” ne faisaient pas apparaître de taxe sur la valeur ajoutée récupérable ; qu'il n'incombait pas à la société requérante, dès lors que son fournisseur se présentait comme ayant la qualité d'assujetti revendeur et qu'il n'était pas manifeste qu'il n'était pas autorisé à revendiquer cette qualité, de vérifier en tant qu'acheteur, la régularité de l'application du régime de la septième directive ; qu'à supposer même, ce qui n'est pas établi, que la société requérante ait eu connaissance des documents d'immatriculation indiquant que les propriétaires des véhicules étaient des professionnels de l'automobile, cette circonstance ne suffisait pas à rendre manifeste l'erreur éventuellement commise par ses fournisseurs, dès lors qu'elle ne permettait pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause avait ou non ouvert un droit à déduction à ces propriétaires ;
Considérant que l'administration n'apporte aucun élément de nature à établir une collusion entre la société requérante et ses fournisseurs en vue de dissimuler le régime qui aurait été en réalité applicable aux véhicules revendus ;
Sur l'application de l'interprétation de la loi fiscale par l'administration :
Considérant que la société requérante ne saurait utilement invoquer sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions de l'instruction administrative 3 K-1-95 du 2 mars 1995 et notamment de ses paragraphes n°s 19 et 86, qui ne comportent pas d'autre interprétation de la loi fiscale que celle qui est faite dans le présent arrêt et ne prévoient pas que toutes les reventes de véhicules d'occasion acquis à l'étranger peuvent bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
Sur les pénalités et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article 1729 du code général des impôts : “1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti… d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses…” ;
Considérant que l'administration a assorti les redressements établis pour la période allant du 1er mai 1997 au mois de mars 1998 de la majoration de 40 % pour mauvaise foi et ceux établis pour la période postérieure au mois de mars 1998, de la majoration de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses ;
Considérant que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont été appliquées pour le motif que la société requérante aurait recouru à un montage destiné à égarer l'administration, en achetant les véhicules auprès des mêmes fournisseurs, par l'intermédiaire de sociétés qui lui adressaient des factures faisant mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que, toutefois, l'administration n'établit pas ni même n'allègue que la société requérante serait à l'origine de la création de ces intermédiaires qui n'avaient pas de dirigeants communs avec elle ou se serait entendu avec eux pour obtenir indûment des factures conformes aux dispositions précitées du code général des impôts ;
Considérant qu'il n'est pas davantage établi par l'administration, que la société AUTO DIFFUSION, qui avait contesté le bien-fondé d'un précédent redressement fondé sur le même motif et n'avait pas comme il vient d'être dit à vérifier la légalité du régime de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par ses fournisseurs, ait entendu sciemment éluder l'impôt ;
Sur les conclusions subsidiaires relatives aux droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les fournisseurs de la société requérante ne lui ont pas adressé de factures faisant mention de taxe sur la valeur ajoutée déductible ainsi que le prévoit l'article 271 II 1 du code général des impôts et comportant les mentions prévues par l'article 242 nonies de l'annexe II au même code ; que la société requérante n'est, dès lors, pas fondée à prétendre, à titre subsidiaire, à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux achats litigieux et, dès lors qu'elle ne démontre pas qu'elle serait dans l'impossibilité d'obtenir des factures rectificatives ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que l'obligation qui lui est faite de produire de telles factures méconnaîtrait le principe de neutralité fiscale de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AUTO DIFFUSION est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a intégralement rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 188 057,14 euros (cent quatre-vingt-huit mille cinquante-sept euros quatorze centimes), en ce qui concerne les intérêts de retard et l'amende prévue à l'article 1788 septies, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société AUTO DIFFUSION.
Article 2 : Les bases de calcul du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel la SARL AUTO DIFFUSION a été assujettie par avis de mise en recouvrement du 30 mai 2001 sont réduites du montant des factures mentionnant “7ème directive” ou ne faisant pas apparaître de taxe sur la valeur ajoutée récupérable.
Article 3 : La SARL AUTO DIFFUSION est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée formant surtaxe en application de l'article 2 ainsi que des majorations pour mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses appliquées aux droits maintenus.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 9 juillet 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société AUTO DIFFUSION est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société AUTO DIFFUSION et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 04NT01261
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