La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2015 | FRANCE | N°13NT00450

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 juillet 2015, 13NT00450


Vu l'arrêt du 17 octobre 2013 par lequel la cour, statuant sur la requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) tendant à l'annulation du jugement n° 10-3016 du 31 décembre 2012 du tribunal administratif de Rennes et au rejet de la demande de M. et Mme B...tendant à l'indemnisation des préjudices subis par eux et leur fille C...du fait des injections vaccinales administrées à celle-ci, a ordonné avant dire droit une expertise aux fins, notamment, de fournir les éléments permettant d'apprécier

l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la ...

Vu l'arrêt du 17 octobre 2013 par lequel la cour, statuant sur la requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) tendant à l'annulation du jugement n° 10-3016 du 31 décembre 2012 du tribunal administratif de Rennes et au rejet de la demande de M. et Mme B...tendant à l'indemnisation des préjudices subis par eux et leur fille C...du fait des injections vaccinales administrées à celle-ci, a ordonné avant dire droit une expertise aux fins, notamment, de fournir les éléments permettant d'apprécier l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la vaccination en cause et les troubles constatés ;

Vu l'ordonnance du 10 janvier 2014 par laquelle le président de la cour a désigné le professeur Yves Maugars et le docteur Sylviane Poignant en qualité d'experts ;

Vu le rapport d'expertise établi par le professeur Maugars et le docteur Poignant, enregistré le 24 novembre 2014 ;

Vu les ordonnances du 7 janvier 2015 par lesquelles le président de la cour a taxé et liquidé les frais de l'expertise du professeur Maugars à la somme de 1 000 euros TTC et les frais de l'expertise du docteur Poignant à la somme de 500 euros ;

Vu le mémoire après expertise, enregistré le 15 janvier 2015, présenté pour M. et Mme B... qui contestent les conditions de réalisation de l'expertise et les conclusions des experts ;

ils font valoir que :

- contrairement à ce qu'ont mentionné les experts, aucun refus de tests génétiques complémentaires n'a été opposé ; ces tests devaient être réalisés après les opérations d'expertise, à l'hôpital Necker à Paris où est suivie C...B..., mais n'ont finalement pas été demandés par les experts ;

- contrairement à ce qu'ont indiqué les experts, l'hypothèse d'une atteinte neurologique en lien avec les injections vaccinales est la plus probable alors surtout que de nombreuses recherches génétiques ont par ailleurs déjà été menées ;

Vu le courrier en date du 18 février 2015 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant que l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2015, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que :

- il n'est pas établi que la vaccination à laquelle est imputé le dommage soit une valence obligatoire du vaccin litigieux, le Pentavac qui comprend cinq valences dont trois seulement sont obligatoires ;

- les médecins experts n'ont pas pu poser un diagnostic précis des causes de la pathologie de la jeune C...et aucun lien de causalité direct et certain n'est établi entre cette pathologie et le vaccin ; le développement d'un syndrome anormal à délai rapproché d'une vaccination ne permet pas de retenir un tel lien de causalité et la liste des effets secondaires répertoriés pour ce vaccin combiné ne permet pas d'établir un lien avec la pathologie dont souffre l'enfant ;

Vu l'ordonnance du 27 avril 2015 fixant la clôture de l'instruction au 20 mai 2015 à 12 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2015, présenté pour M. et Mme B...qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures, et demandent en outre le versement à d'une provision de 500 000 euros en qualité de représentants de leur fille C...et en leur nom personnel une provision de 25 000 euros chacun ; ils font valoir les mêmes moyens que dans leurs écritures précédentes et en outre que :

- à défaut de pouvoir dissocier les conséquences imputables à l'une ou l'autre valence du vaccin, le dommage entre dans les prévisions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ;

- à défaut de certitude scientifique, la vaccination peut néanmoins être regardée comme étant la cause directe de la maladie ;

- dans le cadre de la procédure de règlement amiable avec l'ONIAM, le docteur Pialoux désigné comme expert, n'avait pas exclu le lien de causalité ; les experts désignés par la cour concluent en faveur d'une pathologie " d'origine constitutionnelle " sans toutefois étayer leur position alors que le docteur Girard, spécialiste en pharmaco-vigilance a estimé que le lien de causalité était vraisemblable en application de la méthode de diagnostic différentiel et que le caractère nouveau et non documenté de l'effet possible du vaccin ne suffisait pas à écarter l'imputabilité des effets de la vaccination ; par ailleurs, et contrairement à ce que soutient l'ONIAM, l'enfant C...était en bonne santé avant la vaccination ;

- la pathologie de C...a été caractérisée par les médecins spécialistes des maladies rares de l'hôpital Necker-enfants malades comme étant une dégénérescence des motoneurones de la corne antérieure de la moelle et la circonstance que la maladie n'a pas été dénommée par un syndrome n'a pas d'incidence sur sa causalité ;

- compte tenu de l'évolution de l'état de santé de l'enfant, le versement d'une provision de 500 000 euros est justifié, dans l'attente de l'évaluation de ses préjudices ;

- le jugement du tribunal administratif doit être confirmé en ce qu'il leur avait accordé la somme de 25 000 euros chacun au titre de leur préjudices personnels ;

Vu l'ordonnance du 7 mai 2015 reportant la clôture de l'instruction au 2 juin 2015 à 12 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2015, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2015 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., subsistuant Me Saumon, avocat de l'ONIAM ;

