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16/03/2018 | FRANCE | N°17NT02829

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 mars 2018, 17NT02829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2016 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit tout retour en France pendant dix-huit mois.

Par un jugement n° 1607619 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Nant

es a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2016 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit tout retour en France pendant dix-huit mois.

Par un jugement n° 1607619 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 septembre 2017, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 13 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le refus de séjour a méconnu les dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ; elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur de fait ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions sur lesquelles elles se fondent ; elle a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement sur laquelle elle se fonde ; elle a méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne menace pas l'ordre public ;

Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2017, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B..., épouse E...ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante russe, née le 21 novembre 1980, déclare être entrée en France le 15 février 2012 ; que sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 novembre 2012, confirmée le 5 juillet 2013 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; qu'elle a déposé à trois reprises des demandes de réexamen de sa demande initiale d'asile qui ont été rejetées par le directeur de l'OFPRA par des décisions du 29 novembre 2013, du 30 septembre 2014 et du 31 mars 2016 confirmées par la CNDA ; que Mme B... relève appel du jugement du 7 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2016 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé du lui délivrer le titre de séjour sollicité en qualité de réfugiée, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement et lui a interdit tout retour en France pendant dix-huit mois ;

2. Considérant que le préfet de la Mayenne, qui n'était pas tenu d'examiner d'office si Mme B...était susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre, s'est borné à rejeter la demande d'autorisation de séjour que celle-ci avait présentée uniquement au titre de l'asile ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour et ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée irrégulièrement en France en février 2012 et s'y est maintenue en dépit des décisions préfectorales l'obligeant à quitter le territoire prises les 22 août et 31 décembre 2013 ; que si elle vit en France avec son époux et ses quatre enfants, dont trois sont scolarisés, rien ne fait obstacle à ce qu'elle puisse reconstituer sa cellule familiale hors de France ; que si Mme B...et sa famille font l'objet de soutiens au sein de leur commune, elle ne justifie toutefois pas d'une intégration particulière dans la société française ; que, dans ces circonstances, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise ; que, par suite, elle n'a pas méconnu les stipulation précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." ; que les convocations judiciaires, dont l'objet précis n'est pas indiqué, et les quelques témoignages peu circonstanciés de voisins russes que la requérante produit, pour la première fois en appel, qui font état de possibles persécutions policières à l'encontre de son époux, ne suffisent pas à établir qu'elle encourrait personnellement des risques pour sa vie ou pour sa liberté en cas de retour en Russie, ou qu'elle y serait exposée à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants ; qu'au surplus, sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée et ses trois demandes de réexamen successives ont été rejetées par l'OFPRA et la CNDA ; que, par suite, la décision contestée fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu'elle ne menace pas l'ordre public ne faisait pas à elle seule obstacle à ce que le préfet prenne la mesure d'interdiction de retour sur le territoire contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

6. Considérant que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux mesures d'interdiction de retour sur le territoire français prononcées sur le fondement de l'article L. 131-30 du code pénal contre les étrangers coupables d'un crime ou d'un délit, ne peut être utilement soulevé contre la décision contestée du préfet de la Mayenne, qui n'a pas été prise sur ce fondement ; que, dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant que, pour le surplus, Mme B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que l'arrêté contesté ne révèle pas un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et de ce que l'obligation de quitter le territoire, la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuses ne sont pas privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions qui les fondent ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 22 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02829
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : VAULTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;17nt02829 ?
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