Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2006, présentée pour :
- M. et Mme Luc X, demeurant ... ;
- et Mme Marie-Louise X, demeurant ..., par Me Yeu, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme Luc X et Mme Marie-Louise X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-5632 du 19 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Nazaire à verser à M. et Mme X la somme de 118 934,88 euros, ainsi que la somme de 20 000 euros à Mme Marie-Louise X en réparation du préjudice que leur a causé le décès de leur fils et petit-fils, survenu le 24 juillet 2001 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à leur verser lesdites sommes, majorées des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2004 et des intérêts capitalisés à chaque échéance annuelle ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise ;
4°) de déclarer commun le jugement à intervenir à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale et le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2007 :
- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;
- les observations de Me L'Hostis, substituant Me Yeu, avocat de M. et Mme X et de Mme Marie-Louise X ;
- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme Luc X et Mme Marie-Louise X relèvent appel du jugement du 19 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Nazaire à les indemniser des conséquences dommageables du décès du jeune Léon X, respectivement leur fils et petit-fils, survenu le 25 juillet 2001 ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jeune Léon X alors âgé de quatre ans et demi a été admis aux urgences pédiatriques du centre hospitalier de Saint-Nazaire le 23 juillet 2001 vers 16 heures 30 à la demande du médecin de famille pour un syndrome appendiculaire ; que le médecin pédiatre qui a procédé à l'examen clinique de l'enfant, face à des douleurs abdominales, une température s'élevant à 37,5° C, un oedème à la cheville droite peu douloureux, des éléments purpuriques et papuleux, l'absence de raideur méningée, a écarté le diagnostic d'appendicite pour poser celui d'une rechute d'un purpura rhumatoïde pour lequel l'enfant avait été hospitalisé quelques semaines auparavant ; que l'enfant a ensuite été admis au service de pédiatrie unité 2 pour bilan et surveillance ; que vers 18 heures, le bilan biologique prescrit par le service des urgences a fait apparaître une hyperleucocytose à 27 000 globules blancs /ml dont 95 % de neutrophiles ; qu'il résulte également de l'instruction et spécialement du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes que cette prise en charge est conforme aux règles de l'art ; qu'il résulte du même rapport que vers 22 heures 30 heures le pédiatre de garde connaissant les résultats de l'examen biologique et constatant une hyperthermie atteignant 39,5° C, après examen de l'enfant et en l'absence de raideur méningée, a opté plutôt pour un diagnostic d'érythème polymorphe sans toutefois remettre en cause le diagnostic de rechute de purpura rhumatoïde ; qu'au cours de la nuit, marquée par une température comprise entre 37,6° et 37,9° C et des vomissements vers 4 heures et 5 heures, ainsi que des céphalées vers 3 heures, l'enfant a bénéficié d'une surveillance régulière de la part du personnel infirmier ; que vers 7 heures le 24 juillet au matin l'enfant a présenté un état de prostration, des troubles de la vigilance, puis des convulsions et une perte de conscience ; qu'il a été transféré vers le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes après intervention du SMUR en fin de matinée ; qu'en dépit des soins dispensés dès le 24 juillet au matin au centre hospitalier de Saint-Nazaire puis au CHU de Nantes le jeune Léon est décédé le 25 juillet dans ce dernier établissement d'une méningite purulente d'évolution extrêmement rapide ;
Considérant qu'il résulte de l'expertise susmentionnée que, même en l'absence de raideur méningée et face à une hyperthermie et une hyperleucocytose avec polynucléose, peu en accord avec le diagnostic retenu, il était nécessaire de pratiquer une ponction lombaire, afin d'être certain de ne pas laisser évoluer une méningite purulente ; que l'insuffisance des examens pratiqués ainsi mise en évidence est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Nazaire ; que cette carence dans la mise en oeuvre d'un examen simple à réaliser n'a pas permis d'évoquer plus rapidement un diagnostic de méningite dans la nuit du 23 au 24 juillet ; que, compte tenu de l'évolution particulièrement rapide de cette pathologie, le retard de diagnostic et de mise en oeuvre d'un traitement adapté avant que le processus mortel ne soit irrémédiable, a privé le jeune Léon de toute chance de survie, contrairement à l'appréciation portée par les premiers juges ; que, par suite, M. et Mme X et Mme Marie-Louise X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande au motif que le lien de causalité entre le décès de l'enfant et la faute commise par l'établissement n'était pas établi ;
Sur les préjudices ;
S'agissant des souffrances endurées par Léon X jusqu'à son décès :
Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; que M. et Mme X sont, dès lors, recevables à demander en leur qualité d'ayants droit de leur fils Léon réparation des souffrances endurées par celui-ci jusqu'à son décès ; que, compte tenu des souffrances causées à l'enfant du fait de son état initial et de ce qu'il n'est pas établi que la mise en oeuvre d'un traitement adapté dans la nuit du 23 au 24 juillet 2001 aurait épargné toute souffrance au jeune Léon, il sera fait une équitable appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant ce poste de préjudice à la somme de 3 000 euros ;
S'agissant du préjudice de M. et Mme X :
Considérant, en premier lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme X en l'évaluant à la somme de 16 000 euros ;
Considérant, en second lieu, que M. et Mme X justifient avoir supporté des frais d'obsèques pour un montant de 336,76 euros ; qu'en revanche, M. X n'établit pas par les pièces qu'il produit l'existence d'un lien de causalité entre le décès de son fils et les pertes de revenus qu'il dit avoir subies au titre de la période du 8 avril 2002 au 16 mars 2003 durant laquelle il a été placé en congé de maladie ; qu'il y a lieu également de rejeter, par voie de conséquence, les frais d'établissement d'un certificat médical dont M. X demande la prise en charge, ainsi que des dépenses de santé qui seraient restées à sa charge au titre de ce congé de maladie ;
S'agissant du préjudice de Mme Marie-Louise X :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme Marie-Louise X du fait du décès de son petit-fils en l'évaluant à la somme de 4 000 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X et Mme Marie-Louise X, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à payer au centre hospitalier de Saint-Nazaire la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à payer à M. et Mme X ainsi qu'à Mme Marie-Louise X une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens y compris les frais d'assistance par un médecin conseil lors de l'expertise ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 octobre 2006 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire versera à M. et Mme Luc X une somme globale de 19 336,76 euros (dix-neuf mille trois cent trente-six euros et soixante-seize centimes).
Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire versera à Mme Marie-Louise X une somme de 3 000 euros (trois mille euros).
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Luc X et de Mme Marie-Louise X est rejeté.
Article 5 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire versera à M. et Mme Luc X et à Mme Marie-Louise X une somme globale de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier de Saint-Nazaire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Luc X, à Mme Marie-Louise X, au centre hospitalier de Saint-Nazaire et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
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N° 06NT02104
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