- et les observations de Me Mor, avocat de M. et MmeB... ;

1. Considérant que la jeuneC... B..., née le 5 octobre 2006, a reçu les 4 et 28 décembre 2006 deux injections du vaccin Pentavac comportant les valences obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite et des valences facultatives contre la coqueluche et les infections à haemophilius ; que ses parents ont constaté, à la suite de ces injections une dégradation progressive de l'état de santé de leur fille, aux niveaux articulaire et neuromusculaire, qui la laisse lourdement handicapée ; que, malgré divers examens médicaux et des recherches approfondies dans plusieurs disciplines médicales, aucune pathologie connue n'a pu être diagnostiquée ; que M. et Mme B... ont saisi le 15 octobre 2008 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation des dommages résultant du handicap de leur enfant, qu'ils imputent aux injections vaccinales administrées ; que, sur le fondement du rapport du docteur Pialoux, expert désigné par l'ONIAM qui a déposé son rapport le 5 novembre 2009 après avoir examiné la jeuneC..., et après avis de la commission d'indemnisation des victimes des vaccinations obligatoires rendu le 19 février 2010, l'ONIAM a rejeté cette demande d'indemnisation par une décision du 9 mars 2010 ; que, par un jugement du 31 décembre 2012, le tribunal administratif de Rennes a estimé que le lien de causalité entre la vaccination subie et la pathologie dont souffre la jeune C...devait être regardé comme établi et était de nature à ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale, a mis à la charge de l'ONIAM le versement d'une provision de 250 000 euros et a désigné un expert afin de procéder à une évaluation des préjudices subis ; que, par un arrêt du 17 octobre 2013, la cour, statuant sur l'appel formé par l'ONIAM contre ce jugement, a, avant de statuer au fond, ordonné une expertise aux fins de recueillir les éléments lui permettant de statuer de manière éclairée sur l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la vaccination et les troubles constatés, ainsi que, le cas échéant, sur l'étendue des préjudices indemnisables ; que le professeur Maugars et le docteur Poignant, désignés comme experts, ont remis leur rapport le 24 novembre 2014 ;

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des vaccinations obligatoires :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. / (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes du rapport établi par les experts désignés à la demande de la cour, que la jeuneC..., qui reste atteinte de déformations articulaires majeures accompagnées d'atrophie musculaire et souffre également d'une scoliose importante qui a nécessité une intervention chirurgicale, présente une pathologie qui, même si elle est susceptible de comporter un aspect neuromusculaire, comme le font valoir les épouxB..., demeure atypique et d'origine non identifiée, malgré les nombreux examens complémentaires réalisés par des équipes hospitalières spécialisées depuis le début de l'année 2007 ; que, par ailleurs, les mêmes experts relèvent que la littérature médicale ne permet pas de retrouver de description de pathologie rétractile et enraidissante en lien avec des injections vaccinales et écartent expressément l'hypothèse émise par le médecin conseil des consorts B... relative à l'imputabilité aux injections d'un rhumatisme inflammatoire en précisant qu'il n'y a pas de données épidémiologiques en ce sens et qu'au demeurant les symptômes présentés par la jeune C...ne relèvent pas de ce type de pathologie ; que si les requérants mettent également en avant les affirmations de leur médecin conseil selon lesquelles les vaccins contenus dans le Pentavac peuvent provoquer des " accidents neurologiques à expression articulaire, troubles locomoteurs inflammatoires ou des désordres articulaires ", ils n'assortissent pas ces arguments d'éléments scientifiques précis permettant de remettre en cause les conclusions des experts ; que, par suite, et alors même que les symptômes de raideur articulaire ont débuté peu de temps après les injections vaccinales en litige, le lien de causalité direct de la vaccination litigieuse avec l'apparition de la pathologie, qui est formellement écarté par les experts judiciaires missionnés en dernier lieu par la cour, ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme établi ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, se fondant sur la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des vaccinations obligatoires contenues dans les injections réalisées les 4 et 28 décembre 2006, a déclaré l'ONIAM redevable, au titre de la solidarité nationale, de l'indemnisation des préjudices subis par l'enfant C...B...et ses parents et l'a condamné à verser à M. et Mme B...une indemnité provisionnelle de 250 000 euros ;

Sur les frais et honoraires des expertises :

4. Considérant que, par une ordonnance du 5 mars 2014, le président du tribunal administratif de Rennes a taxé et liquidés les frais et honoraires du docteur Le Derff, expert désigné par le tribunal, à la somme de 1 300 euros ; que, par deux ordonnances du 7 janvier 2015, le président de la cour a taxé et liquidé les frais et honoraires du Pr Maugars à la somme de 1 000 euros et ceux du docteur Poignant à la somme de 5 00 euros ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre l'ensemble de ces frais à la charge de l'ONIAM ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 10-3016 du 31 décembre 2012 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes et les conclusions présentées par eux devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les frais et honoraires des expertises taxés et liquidés à la somme totale de 2 800 euros sont mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à M. F...B..., à Mme E...G...B...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

13NT00450 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00450
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET VATIER et ASSOCIES ASSOC D'AVOCATS A RESPONSABILITE PROFESSIONNELLE INDIVIDUELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-02;13nt00450 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award