Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2014, présentée pour M. F... D..., demeurant..., par Me Turton avocat au barreau de Paris ; M. D... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200676 du 25 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le signataire de la décision contestée ne justifie pas d'une délégation ;
- en lui opposant son séjour irrégulier en France, régularisé dès 2005, l'administration a commis un détournement de procédure ;
- il n'est pas polygame, ne s'étant marié qu'une seule fois, séparé de fait de son épouse, il vit depuis 2008 chez sa concubine ;
- il est assimilé à la société française et paie ses impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- le signataire de la décision contestée justifie d'une délégation ;
- le séjour irrégulier du requérant maintenu plus de trois ans n'était pas particulièrement ancien à la date de la décision contestée ;
- le mode de vie polygamique de l'intéressé est établi par la naissance alternée de trois enfants dont deux issus de l'union libre et un du mariage ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
1. Considérant que M. D..., ressortissant congolais (République du Congo), relève appel du jugement du 25 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ; 2° Les (...) sous-directeurs (...) " ; que, par arrêté du 2 septembre 2011 publié au Journal officiel du 4 septembre 2011, M. E... C... a été reconduit dans ses fonctions de sous-directeur de l'accès à la nationalité française relevant du secrétariat général à l'immigration et à l'intégration au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; qu'il était, par suite, compétent pour signer la décision contestée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision manque en fait ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
4. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. D..., le ministre s'est fondé sur le comportement de l'intéressé assimilable à un mode de vie polygamique, sur la circonstance qu'il avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 2002 à 2005 et sur son comportement fiscal sujet à critiques, ce dernier motif ayant ensuite été abandonné devant le tribunal ;
5. Considérant que si M. D..., entré en France en 2002, s'est marié le 5 juin 2004 avec Mme A..., mère de son enfant né en 2001, il n'est pas sérieusement contesté que depuis 2008, le requérant est séparé de fait de cette dernière ; que la seule circonstance qu'il vive depuis lors avec Mme B..., dont il a eu deux enfants nés en 2005 et 2007, ne permet pas de caractériser l'existence d'une vie maritale plurielle et par suite n'établit pas l'existence d'une situation de polygamie ; que, toutefois, M. D... ne conteste pas avoir séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 2002 à 2005, méconnaissant ainsi la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ; que ces faits ne pouvaient être regardés comme particulièrement anciens à la date de la décision contestée ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration aurait pris la même décision à l'égard de l'intéressé si elle n'avait retenu que ce dernier motif ; que, dans ces conditions, eu égard à son large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française, le ministre chargé des naturalisations n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, sans que le postulant puisse utilement faire valoir qu'il est parfaitement intégré à la société française ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mars 2015.
Le rapporteur,
E. FRANÇOIS
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01368