Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2007, présentée pour :
- Mme Anna X, demeurant ... ;
- M. Jean-Pierre X, demeurant ...), agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, Kévin X et Alexandrine X ;
- Mlle Amélie X, demeurant ...) ;
- et Mme Marie-Joseph Y, demeurant ..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs Pauline Y et Anaïs Y, par la SELARL Cartron et Yeu, avocats au barreau de Rennes ; les CONSORTS X demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 03-1472 du 8 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier de Saint-Malo à leur payer la somme de 49 571,27 euros, déduction faite d'une provision de 46 750 euros, en réparation des préjudices subis par eux et par M. Joseph X résultant de l'hospitalisation de celui-ci dans cet établissement en 1992 et 1999 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Malo à leur payer la somme de 195 485,57 euros en qualité d'héritiers de M. Joseph X, à payer à Mme Anna X la somme de 30 000 euros, à M. Jean-Pierre X les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice propre et de 6 000 euros au titre du préjudice subi par ses enfants mineurs, et à Mme Marie-Joseph X les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice propre et de 6 000 euros au titre du préjudice subi par ses enfants mineurs ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Malo à leur verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 376-1 modifié par l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2008 :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;
- les observations de Me Cartron, avocat des CONSORTS X ;
- les observations de Me Mocaer, substituant la société d'avocats Coudray, avocat du centre hospitalier de Saint-Malo ;
- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Joseph X, décédé le 28 avril 2003, a été hospitalisé au centre hospitalier de Saint-Malo du 7 au 21 janvier 1992 pour l'extraction d'un calcul laquelle a été effectuée par voie chirurgicale le 8 janvier ; que l'urographie intra-veineuse pratiquée en vue de la consultation de son chirurgien, effectuée le 27 mars 1992, a mis en évidence la présence d'un fil métallique en regard de l'aile iliaque droite, comprise dans la zone opératoire ; qu'admis en urgence au centre hospitalier de Saint-Malo le 25 octobre 1999 du fait de douleurs trouvant leur siège dans ce même emplacement, M. X y a subi une intervention à fin de traiter un abcès qui a alors été mis en évidence et qui a été provoqué par une compresse oubliée lors de l'opération susmentionnée réalisée en 1992 ; que M. X a été victime d'accidents thrombo-emboliques dans la nuit du 27 au 28 octobre laissant d'importantes séquelles ; que les CONSORTS X demandent à la cour d'annuler le jugement du 8 février 2007 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité la condamnation du centre hospitalier de Saint-Malo à leur payer la somme de 49 571,27 euros, déduction faite d'une provision de 46 750 euros, en réparation des préjudices subis par eux et par M. Joseph X résultant de l'hospitalisation de celui-ci dans cet établissement en 1992 et 1999 ; que le centre hospitalier exerce un recours incident en concluant à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamné à payer aux CONSORTS X une somme supérieure à 37 178,45 euros ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Malo :
Considérant que l'oubli d'une compresse lors de l'intervention subie en 1992 par M. X est constitutif d'une faute de service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Malo ; qu'il résulte en outre de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, que le fil métallique figurant sur les clichés de l'urographie intra-veineuse pratiquée préalablement à la consultation du 27 mars 1992 constituait la trace radiographique de cette compresse dont l'identification ne présentait pas de difficultés et qui devait à tout le moins nécessiter des examens supplémentaires et un suivi particulier du patient ; que l'ensemble de ces fautes engage la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Malo à raison des préjudices qui en procèdent, dès lors que l'état de la victime est consécutif aux complications survenues au cours de son hospitalisation du mois d'octobre 1999, laquelle n'a été elle-même nécessitée que par le traitement de l'abcès causé par la présence de la compresse oubliée en 1992, et nonobstant la double circonstance qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un bilan cardiaque de M. X aurait été nécessaire avant l'intervention du 25 octobre 1999 et qu'il est constant que l'hôpital n'a commis aucune faute dans la surveillance, le diagnostic ou les soins dispensés durant le séjour de M. X dans cet établissement en 1999 ;
