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13/04/2018 | FRANCE | N°16NT00817

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 13 avril 2018, 16NT00817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Yara France a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté interministériel du 10 mai 2013 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication, de flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en tant qu'il inscrit sur cette liste son établissement de Montoir-de-Bretagne pour la période de 1971 à 1996.

Par un jugement n°13

05739 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Yara France a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté interministériel du 10 mai 2013 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication, de flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en tant qu'il inscrit sur cette liste son établissement de Montoir-de-Bretagne pour la période de 1971 à 1996.

Par un jugement n°1305739 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté du 10 mai 2013 en tant qu'il inscrit l'établissement de Montoir-de-Bretagne pour la période de 1971 à 1996.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2016, Monsieur D...C..., représenté par la SCP Michel, Ledoux et associés, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 janvier 2016 et de rejeter la demande présentée par la société Yara France devant ce tribunal.

Il soutient que :

- l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 janvier 2008 ne saurait lui être utilement opposée, dès lors qu'il n'était pas partie à cette instance et que la condition d'identité d'objet n'est pas satisfaite ; le ministre a pris sa décision au vu de trois nouvelles enquêtes ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les activités accessoires exercées sur le site de Montoir-de-Bretagne ne relevaient pas d'opérations de calorifugeage à l'amiante ; une activité accessoire mais néanmoins significative de calorifugeage a été mise en oeuvre durant de très nombreuses années par les salariés, tant de la maintenance que de la production, présents sur le site ; l'utilisation de calorifuges en amiante concernait l'ensemble des installations du site ; des joints, tresses et bandelettes d'amiante étaient utilisés afin de recouvrir les installations parcourues par de la vapeur ou des liquides chauds et éviter la déperdition de chaleur au niveau des nombreuses jonctions des tuyauteries ;

- les salariés ont été exposés à l'amiante de manière significative ainsi que l'atteste le nombre élevé de maladies professionnelles dues à l'amiante développées par d'anciens salariés du site.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juin 2016 et le 16 mars 2018, la société Yara France, représentée par Me B...et MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C...le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'arrêté du 10 mai 2013 méconnaît l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal administratif de Nantes le 24 janvier 2008 ;

- son établissement de Montoir-de-Bretagne est un établissement chimique ne relevant pas de la nomenclature des industries de l'amiante ; si les opérations de maintenance effectuées au sein de l'établissement ont impliqué une manipulation de joints et de tresses en amiante contenus dans des équipements et canalisations, ces opérations, par nature accessoires, n'avaient pas pour finalité l'isolation thermique des installations et ne peuvent relever du champ d'application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

- à supposer que l'on puisse retenir l'existence d'une activité de calorifugeage au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, cette activité ne peut être considérée comme ayant revêtu un caractère significatif, tant au regard du nombre de salariés concernés, que du caractère ponctuel des opérations de maintenance ; sur la période de 1972 à 1996, seuls 11% des salariés de l'établissement de Montoir-de-Bretagne ont été susceptibles d'être exposés à l'amiante lors de travaux occasionnels et de courte durée et ce, sans exposition effective avérée du fait du recours fréquent à des prestataires extérieurs pour les travaux de maintenance programmés ;

- le nombre de prises en charge de pathologies asbestosiques d'anciens salariés du site ne peut être un critère objectif permettant de démontrer l'existence d'une activité significative de calorifugeage.

Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté ses observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, notamment son article 41;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier ;

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M.C..., et les observations de MeA..., représentant la Sas Yara France.

1. Considérant que par un jugement du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes, à la demande de la société Yara France, a annulé l'arrêté interministériel du 10 mai 2013 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en tant qu'il inscrit sur cette liste l'établissement de Montoir-de-Bretagne pour la période de 1971 à 1996 ; que M. C...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " I. - Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...) " ;

3.Considérant qu'il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements ; que les opérations de calorifugeage à l'amiante doivent, pour l'application de ces dispositions, s'entendre des interventions qui ont pour but d'utiliser l'amiante à des fins d'isolation thermique ; que ne sauraient par suite ouvrir droit à l'allocation prévue par ce texte les utilisations de l'amiante à des fins autres que l'isolation thermique, alors même que, par l'effet de ses propriétés intrinsèques, l'amiante ainsi utilisée assurerait également une isolation thermique ; qu'est en revanche sans incidence sur l'inscription d'un établissement l'intensité de l'exposition personnelle à l'amiante des salariés affectés aux opérations en question ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports de l'inspectrice du travail des 28 novembre 2011, 13 mars 2012 et 6 septembre 2012, que l'établissement Yara France de Montoir-de-Bretagne exerce une activité de fabrication de deux types d'engrais agricoles, des engrais dits composés et de l'ammonitrate ; que si cette activité, en tant que telle, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, les procédés mis en oeuvre nécessitaient l'utilisation de l'amiante sous des formes multiples, telles que tresses et joints, dans l'ensemble des unités de fabrication de cet établissement ; qu'il est également constant que les salariés de cet établissement ont régulièrement procédé à des travaux d'entretien ou de réparation des installations, notamment pour le changement des joints en amiante à la jonction des tuyauteries et des tresses en amiante situées sur les deux chaudières utilisées au sein de l'unité azote ; que, toutefois, ces opérations de maintenance utilisaient l'amiante aux seules fins d'assurer l'étanchéité aux fuites de gaz et de fluides des éléments de canalisation et des équipements assemblés dans les unités de production des engrais comme le mentionnent certaines attestations des salariés, et n'étaient pas destinées, par elles-mêmes, à l'isolation thermique des installations, quand bien même l'amiante ainsi utilisée, de par la constance du comportement de ce matériau exposé à la chaleur, assurerait également une telle isolation ; que, dans ces conditions, ces interventions ne constituent pas des opérations de calorifugeage au sens des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

5. Considérant, en second lieu, que les pièces du dossier ne permettent pas de tenir pour établies l'existence et l'utilisation de calorifuges en amiante au sein de l'établissement de Montoir-de-Bretagne sur la période allant de 1971 à 1996 ; que la société Yara a produit devant les premiers juges un rapport de recherche de matériaux établi le 12 novembre 1997 concluant à l'absence de flocage ou calorifugeage contenant de l'amiante dans cet établissement ; que, par ailleurs, le port de gants, bottes et autres équipements de protections individuelles amiantés ainsi que l'utilisation de bâches et couvertures contenant de l'amiante, s'ils avaient pour effet de préserver ponctuellement les salariés de la chaleur à l'occasion des découpes au chalumeau et des opérations de soudage, ne relevaient pas pour autant d'un processus continu d'isolation, et ne peuvent dès lors être regardés comme des activités de calorifugeage ; qu'enfin, le nombre de maladies professionnelles des salariés en lien avec l'amiante n'a aucune influence sur la légalité de la décision en litige ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de chose jugée invoquée par la société Yara France, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté interministériel du 10 mai 2013 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication, de flocage et calorifugeage à l'amiante susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en tant qu'il a inscrit sur cette liste l'établissement Yara France de Montoir-de-Bretagne pour la période de 1971 à 1996 ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Yara France les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Yara France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à la société Yara France et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 avril 2018.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°16NT008172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00817
Date de la décision : 13/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-13;16nt00817 ?
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