Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Monsieur D...B...et Madame E...C..., épouseB..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du consul général de France au Niger, ainsi que la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 30 novembre 2012 par laquelle les autorités consulaires françaises à Niamey (Niger) ont refusé de faire droit à la demande de visa de long séjour au profit de leur fils adoptif Ismaïl Ibrahim Ide.
Par un jugement n° 1302902 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 4 avril 2013 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, se substituant à sa décision implicite de rejet, enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer un visa de long séjour à l'enfant Ismaïl Ibrahim Ide, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2015 et le 3 août 2015, le ministre de l'intérieur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 avril 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- un visa de long séjour peut être refusé pour un motif d'ordre public, notamment en raison de la violation de la procédure d'adoption internationale par les épouxB... ; malgré le refus d'agrément, qu'ils ont accepté en se désistant de leur recours gracieux, ils ont initié des démarches en vue de l'adoption, sans respecter la procédure nigérienne d'adoption internationale, qui prévoit impérativement que les candidats adressent leur dossier dès le début des démarches aux autorités nigériennes, seules habilitées à contrôler l'adoptabilité des enfants et les conditions de l'apparentement ; les époux B...ont identifié directement un enfant qui se trouvait au sein d'une famille biologique, non encore adoptable, ce qui porte atteinte à l'intérêt de cet enfant de pouvoir bénéficier de mesures de protection de l'enfance les mieux adaptées à ses besoins, de pouvoir vivre au sein de sa famille ou à défaut dans son pays d'origine ; ces éléments caractérisent la violation de l'ordre public international français et la méconnaissance des stipulations de l'article 21 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et de l'article 4 de la convention de La Haye ;
- le jugement d'adoption simple par le tribunal de grande instance de Niamey a été rendu en méconnaissance de l'article 344 du code civil nigérien, alors que les époux B...étaient déjà parents de trois enfants et que Mme B...était mère de six enfants biologiques ;
- le consentement de MmeF..., mère biologique de l'enfant adopté, ne semble pas avoir été donné en pleine connaissance de cause ; les mentions relatives à sa date de naissance sur sa carte d'identité ont été falsifiées afin de la faire apparaître majeure, alors qu'elle était mineure au moment du consentement à adoption recueilli par-devant notaire ; une altercation a eu lieu en France entre les époux B...et Mme F...sur les conséquences de l'adoption simple d'lsmail, ce litige a fait l'objet d'un signalement par le Conseil Général du Tarn auprès du procureur de la République d'Albi ;
- Mme F...est rentrée avec son fils au Niger et a confirmé qu'elle n'avait consenti à l'adoption de son enfant que s'il restait vivre au Niger ou s'il était possible pour elle de venir à ses côtés en France, qu'elle était prise totalement en charge financièrement par les époux B...depuis ses 15 ans ; dans un document du 30 juillet 2015, elle certifie s'opposer à la décision d'adoption simple de son fils par les intéressés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2016, M. et MmeB..., représentés par MeA..., concluent au rejet du recours du ministre, à ce qu'il lui soit enjoint de procéder au réexamen de leur demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le jugement attaqué doit être confirmé dans toutes ses dispositions ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 28 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 4 avril 2013, par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour au profit de l'enfant Ismaïl Ibrahim Ide, enfant adoptif de M. et Mme B...;
Sur les conclusions du ministre :
2. Considérant que pour rejeter la demande de visa de longue durée, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de la fraude entourant la procédure d'adoption de l'enfant par les épouxB..., d'autre part, sur le refus d'agrément en vue d'adoption et la méconnaissance des dispositions de l'article L. 225-7 du code de l'action sociale ;
3. Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'il résulte des dispositions de l'article 365 du code civil que l'adoptant, bénéficiaire d'un jugement d'adoption simple, est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale ; que, dès lors, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à l'adopté de rejoindre sa famille d'adoption, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude ou de situation contraire à la conception française de l'ordre public international ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir exercé un recours gracieux contre la décision de refus d'agrément pour l'adoption d'un enfant du 30 septembre 2010 du conseil général du Tarn, les époux B...se sont désistés de leur recours gracieux le 13 mai 2011 ; qu'il n'est pas établi qu'en optant pour une démarche individuelle d'adoption au Niger, les intéressés ont adressé un dossier de candidature auprès du ministre nigérien du développement social, de la population, de la femme et de la protection de l'enfant, ce qui constitue une démarche impérative et alors qu'ils étaient assistés d'un conseil ; qu'en outre, il ressort des éléments communiqués par le ministre de l'intérieur pour la première fois en appel, que le consentement de MmeF..., mère biologique de l'enfant Ismaïl Ibrahim Ide, a été recueilli alors que l'intéressée, née le 1er janvier 1996, était mineure, sa date de naissance ayant été falsifiée, pour qu'elle apparaisse majeure lors du consentement recueilli par-devant notaire et qu'ainsi son consentement n'avait pas été donné en toute connaissance de cause ; que l'attestation récente adressée par Mme F...à son avocat, selon laquelle elle aurait renoncé à l'adoption sur pression des services du consulat, il n'y aurait pas eu de fraude dans sa date de naissance et elle consentirait dorénavant à l'adoption, est dénuée de toute valeur probante ; que, dans ces conditions, en rejetant le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Niamey, la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France n'a pas entaché sa décision du 4 avril 2013 d'une erreur d'appréciation ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé pour ce motif cette décision;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : (... ) 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français et partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité " ;
7. Considérant que la décision du 4 avril 2013, après avoir visé les dispositions des articles L.211-2, R.211-2 et L.314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décrit les considérations de fait sur lesquelles elle repose ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes de l'article 21 de cette convention : " Les Etats parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière " ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, que la décision de refus de visas contestée ne porte pas une atteinte manifestement illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant Ismaïl Ibrahim Ide, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale des épouxB... ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 4 avril 2013 ;
Sur les conclusions de M. et MmeB... :
11. Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de M. et MmeB..., ainsi que celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 avril 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions qu'ils présentent devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...B...et à Mme E...C...épouseB....
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLETLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01979