Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2012, présentée pour Mme I... G...et M. H... G..., demeurant ... et Mme C... G..., agissant en son nom, au nom de son mari décédé et en qualité de représentante légale de ses enfants D...et Clémence G..., demeurant..., par Me Martin-Mahieu, avocat au barreau de Rennes ; les consorts G...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-2186 en date du 30 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait du décès de leur fils, époux et père F...G...survenu dans le 17 décembre 2004 au centre hospitalier universitaire de Rennes ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes à verser la somme de 25 000 euros à chacun des deux parents deF... G..., la somme de 120 616 euros à Mme G..., veuve de la victime, au titre de ses propres préjudices et la somme de 90 000 euros au titre des préjudices subis par ses deux enfants, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de leur demande indemnitaire du 30 décembre 2008 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- le centre hospitalier universitaire de Rennes a commis une faute résultant d'un défaut de surveillance de la victime ; la chute de F...G...ne résultait pas nécessairement d'un suicide mais pouvait être une chute accidentelle provoquée par un état hallucinatoire engendré
par les médicaments ou une crise d'angoisse ; il a été laissé seul alors qu'il était affaibli psychologiquement et physiquement et a été sujet à une crise d'angoisse le soir même vers 23 h 30 ; compte tenu de cette alerte, le centre hospitalier aurait dû prendre des mesures de surveillance ;
- la possibilité d'ouvrir les fenêtres de la chambre qui était une chambre stérile est en relation directe avec le décès ; elle révèle un défaut d'organisation du service ;
- le préjudice moral de M. et Mme G..., parents de la victime doit être réparé par une indemnité de 25 000 euros pour chacun ;
- le préjudice économique subi par Mme veuve G...doit être évalué à 95 616 euros et son préjudice moral à 25 000 euros ;
- le préjudice moral subis par les deux filles de F...G...doit être évalué à 25 000 euros pour chacune et le préjudice économique résultant du décès doit être évalué à 20 000 euros pour chacune ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 janvier 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, par Me Duroux-Couery, avocat au barreau de Rennes ; la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-2186 en date du 30 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré M. F... G... ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes à lui verser la somme de 6 938,10 euros en remboursement des débours exposés, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, ainsi que la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'absence de mesure de sécurité empêchant le passage à l'acte de F...G..., dont l'état d'anxiété avait été relevé, est à l'origine du décès ; cette carence est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rennes ;
- les débours exposés pour son assuré social du fait de cet accident s'élèvent à 6 938,10 euros correspondant au capital décès versé ; la somme devra être assortie des intérêts au taux légal ;
- elle est également fondée à demander le versement de la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
Vu la mise en demeure adressée le 16 octobre 2013 à la mutuelle M.N.T. section de l'Ille et Vilaine, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de
réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2013, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Rennes Ponchaillou, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête :
il fait valoir que :
- aucun défaut de surveillance ne peut lui être imputé ; M. G... a fait l'objet d'une surveillance appropriée à son état ; si les requérants soutiennent qu'il a connu, peu de temps avant son geste, une crise d'angoisse qui n'aurait pas été prise en compte par le personnel soignant, il est établi qu'il a seulement indiqué à l'infirmière qu'il s'agissait d'un cauchemar ; aucun signe ne laissait supposer son passage à l'acte ;
- la circonstance que les fenêtres de la chambre puissent s'ouvrir ne constitue pas un manquement aux obligations de sécurité de l'établissement compte tenu du service dans lequel la victime se trouvait ; c'est seulement dans les services qui traitent les affections psychiatriques ou mentales que doivent être prises des mesures particulières, incluant notamment le verrouillage des fenêtres des lieux de séjour des patients ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2014, présenté pour les consorts G...par Me Martin-Mahieu, avocat au barreau de Rennes, lesquels concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;
ils soutiennent en outre que la crise d'angoisse décrite par l'infirmière était un élément objectif suffisant qui justifiait à lui seul une surveillance particulière ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que ses précédentes écritures et porte à 1 028 euros la somme demandée au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :
- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- les observations de Me Martin-Mahieu, avocat des consortsG... ;
- et les observations de Me Di Palma, substituant Me Duroux-Couery, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine ;
