Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 février 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 6 décembre 2013 des autorités consulaires françaises à Casablanca (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de long séjour.
Par un jugement n° 1406138 du 14 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés les 28 octobre 2016 et 15 mars 2017 le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 octobre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- les premiers juges ont méconnu le champ d'application de la loi car ils ont apprécié le droit de Mme B...à la délivrance d'un visa de long séjour en tant que conjoint de français, alors que sa demande portait clairement et exclusivement sur un visa de retour ;
- MmeB..., qui ne disposait plus d'un droit au séjour en France lorsqu'elle a déposé sa demande, ne pouvait prétendre à la délivrance d'un visa de retour ;
- Mme B...ne peut davantage prétendre à la délivrance d'un visa en tant que conjoint d'un ressortissant français car elle n'a plus de contact avec son époux, qui ne souhaite pas reprendre la vie commune ;
- le refus de visa ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car Mme B...n'établit pas qu'elle aurait encore des relations avec son mari.
Par un mémoire enregistré le 13 mars 2017, Mme A...B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter le recours du ministre de l'intérieur ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de long séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que
- les premiers juges ont estimé à bon droit qu'en dépit du fait qu'elle avait demandé la délivrance d'un visa de retour, sa qualité de conjoint d'un ressortissant français faisait obstacle à ce qu'un visa de long séjour puisse lui être refusé ;
- son mariage perdure, dès lors que son mari n'a pas engagé de procédure de divorce ;
- le refus de visa méconnaît son droit et celui de son fils, qui est de nationalité française, à mener une vie familiale normale.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Le Bris a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine née en 1986, a sollicité la délivrance d'un visa de retour pour regagner avec son fils le territoire français, où réside son conjoint, de nationalité française ; que cette demande a été rejetée par les autorités consulaires françaises à Casablanca ; que par une décision du 28 février 2014, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme B...contre ce refus ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 14 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de MmeB..., annulé la décision du 28 février 2014 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient à l'autorité administrative compétente et, le cas échéant, au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre la décision prise, de se prononcer en considération du motif qui était invoqué par le demandeur pour solliciter la délivrance du visa ; que si Mme B...a coché la case " visa de retour " sur le formulaire qu'elle a rempli à l'occasion de sa demande de visa, elle y a également indiqué que son mari, de nationalité française, résidait en France ; qu'en outre, dans sa décision du 28 février 2014, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a énoncé deux motif de refus, à savoir que Mme B...n'avait pas demandé le renouvellement de son titre de séjour et que son conjoint avait indiqué qu'il souhaitait demander le divorce ; que, par suite, les juges de premier instance ont pu à bon droit regarder la décision contestée comme portant à la fois refus d'un visa de retour et refus d'un visa de long séjour en tant que conjoint de français, et l'annuler sur ce second fondement ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient ainsi méconnu le champ d'application de la loi ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. " ; qu'il n'est pas contesté que le mariage de Mme B...n'est pas entaché de fraude, qu'il n'a pas été annulé, et que l'intéressée ne représente pas une menace à l'ordre public ; que si son conjoint a indiqué dans un courrier adressé aux autorités consulaires françaises au Maroc en mars 2013 qu'il voulait obtenir la garde de son fils mais ne souhaitait pas signer les papiers pour le renouvellement du titre de séjour de son épouse, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait engagé une procédure de divorce, ni que celle-ci aurait abouti ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nantes a jugé que le refus de visa opposé à Mme B...était entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ; que la circonstance que l'intéressée ne vit plus avec son mari depuis trois ans et qu'elle ne peut prétendre, de ce fait, à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile demeure, à cet égard, sans incidence ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre la décision de refus de visa d'entrée en France du 28 février 2014 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que les premiers juges ont, à la demande de MmeB..., enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'intéressée le visa qu'elle sollicitait dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentée en appel par la requérante sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocate des requérants renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 800 euros ;
DÉCIDE :
Article 1 : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B...sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Me D...la somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme A...B....
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 décembre 2017
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°16NT03590