Considérant que le praticien, qui a opéré M. X a fait part à son médecin traitant, par lettre du 27 mars 1992, suite à la consultation du même jour, de la présence d'un fil métallique sur les clichés réalisés et l'a invité à prescrire un cliché d'abdomen sans préparation dans le délai d'un ou deux mois, tout en indiquant qu'il se tenait à disposition pour revoir l'intéressé en cas de récidive douloureuse ou de problème urologique ; que, produite par le centre hospitalier de Saint-Malo, l'attestation de ce médecin traitant datée du 21 février 2002 établit que ce dernier a alors effectivement conseillé à M. X de consulter à nouveau son chirurgien ; que, dans ces conditions, la faute commise par M. X qui s'est soustrait aux mesures de surveillance qui s'imposaient dans son cas exonère le centre hospitalier de Saint-Malo de sa responsabilité dans la proportion d'un tiers, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Rennes ;
Sur la réparation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) ;
Considérant que si les droits de la victime et les obligations du tiers responsable d'un dommage doivent être appréciés en fonction des dispositions en vigueur à la date de l'accident qui en constitue le fait générateur, il en va différemment s'agissant des règles qui régissent l'imputation sur la dette du tiers responsable des créances des caisses de sécurité sociale, lesquelles, compte tenu des caractéristiques propres au mécanisme de la subrogation légale, sont applicables aux instances relatives à des dommages survenus antérieurement à leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée ; qu'ainsi, les dispositions précitées étaient applicables à l'instance jugée par le Tribunal administratif de Rennes à la date de son jugement du 8 février 2007 ;
Considérant que les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation acquittés par la mutualité sociale agricole (MSA) d'Ille-et-Vilaine imputables à la faute commise par le centre hospitalier de Saint-Malo s'élèvent à 156 107,55 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses d'hospitalisation incluent des frais en réalité supportés non par la caisse mais par son assuré ; que si les requérants font valoir que des frais pharmaceutiques d'un montant de 5 400 euros sont restés à leur charge, ils n'apportent aucun élément de nature à établir que les premiers juges ont fait, au vu des justificatifs produits, une appréciation insuffisante de cette dépense en en fixant le montant à 1 150,03 euros ; que, dès lors, le montant du poste de préjudice afférent aux dépenses de santé est de 157 257,58 euros ; qu'eu égard au partage de responsabilité ci-dessus arrêté, le montant de l'indemnité mise à la charge de l'établissement intimé doit être fixé à 104 838,39 euros ; que, pour ce poste, les héritiers de M. X et la MSA d'Ille-et-Vilaine ont droit, respectivement, à la somme de 1 150,03 euros et de 103 688,36 euros ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que des frais de déplacement exposés par M. X pour se rendre aux opérations d'expertise ont été supportés à hauteur de 206,88 euros ; que les CONSORTS X justifient de frais d'assistance à expertise d'un montant de 2 478 euros ; que, par suite, ce poste de préjudice doit être évalué à 2 684,88 euros ; qu'en conséquence du partage de responsabilité bénéficiant au centre hospitalier de Saint-Malo, celui-ci doit être condamné à payer aux requérants la somme de 1 789,92 euros ;
Considérant en revanche, que si l'état de dépendance de M. Joseph X, par suite notamment d'une hémiplégie droite et d'une amputation partielle de la jambe gauche aurait justifié l'assistance d'une tierce personne, il est constant qu'aucun frais se rapportant à une telle aide n'a été engagé avant son décès ; qu'aucune indemnité ne peut donc être allouée à ce titre ;
Considérant, enfin, que, consécutivement à l'intervention subie au centre hospitalier de Saint-Malo et aux complications survenues, M. Joseph X a été atteint d'hémiplégie et a dû être amputé partiellement de la jambe gauche ; qu'il était immobilisé en fauteuil avant de décéder le 28 avril 2003 ; que son taux d'incapacité permanente partielle avait été fixé par l'expert désigné en référé à 80 % ; que les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante des troubles dans les conditions d'existence, qui n'ont pas eu de conséquences pécuniaires, et des préjudices d'agrément et sexuel qui en ont résulté en allouant une indemnité globale de 70 000 euros à ce titre ; que, cependant, les requérants sont fondés à soutenir que les souffrances physiques endurées par M. X et le préjudice esthétique, également fixés à 6 sur une échelle de 7 par l'expert, doivent être évalués non pas à la somme globale de 15 000 euros comme l'a estimé le tribunal administratif mais de 30 000 euros ; qu'il suit de là que les préjudices personnels de M. Joseph X s'élèvent à la somme totale de 100 000 euros ; que l'indemnité due à ce titre par le centre hospitalier de Saint-Malo dont la responsabilité est atténuée par la faute de la victime, s'élève à 66 666,66 euros ;
