Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Fléchard a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 9 août 2012 valant titre exécutoire par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a demandé de verser la somme de 2 337 199,87 euros au titre d'intérêts de retard restant dus sur le remboursement de restitutions à l'exportation.
Par un jugement n° 1202498 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Caen a fait droit à cette demande et annulé cette décision du 9 août 2012.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 avril 2016 et 18 septembre 2017 l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 16 février 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Fléchard devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de mettre à la charge de la société Fléchard la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas visé et analysé l'ensemble des moyens des parties ;
- ce jugement est entaché d'erreur de droit, les premiers juges ayant estimé à tort qu'en l'absence de procédure administrative engagée dans le délai de prescription aux fins de récupération des restitutions à l'exportations indument perçues par la société Fléchard, il ne pouvait pas solliciter le paiement des intérêts de retard sur les montants concernés sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 52 du règlement (CE) n° 800/99, alors qu'aucun texte ni aucun principe général n'impose de procéder à une telle récupération par émission d'un titre exécutoire pour que les intérêts de retard afférents puissent être sollicités entre la date à laquelle les aides ont été versées et celle de leur remboursement, dès l'instant où cette dernière date est connue ; la seule circonstance que les restitutions à l'exportation indument versées ont été remboursées à la suite de la condamnation pénale de la société Fléchard et non de l'émission d'un titre exécutoire par FranceAgriMer n'est pas de nature à faire obstacle à une demande de versement des intérêts de retard correspondant ; le montant de ces intérêts ne pouvait pas être connu avant que la société Fléchard ne procède, du 8 juillet 2009 au 7 avril 2010, au reversement des restitutions en cause, le délai de prescription n'ayant, par suite, pas pu commencé à courir à une date antérieure à ce reversement.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2016 la société Fléchard Laiterie du Pont Morin, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par FranceAgriMer ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987 portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles ;
- le règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant FranceAgriMer.
1. Considérant que la société Fléchard, qui fabrique et commercialise des produits laitiers a, entre 1997 et 2000, exporté à destination de pays tiers à l'Union européenne 5 600 tonnes de matières premières présentées comme étant du beurre dont une enquête pénale a révélé qu'elles avaient en réalité été adultérées par l'incorporation de produits d'origine animale ou végétale ou de produits chimiques ; que par un arrêt du 6 février 2009 devenu définitif, la cour d'appel de Paris a condamné au titre de l'action civile la société Fléchard à verser 23 055 027 euros de dommages et intérêts à l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep), venu aux droits de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (Onilait), qui lui avait notamment versé des restitutions à l'exportation au titre de l'exportation des produits concernés ; qu'après avoir sollicité les observations de la société Fléchard par un courrier du 15 septembre 2011, l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venu aux droits de l'Oniep, a par une décision de son directeur général du 9 août 2012 valant titre exécutoire, demandé à cette société qu'elle lui verse la somme de 2 337 199,87 euros au titre d'intérêts de retard restant dus sur le remboursement de restitutions à l'exportation ; que FranceAgriMer relève appel du jugement du 16 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'à l'appui de la critique tirée de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Caen, FranceAgriMer se borne à indiquer que " le jugement querellé ne vise ni n'analyse qu'imparfaitement les moyens des parties " ; qu'un tel moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, dès lors, être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. (...). / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. (...). / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. / (...) 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. / (...) 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes : / a) le paiement d'une amende administrative ; / b) le paiement d'un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d'intérêts (...) ; " ; qu'aux termes de l'article 6 du même règlement : " 1. (...) l'imposition des sanctions pécuniaires, telles que les amendes administratives, peut être suspendue par décision de l'autorité compétente si une procédure pénale a été ouverte contre la personne en cause et porte sur les mêmes faits. La suspension de la procédure administrative suspend le délai de prescription prévu à l'article 3. / 2. Si la procédure pénale n'est pas poursuivie, la procédure administrative qui a été suspendue reprend son cours. / 3. Lorsque la procédure pénale est menée à son terme, la procédure administrative qui a été suspendue reprend, pour autant que les principes généraux du droit ne s'y opposent pas. " ;
4. Considérant qu'il n'est pas contesté, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt n° 12NT03158 du 6 mars 2014 confirmé sur ce point par une décision du Conseil d'Etat n° 380102 du 11 décembre 2015, que la créance née au principal des restitutions à l'exportation indues dont a bénéficié la société Fléchard en application du règlement (CEE) n° 3665/87 du 27 novembre 1987, au titre de l'exportation des matières premières adultérées concernées, était prescrite en application des dispositions précitées ; que, dans l'hypothèse où l'ouverture de la procédure pénale précède l'engagement de la procédure administrative, il appartient à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'engager une procédure tendant à l'édiction des mesures et sanctions visées aux articles 4 et 5 du règlement n° 2988/95 avant l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 ; qu'en l'absence d'action administrative engagée par le requérant dans le délai de prescription pour recouvrer la créance principale constituée du montant des restitutions indûment perçues, FranceAgriMer ne saurait solliciter, sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 52 du règlement (CE) n° 800/99, le paiement des intérêts sur le montant de ces restitutions ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la créance d'intérêts dont se prévaut FranceAgriMer était prescrite ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que FranceAgriMer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision prise le 9 août 2012 par son directeur général ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Fléchard qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme dont FranceAgriMer sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Fléchard ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Fléchard tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à la Société Fléchard Laiterie du Pont Morin.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2017, où siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2017.
Le rapporteur,
B. MassiouLe président,
O. Coifffet
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01240