1. Considérant que F...G..., né en 1965, atteint d'une leucémie lymphoblastique de type T, a été traité une première fois en 2003 par des cures de chimiothérapie ; qu'il a cependant fait une rechute en juillet 2004, et a été hospitalisé à plusieurs reprises à compter du 21 septembre 2004 au centre hospitalier universitaire de Rennes pour y être traité ; que son corps sans vie a été retrouvé au pied de l'immeuble où se trouvait sa chambre dans la nuit du 16 au 17 décembre 2004, le patient s'étant, selon l'enquête alors menée par les services de police, défenestré ; que M. et Mme G..., parents de la victime, ainsi que la veuve deF...G...et ses deux filles alors mineures ont recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rennes à raison d'un défaut de surveillance et d'un manquement aux règles de sécurité et ont présenté le 29 décembre 2008 une demande d'indemnisation des préjudices subis du fait du décès de leur fils, époux et père ; qu'ils ont également saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Bretagne qui, dans un avis du 26 janvier 2011, sur la base du rapport du professeur K..., expert désigné par elle, a estimé que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rennes était engagée et était à l'origine d'une perte de chance de 20 % d'éviter le décès ; que ni l'assureur du centre hospitalier ni l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ne leur ayant présenté d'offre d'indemnisation, les consorts G...ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Rennes ; qu'ils relèvent appel du jugement du 30 août 2012 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande ; que la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine demande la condamnation du même établissement à lui rembourser les débours exposés pour le compte de son assuré social du fait de cet accident ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rennes :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise déposé le 19 octobre 2010 par le professeur K..., expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Bretagne, queF... G... se trouvait au moment de son décès en rechute grave de sa maladie hématologique cancéreuse, qu'il subissait un traitement de chimiothérapie lourd et savait que le pronostic de survie était réservé ; que, du fait de la baisse de ses défenses immunitaires causée par le traitement, il se trouvait dans une chambre munie d'un dais stérile ventilé par un flux laminaire vertical et permettant d'isoler le lit ; que si les consorts G...soutiennent que la chute de F...G...ne résulte pas nécessairement d'un suicide mais a pu être provoquée par un état hallucinatoire engendré par les médicaments ou une crise d'angoisse, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, qu'aucun phénomène hallucinatoire ne peut être imputé au traitement morphinique, la victime n'ayant reçu qu'une seule dose de morphine, relativement faible, le 12 décembre 2004, ni au traitement antalgique par Topalgic, qui avait déjà été administré antérieurement au patient sans effet secondaire signalé ; qu'il résulte également du rapport de l'expert que F...G..., qui avait bénéficié à sa demande d'un suivi psychologique et était soutenu et entouré par ses proches, était épuisé physiquement et psychologiquement et a pu avoir une bouffée d'angoisse particulièrement envahissante qui a conduit à un geste non prémédité ; que si l'infirmière du service, alertée par un cri vers 23 h 30 le 16 décembre 2004, est venue dans la chambre du patient, celui-ci s'est alors borné à lui dire qu'il avait fait un cauchemar ; que, dans ces conditions, le comportement de F...G...ne permettait pas de déceler une tendance ou l'existence d'idées suicidaires justifiant des mesures de surveillance particulière ou que la fenêtre de sa chambre soit équipée d'un dispositif de protection spéciale ; que si l'expert a relevé que l'absence de blocage des fenêtres de la chambre lui apparaissait incompatible avec les règles d'hygiène et les risques infectieux pour des malades dont le système immunitaire est très faible, la possibilité d'ouvrir les fenêtres n'était cependant pas contraire à la règlementation en matière de sécurité, en particulier en cas d'incendie ; que la circonstance que des mesures ont été prises postérieurement à l'événement dont il s'agit ne révèle pas davantage de manquement fautif ; qu'ainsi le décès de F...G...ne trouve pas son origine dans un défaut de surveillance constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rennes, ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal administratif ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts G...ne sont, de même que la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes respectives ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
4. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts G...et la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme H... G...et de Mmes C..., D...et E...G...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... G..., à Mme I... G..., à Mme C... G..., à Mme D... G..., à Mme E... G..., à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, à la mutuelle MNT, section de l'Ille-et-Vilaine et au centre hospitalier universitaire de Rennes Ponchaillou.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2014.
Le rapporteur,
F. SPECHTLe président,
I. PERROT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT02916 2
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