Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Vaultier, avocat au barreau de Nantes ; M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1111729 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 mars 2011 du préfet de la Loire-Atlantique rejetant sa demande d'échange de son permis de conduire délivré en Haïti contre un permis de conduire français, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de statuer de nouveau sur la demande d'échange de son permis de conduire contre un permis de conduire français, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; il justifie de motifs d'empêchement légitimes au sens de l'article 6 de l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 février 2014, présenté pour M. B... qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'il développe;
Vu la décision du 19 août 2013 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...relève appel du jugement du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 mars 2011 du préfet de la Loire-Atlantique rejetant sa demande d'échange de son permis de conduire délivré en Haïti contre un permis de conduire français, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article R. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 8 février 1999 susvisé, alors en vigueur : " Tout titulaire d'un permis de conduire national doit obligatoirement demander l'échange de ce titre contre le permis français pendant le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France, la date d'acquisition de cette résidence étant celle d'établissement effectif du premier titre de séjour ou de résident. L'échange demeure possible ultérieurement si, (...) pour des motifs légitimes d'empêchement, il n'a pu être effectué dans le délai prescrit. " ; qu'aux termes de l'article 7 de cet arrêté : " 7.1. Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire national, délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, doit répondre aux conditions suivantes (...)7-1-3 Avoir été obtenu antérieurement à la date d'établissement de la carte de séjour ou de résident(...) ";
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a la qualité de réfugié, a acquis sa résidence normale en France à la date du 20 décembre 2007 à laquelle un titre de séjour lui a été délivré ; qu'il a présenté, le 14 février 2011, une demande d'échange de son permis de conduire haïtien contre un permis français; que, par les décisions contestées, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'échange au motif que le permis présenté avait été délivré le 29 janvier 2011, soit postérieurement à la date du 20 décembre 2007 de son titre de séjour, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 7-1-3 de l'arrêté du 8 février 1999; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a produit, à l'appui de sa demande d'échange, un reçu daté du 1er février 2011, dont l'authenticité n'est pas remise en cause par le préfet, émanant du ministère des finances de la République d'Haïti attestant que son permis avait été renouvelé; que, par lettre du 27 janvier 2011, également versée au dossier, les services de la police nationale de la République d'Haïti ont attesté qu'un permis de conduire lui avait été délivré le 27 janvier 2006 et qu'il avait été procédé à son renouvellement le 29 janvier 2011; que, par suite, le préfet ne pouvait refuser, pour le motif susmentionné, la demande d'échange de son permis de conduire présentée par M. B... ; que, toutefois, le préfet fait valoir qu'il était tenu de refuser cette demande d'échange présentée par l'intéressé le 14 février 2011, soit au-delà du délai d'un an prévu par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 8 février 1999 ; que M. B..., dont il ressort des pièces du dossier qu'il a dû quitter Haïti à la suite de nombreux actes de violence dirigés contre lui et sa famille au cours de l'année 2005, soutient, sans être contesté, que son pays ne délivre pas de duplicata des titres de conduite et qu'il ne pouvait justifier être titulaire d'un permis de conduire qu'à l'occasion d'une demande de renouvellement de celui-ci, à l'expiration d'un délai de 5 ans, demande qu'il a effectuée en janvier 2011, ainsi que le démontrent les attestations produites ; que, compte tenu de ces éléments, M. B... doit être regardé comme justifiant d'un motif légitime l'ayant empêché de présenter sa demande d'échange dans le délai prescrit ; que, dès lors, la décision du 23 mars 2011 du préfet de la Loire-Atlantique ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux sont entachées d'illégalité et doivent être annulées;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de statuer de nouveau sur la demande d'échange de son permis de conduire contre un permis de conduire français, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 mars 2013 du tribunal administratif de Nantes, la décision du 23 mars 2011 du préfet de la Loire-Atlantique ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande d'échange de permis de conduire présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2015.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°13NT02943 2
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