Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C...et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 21 décembre 2017 par lesquels la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1800916, 1800920 du 24 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2018 M. C... et MmeB..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 mai 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète d'Indre-et-Loire du 21 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de leur délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Ils soutiennent que :
- contrairement a ce qu'a estimé le tribunal administratif, M. C...justifie d'une résidence continue en France depuis 2003 qui rendait obligatoire la saisine de la commission du titre de séjour ;
- la préfète a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a omis d'examiner la demande de régularisation de M. C...en qualité de salarié ;
- la décision refusant à M. C...un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeB....
La requête a été communiquée le 17 octobre 2018 à la préfète d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante Kosovare, est entrée irrégulièrement en France le 1er mai 2009. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 septembre 2009, confirmée le 2 novembre 2010 par la Cour nationale du droit d'asile. Son compagnon et compatriote, M. C..., est entré irrégulièrement en France le 19 avril 2010. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 octobre 2010, confirmée le 16 décembre 2011 par la Cour nationale du droit d'asile. M. C...et Mme B...ont respectivement demandé le 8 décembre 2016 et le 9 septembre 2017 un titre de séjour. Par des arrêtés du 21 décembre 2017, la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté leurs demandes, a obligé les intéressés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés d'office. M. C... et Mme B...relèvent appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 décembre 2017 de la préfète d'Indre-et-Loire refusant un titre de séjour à M.C..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de sa reconduite :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Il résulte de ces dispositions, qu'il appartient à l'autorité administrative, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, dans un premier temps, de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou est justifiée au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels en ce sens, d'envisager la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, où le demandeur justifie d'une promesse d'embauche, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de la situation personnelle de l'intéressé, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C...s'est vu opposer une précédente décision du 7 février 2017 lui refusant le droit au séjour qui a été annulée par un jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 juillet 2017 au motif que la préfète d'Indre-et-Loire avait omis d'examiner la demande de régularisation de l'intéressé en qualité de salarié, en application des dispositions rappelées au point précédent, demande fondée sur la production d'une promesse d'embauche établie à son profit par une entreprise du bâtiment.
4. En premier lieu, la préfète d'Indre-et-Loire, en se contentant d'indiquer dans le nouveau refus de titre de séjour contesté que " l'intéressé ne remplit pas les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle définie à l'article L. 313-10 du CESEDA ", n'a pas permis à M. C...de connaître les raisons de sa décision, qui n'est donc pas suffisamment motivée.
5. En second lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté du 21 décembre 2017 que la préfète a, comme dans l'arrêté du 7 février 2017, omis de prendre en compte l'existence de la promesse d'embauche produite par M. C...dans l'examen de sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'a donc pas procédé sur ce point à un examen complet de la situation particulière du demandeur, ce qui est un second motif d'illégalité de la décision contestée.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté de la préfète d'Indre-et-Loire.
Sur la légalité de l'arrêté du 21décembre 2017 de la préfète d'Indre-et-Loire refusant un
titre de séjour à MmeB..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de sa reconduite :
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée irrégulièrement en France en 2009, qu'elle s'y est maintenue en situation irrégulière après avoir été déboutée du droit d'asile et qu'elle ne justifie d'aucune insertion dans la société française. Par suite, et alors même qu'à la date de l'arrêté contesté elle vivait en France avec M.C..., lui-même en situation irrégulière, et avec ses deux enfants nés en France en 2012 et en 2015, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait empêchée de reformer sa cellule familiale dans son pays, l'arrêté contesté de la préfète d'Indre-et-Loire n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée au point 6, eu égard au motif qui la fonde, implique seulement que la préfète d'Indre-et-Loire réexamine la situation de M.C.... Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B...doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800916, 1800920 du tribunal administratif d'Orléans en date du 24 mai 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M.C....
Article 2 : L'arrêté du 21 décembre 2017 de la préfète d'Indre-et-Loire refusant à M. C...un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de sa reconduite est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de réexaminer la situation de M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. C...et Mme B...est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera au conseil de M. C...la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2019.
Le rapporteur
E. BerthonLe président
O. Coiffet
Le greffier
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03659