Considérant que, eu égard au partage de responsabilité retenu, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence de Mme X causés par l'état de santé de son époux justifient une indemnisation de 12 000 euros ; que le préjudice moral subi par M. Jean-Pierre X et Mme Marie-Joseph X, fils et fille de la victime, doit être réparé par une somme de 6 000 euros chacun ; qu'une somme de 1 500 euros à payer à Mme Marie-Joseph X réparera le préjudice moral subi par ses deux enfants ; qu'en outre, le centre hospitalier doit être condamné à payer à M. Jean-Pierre X une somme de 750 euros au titre du préjudice moral subi par son fils et à Mlle Amélie X, petite-fille de M. Joseph X la même somme ; que la jeune Alexandrine X, née le 31 mars 2000, ne justifie pas d'un préjudice moral résultant du décès de son grand-père ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les CONSORTS X sont seulement fondés à soutenir que la somme de 49 571,27 euros, déduction faite d'une provision de 46 750 euros que, par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Rennes, le centre hospitalier de Saint-Malo a été condamné à leur payer en qualité d'héritiers de M. Joseph X, doit être portée à 69 606,61 euros, outre une somme de 12 000 euros à Mme Anna X, de 6 750 euros à M. Jean-Pierre X et de 7 500 euros à Mme Marie-Joseph X au titre des préjudices propres subis par eux-mêmes et leurs enfants ; que le centre hospitalier de Saint-Malo est seulement fondé à soutenir que la somme de 123 498,37 euros qu'il a été condamné à payer à la MSA d'Ille-et-Vilaine par ce jugement doit être ramenée à 103 688,36 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les CONSORTS X, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer au centre hospitalier de Saint-Malo la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier de Saint-Malo à payer aux CONSORTS X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par ceux-ci et non compris dans les dépens incluant les frais de photocopie du dossier médical ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 49 571,27 euros (quarante-neuf mille cinq cent soixante et onze euros et vingt-sept centimes), déduction faite d'une provision de 46 750 euros (quarante-six mille sept cent cinquante euros) que, par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 8 février 2007, le centre hospitalier de Saint-Malo a été condamné à payer aux CONSORTS X en qualité d'héritiers de M. Joseph X, est portée à 69 606,61 euros (soixante-neuf mille six cent six euros et soixante et un centimes), outre une somme de 12 000 euros (douze mille euros) à Mme Anna X, de 6 750 euros (six mille sept cent cinquante euros) à M. Jean-Pierre X et de 7 500 euros (sept mille cinq cents euros) à Mme Marie-Joseph X au titre des préjudices propres subis par eux-mêmes et leurs enfants.
Article 2 : La somme de 123 498,37 euros (cent vingt-trois mille quatre cent quatre-vingt-dix-huit euros et trente-sept centimes) que, par l'article 6 du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 8 février 2007, le centre hospitalier de Saint-Malo a été condamné à payer à la MSA d'Ille-et-Vilaine est ramenée à 103 688,36 euros (cent trois mille six cent quatre-vingt-huit euros et trente-six centimes).
Article 3 : Les articles 1er, 2 et 6 du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 8 février 2007 sont annulés en ce qu'ils ont de contraire aux article 1er et 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des CONSORTS X et du recours incident du centre hospitalier de Saint-Malo sont rejetés.
Article 5 : Le centre hospitalier de Saint-Malo versera aux CONSORTS X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Saint-Malo tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Anna X, à M. Jean-Pierre X, à Mme Marie-Joseph Y, à Mlle Amélie X, à la MSA d'Ille-et-Vilaine, au centre hospitalier de Saint-Malo et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
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N° 07NT00827
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