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29/03/2019 | FRANCE | N°18NT03548

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 mars 2019, 18NT03548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit pendant deux ans le retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 1802237 du 18 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête enregistrée le 21 septembre 2018 M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit pendant deux ans le retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 1802237 du 18 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 septembre 2018 M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 14 mai 2018.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée s'agissant de sa situation familiale et de ses attaches en Chine et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de fait ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur de fait, dès lors qu'il n'est pas Chinois mais Mongol ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et porte à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée puisqu'il vit en France depuis plus de six ans et que son enfant y est scolarisé ; de plus, il ne représente pas une menace pour l'ordre public.

La requête a été communiquée au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant chinois, déclare être entré irrégulièrement en France en 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 décembre 2013, confirmée le 17 mai 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 8 juillet 2016, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif d'Orléans dans un jugement du 5 janvier 2017 devenu définitif et à laquelle il n'a pas déféré. Il a été interpellé le 14 mai 2018 pour vol à l'étalage et placé le même jour en rétention administrative. Le 18 mai 2018, le préfet d'Indre-et-Loire a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français assorti de décisions fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner en France pendant deux ans. M. A...relève appel du jugement du 18 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. ".

3. La décision contestée, qui vise le 1° et le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui mentionne que M. A...est entré irrégulièrement en France, a été débouté de sa demande d'asile et n'établit pas être sans attache dans son pays d'origine, est suffisamment motivée.

4. M. A...soutient qu'il vit en France avec une compatriote dont il a eu un enfant né le 10 octobre 2013. Toutefois, il n'établit pas être le père de cet enfant, qu'il n'a pas reconnu. En tout état de cause, il n'invoque aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il reforme hors de France sa cellule familiale avec sa compagne, également en situation irrégulière, et avec l'enfant. Par suite, et dès lors que M. A...ne se prévaut par ailleurs d'aucune intégration particulière dans la société française, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

5. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".

6. Le préfet d'Indre-et-Loire a décidé d'une mesure d'éloignement sans délai à l'encontre de M. A...aux motifs que le risque que celui-ci ne défère pas à cette mesure pouvait être regardé comme établi, puisqu'il était entré irrégulièrement en France et n'avait pas sollicité de titre de séjour, s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement et ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, faute de disposer de document d'identité ou de voyage. La réalité de ces trois motifs est établie par les pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur de fait doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des propres déclarations de M. A...aux policiers qui l'ont interpellé le 14 mais 2018 et du témoignage de la personne qui l'héberge, qu'il possède la nationalité chinoise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet d'Indre-et-Loire aurait entaché la décision contestée d'une erreur de fait en mentionnant qu'il pourra être reconduit d'office vers ce pays dont il possède la nationalité doit être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour en France pendant deux ans :

8. Aux termes du III du l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " ; (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaitre les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

10. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire doit, selon elle, être regardé comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

11. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M.A..., qui allègue être entré en France en 2013, ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens et forts avec la France et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Dans la mesure où les termes de l'ensemble de l'arrêté litigieux établissent que la situation du requérant a été appréciée au regard des trois premiers critères mentionnés par le 8ème alinéa du III du l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et où il n'est pas allégué que le préfet d'Indre-et-Loire aurait entendu retenir une menace pour l'ordre public, cette autorité a suffisamment motivé la décision par laquelle elle a fixé à deux ans la durée de la mesure litigieuse d'interdiction de retour en France.

12. En second lieu, pour les raisons déjà exposées au point 4, M. A...n'est pas fondé à soutenir que sa situation familiale devait être regardée comme une circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, et nonobstant le fait qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, le préfet d'Indre-et-Loire a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, prendre à son encontre une telle mesure.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2019.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03548
Date de la décision : 29/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL FREDERIC ALQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-29;18nt03548 ?
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