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24/05/2017 | FRANCE | N°15NT02382

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 mai 2017, 15NT02382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Earl A...Lionel et M. B...A...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 14 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montmartin-en-Graignes a autorisé le maire à louer la parcelle cadastrée ZI 26 à M.F....

Par une ordonnance n° 1501224 du 19 juin 2015, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e enregistrée le 31 juillet 2015 l'Earl A...Lionel et M. B...A..., représentés par MeG..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Earl A...Lionel et M. B...A...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 14 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montmartin-en-Graignes a autorisé le maire à louer la parcelle cadastrée ZI 26 à M.F....

Par une ordonnance n° 1501224 du 19 juin 2015, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2015 l'Earl A...Lionel et M. B...A..., représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 19 juin 2015 ;

2°) d'annuler la délibération du 14 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montmartin-en-Graignes a autorisé le maire à louer la parcelle cadastrée ZI 26 à M. F... ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montmartin-en-Graignes le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaître de la délibération contestée, qui est un acte détachable de la convention de droit privé que constitue le contrat de bail ;

- la délibération contestée est irrégulière car elle ne comporte pas les caractéristiques essentielles du contrat dont la conclusion est autorisée, à savoir notamment le montant du loyer et la durée du bail ;

- la délibération contestée méconnaît l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales car M.D..., conjoint de la mère de la compagne de M.F..., a pris part au vote ;

- il n'apparaît pas que le conseil municipal ait exercé son choix en ayant connaissance et, a fortiori, en tenant compte de l'ordre de priorité prévu par l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime ;

- ils auraient dû obtenir le droit de bail par priorité car l'Earl A...est titulaire d'une autorisation implicite d'exploiter.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2015 la commune de Montmartin-en-Graignes, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'Earl A...et M.A... ;

2°) de mettre à la charge de l'Earl A...et de M. A...la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par une lettre du 8 février 2017 que l'affaire était susceptible, à compter du 15 mars 2017, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2017 par une ordonnance du même jour en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Montmartin-en-Graignes ayant souhaité donné à bail une parcelle cadastrée ZI n°26, d'une surface d'environ 4,5 ha, trois exploitants agricoles se sont portés candidats ; que, par une délibération du 14 avril 2015 qui a fait l'objet d'un affichage dès le lendemain, le conseil municipal a autorisé le maire de la commune a conclure le bail avec M. E... F... ; que l'Earl A...et M.A..., qui avaient également présenté leur candidature, ont contesté cette délibération devant le tribunal administratif de Caen ; qu'ils relèvent appel de l'ordonnance du président de ce tribunal qui a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu'en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l'intéressé de l'acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d'engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ;

3. Considérant que le litige qui oppose l'Earl A...et M. A...à la commune de Montmartin-en-Graignes porte sur le refus de cette collectivité de conclure un bail rural portant sur des terres appartenant à son domaine privé ; qu'il relève ainsi de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ; que, par suite, l'Earl A...et M. A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Earl A...et M. A...devant le tribunal administratif de Caen ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 14 avril 2015 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal (...), le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / (...) 6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'il entend autoriser le maire à souscrire un bail, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l'étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment le bénéficiaire, la nature et la consistance des terrains en cause, le régime juridique applicable, le loyer et la durée du bail ;

6. Considérant qu'il ressort des termes de la délibération produite au dossier que le conseil municipal de la commune de Montmartin-en-Graignes s'est borné, lors de sa séance du 14 avril 2015, à désigner M. E...F...comme preneur à bail de la parcelle cadastrée ZI n°26, sans se prononcer, notamment, sur la durée du bail et sur le montant du loyer ; qu'ainsi, le conseil municipal s'étant abstenu d'exercer toute l'étendue de ses pouvoirs, les requérants sont fondés à soutenir que la délibération en litige méconnaît les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ;

7. Considérant, par suite, qu'il y a lieu d'annuler la délibération du 14 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de Montmartin-en-Graignes a autorisé le maire de la commune à louer la parcelle cadastrée ZI n°26 à M.F... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Earl A...et de M.A..., qui ne sont pas dans la présente instance partie perdante, la somme demandée par la commune de Montmartin-en-Graignes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à l'Earl A...et à M. A...de la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1501224 du président tribunal administratif de Caen du 19 juin 2015 est annulée.

Article 2 : La délibération du 14 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de Montmartin-en-Graignes a autorisé le maire de la commune à louer la parcelle cadastrée ZI n°26 à M. F... est annulée.

Article 3 : La commune de Montmartin-en-Graignes versera à l'Earl A...et à M. A...la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Montmartin-en-Graignes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Earl A...Lionel, à M. B...A...et à la commune de Montmartin-en-Graignes.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte parole du gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15NT02382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02382
Date de la décision : 24/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP HELLOT ROUSSELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-24;15nt02382 ?
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