Vu la requête enregistrée le 16 mars 2006, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (SCI) BELLE ISLE COLBERT, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est 47-49, avenue Marcel Lemoine à Châteauroux (36000), par Me Bouyssou, avocat au barreau de Toulouse ; la SCI BELLE ISLE COLBERT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-1336 du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de la société anonyme (SA) Amandis, la décision du 24 février 2004 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) du Cher l'a autorisée à créer un supermarché d'une surface de vente de 1 800 m² et deux boutiques de 90 m² à Saint-Amand Montrond (Cher) ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SA Amandis devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner la SA Amandis à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2007 :
- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;
- les observations de Me Bouyssou, avocat de la SCI BELLE ISLE COLBERT ;
- les observations de Me Frémaux, avocat de la société Amandis ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du 17 janvier 2006, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de la société anonyme (SA) Amandis, la décision du 20 février 2004 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) du Cher a accordé à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (SCI) BELLE ISLE COLBERT l'autorisation de créer un supermarché d'une surface de vente de 1 800 m² et deux boutiques de 90 m² à Saint-Amand Montrond (Cher) ; que la SCI BELLE ISLE COLBERT interjette appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la SCI BELLE ISLE COLBERT soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens et arguments qu'elle soulevait, tirés de ce que son projet permettrait un rééquilibrage en faveur de l'est de l'agglomération et éviterait l'apparition d'une friche commerciale, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la requérante, a fondé son appréciation sur l'ensemble des éléments de fait invoqués par les parties et, notamment, l'environnement commercial et l'éventuel déséquilibre de l'agglomération de Saint-Amand Montrond, sans entacher son jugement d'une insuffisance de motivation ;
Sur la recevabilité de la demande de la SA Amandis :
Considérant que sous réserve du cas où, en raison tant des missions conférées à un ordre professionnel qu'à son organisation à l'échelon local et au plan national, les dispositions législatives ou réglementaires prévoyant devant les instances ordinales une procédure obligatoire de recours administratif préalablement à l'intervention d'une juridiction doivent être interprétées comme s'imposant alors à peine d'irrecevabilité du recours contentieux à toute personne justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour introduire ce recours contentieux, une procédure de recours administratif préalable n'est susceptible de s'appliquer qu'aux personnes qui sont expressément énumérées par les dispositions qui en organisent l'exercice ; que les dispositions de l'article L. 720-10 du code de commerce prévoient, qu'à l'initiative du préfet, de deux membres de la commission ou du demandeur, la décision de la commission départementale d'équipement commercial peut faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial ; que le législateur a ainsi entendu réserver la saisine de la commission nationale d'équipement commercial aux seules personnes énumérées par les dispositions mentionnées ci-dessus ; qu'il suit de là que les tiers qui sont susceptibles de contester la décision de la commission départementale d'équipement commercial sont recevables à saisir directement la juridiction administrative ; que, par suite, la demande de la société Amandis dirigée contre la décision de la commission départementale d'équipement commercial du Cher du 20 février 2004, était recevable ;
Sur la légalité de la décision contestée :
Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par des effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux, et plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, dans la zone de chalandise retenue par la commission départementale d'équipement commercial du Cher, la réalisation du projet aurait pour effet de porter la densité commerciale, dans le secteur des grandes surfaces de plus de 300 m², de 332,15 m² à 383 m² pour 1 000 habitants, soit à un niveau nettement supérieur aux moyennes départementale et nationale qui s'établissent à, respectivement, 301 m² et à 281 m² pour 1 000 habitants ; que, compte tenu de l'importance de ce dépassement, la réalisation du projet est de nature à entraîner un déséquilibre entre les différentes formes de commerce ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, d'une part, que le projet litigieux permettrait, ainsi que la requérante l'allègue sans autre précision, d'instaurer un partenariat avec les commerçants indépendants du centre ville et de créer une synergie entre les différentes formes de distribution, d'autre part, que le projet créerait de manière pérenne quarante-trois emplois ; que le déséquilibre entre les différentes formes de commerce entraîné par le projet de la SCI BELLE ISLE COLBERT ne peut, au contraire, qu'être accentué par la diminution de 4 % entre 1990 et 1999 de la population dans la zone de chalandise, alors que l'incidence de la création projetée de 70 à 90 logements à l'horizon 2004-2005 ne peut être établie avec certitude ; qu'alors, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Amand Montrond compte environ 11 500 habitants et comporte déjà, dans la zone de chalandise concernée neuf supermarchés ou hypermarchés, dont l'offre commerciale abondante assure un taux élevé de rétention des dépenses dans la zone de chalandise, la seule circonstance que la majorité des grandes surfaces est située à l'ouest de l'agglomération ne suffit pas à démontrer l'existence d'un déséquilibre de l'offre commerciale dont la SCI BELLE ISLE COLBERT pourrait se prévaloir ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le supermarché projeté, faisant apparaître une nouvelle enseigne commerciale dans la zone de chalandise concernée, soit de nature à y favoriser la concurrence ; que, dans ces conditions et alors même qu'il permettrait l'installation de deux boutiques gérées par les commerçants locaux et éviterait l'apparition d'une friche commerciale, le projet commercial de la SCI BELLE ISLE COLBERT ne permet pas de compenser le déséquilibre entre les différentes formes de commerce qu'entraînerait sa réalisation ; que, par suite, en autorisant ce projet, la commission départementale d'équipement commercial du Cher a méconnu les principes fixés par le législateur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI BELLE ISLE COLBERT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 20 février 2004 de la commission départementale d'équipement commercial du Cher ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la SA Amandis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la SCI BELLE ISLE COLBERT la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la SCI BELLE ISLE COLBERT à verser à la SA Amandis une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI BELLE ISLE COLBERT est rejetée.
Article 2 : La SCI BELLE ISLE COLBERT versera à la SA Amandis une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLE ISLE COLBERT, à la société anonyme Amandis, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 06NT00625
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