Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 mars 2015, par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1503678 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2017, Mme C..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 mars 2017 ;
2°) d'annuler cette décision du 10 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle a fixé de manière stable le centre de ses intérêts familiaux en France et remplit donc la condition de résidence fixée à l'article 21-16 du code civil ; le ministre a fait une appréciation erronée de la condition de résidence et une appréciation inexacte de son loyalisme envers la France en estimant que son loyalisme à l'égard de la France ne serait pas établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision, nouveau en appel et relevant d'une cause juridique distincte de celle des moyens soulevés en première instance, est irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés ;
- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 9 mars 2017, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 2015 du ministre de l'intérieur, rejetant sa demande de naturalisation ;
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée relève d'une cause juridique distincte de celle, relative à la légalité interne de cette décision, qui était seule discutée en première instance ; qu'invoqué pour la première fois en appel, ce moyen n'est pas recevable et ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que son assimilation dans la société française ;
4. Considérant que, pour rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par Mme C..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur son défaut de loyalisme envers la France et ses institutions ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note du 20 novembre 2013 du service d'information générale de Chalon-sur-Saône, que M. E...A..., époux de Mme C..., est connu pour son prosélytisme en faveur d'un islam radical et son commerce d'ouvrages inspirés du salafisme depuis 2006, pour sa fréquentation de la mosquée du Tawhid, où se réunit régulièrement le noyau de la cellule salafiste locale, ainsi que pour sa participation active à l'organisation de prêches ; que ces informations ne sont sérieusement contredites, ni par les dénégations de la requérante, ni par les courriers du président de l'association Unicité, en charge de la gestion de la mosquée du Tawhid, qui se borne à des considérations générales et affirme que M. A...n'était pas imam, ce qui n'est pas contesté ; que si la requérante fait état des bonnes relations entre cette association et le maire de la commune, celles-ci sont récentes de quelques mois seulement avant la décision contestée ; qu'elle ne peut utilement faire état de l'article de presse du 13 novembre 2015, relatif à l'engagement de son époux en faveur de la prévention des jeunes contre le radicalisme, ce document étant postérieur à cette décision ; qu'eu égard à l'effectivité non contestée de la communauté de vie entre M. A...et Mme C... depuis leur mariage en 1997, le ministre a pu légalement apprécier la situation de Mme C... en prenant en considération le comportement de son époux, qu'elle ne pouvait ignorer ; que, dans ces conditions, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter pour le motif précité la demande de naturalisation de Mme C..., alors même que celle-ci serait intégrée professionnellement et que son mode de vie reflèterait une adhésion aux valeurs de la République et de la société française ;
6. Considérant, par ailleurs, que Mme C...ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 27 juillet 2010, dépourvues de caractère réglementaire ;
7. Considérant, enfin, que la décision contestée ne déclare pas irrecevable la demande de naturalisation présentée par Mme C... ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 21-16 du code civil est inopérant ; que la requérante ne peut invoquer utilement sa bonne insertion professionnelle, la décision contestée n'étant pas fondée sur ce motif ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouse A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Phémolant, présidente de la Cour,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 mai 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLa présidente de la Cour,
B. PHEMOLANT
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01458