Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme M...I...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 juin 2015 du préfet des Côtes d'Armor refusant de l'autoriser à exploiter les parcelles A59, A124, A299, ZB58, ZB59, ZB62, ZB63, ZB78 et ZB79 situées sur le territoire de la commune de Dolo (Côtes-d'Armor) puis la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté le 24 juillet 2015.
Par un jugement n° 1503579, 1505304 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses deux demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2017 Mme M...I..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 3 juin 2015 du préfet des Côtes-d'Armor ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté contre cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de réexaminer sa demande dans les plus brefs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 3 juin 2015 a été prise par une autorité incompétente car les délégations de signature produites par l'administration ne sont pas suffisamment précises ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation et le préfet s'est fondé sur des dispositions législatives qui n'étaient plus en vigueur ;
- les décisions contestées méconnaissent l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ; en effet le préfet s'est fondé sur une évaluation de leur exploitation et de l'exploitation de M. H... qui est entachée d'erreur de fait ;
- le motif sur lequel s'est fondé le préfet, tiré de ce que la perte des parcelles faisant l'objet du litige compromettrait la viabilité de l'exploitation du preneur en place, n'est pas fondé car la surface restante est supérieure à l'unité de référence et il n'est pas démontré que le preneur ne pourrait pas compenser la perte de ses droits d'exploitation ;
- le préfet aurait dû prendre en compte la situation de sa propre exploitation, dont la viabilité économique est menacée si elle n'obtient pas l'autorisation d'exploiter demandée.
Par des mémoires enregistrés les 27 octobre 2017 et 23 janvier 2018 M. H..., représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme I... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable parce qu'elle se borne à reprendre une partie de l'argumentation présentée en première instance ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 12 juin 2018 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme I...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrot,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant M.H....
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande enregistrée le 1er avril 2015 MmeI..., associée avec son compagnon M. K...au sein de l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac dont l'activité est l'élevage de porcs, a sollicité l'autorisation d'exploiter neuf parcelles situées sur le territoire de la commune de Dolo (Côtes-d'Armor), cadastrées A59, A124, A299, ZB58, ZB59, ZB62, ZB63, ZB78 et ZB79, représentant une surface de 7,63 ha et mises en valeur par l'EARLH..., également exploitante d'un élevage porcin. La commission départementale d'orientation de l'agriculture a rendu un avis défavorable à ce projet le 2 juin 2015 et, par une décision du 3 juin suivant, le préfet des Côtes-d'Armor a refusé l'autorisation demandée. Mme I... relève appel du jugement du 10 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cette décision ainsi que du rejet implicite de son recours gracieux présenté le 24 juillet 2015.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir soulevée par M.H... ;
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D...C..., directeur départemental des territoires et de la mer des Côtes-d'Armor, a reçu délégation du préfet des Côtes-d'Armor, par un arrêté du 27 octobre 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer, dans le cadre de ses attributions et compétences, toutes décisions et tous documents concernant l'organisation et le fonctionnement du service sur lequel il a autorité, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant les demandes d'autorisation d'exploiter relatives au contrôle des structures agricoles. M. C...avait par ailleurs donné délégation à Mme L...E..., signataire de la décision litigieuse, chef du service agriculture et développement rural, dans le cadre de ses attributions, lesquelles comportent les autorisations d'exploiter, par un arrêté du 9 avril 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 2015 099-0001. Contrairement à ce que soutient la requérante, les termes dans lesquels sont rédigés ces arrêtés sont suffisamment précis pour N...d'apprécier l'étendue des compétences, qui ne sont pas générales, dévolues à leurs bénéficiaires. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.
3. En deuxième lieu les décisions contestées comportent l'énoncé précis des éléments de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent et sont, ainsi, suffisamment motivées. Si Mme I... entend contester l'application par ces décisions de certaines dispositions du code rural et de la pêche maritime, une telle critique relève de la légalité interne des décisions et non de la régularité de leur motivation.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les conditions de mise en oeuvre " du chapitre Ier du titre III du livre III du même code, relatif au " contrôle des structures des exploitations agricoles ". En outre, aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication./ Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département./ (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le législateur a subordonné l'application de l'ensemble des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives au contrôle des structures issues de la loi du 13 octobre 2014 à l'entrée en vigueur des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles. Or, ce schéma a été établi pour la région Bretagne par un arrêté du 28 juin 2016 publié au recueil des actes administratifs du 30 juin 2016. Par suite, Mme I...n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Côtes-d'Armor aurait commis une erreur de droit en se fondant, pour prendre la décision contestée, sur les dispositions de l'article
L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime en vigueur avant la publication de cette loi. Pour les mêmes motifs, elle ne saurait utilement soutenir que les décisions rejetant sa demande auraient été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime relatives au contrôle des structures telles qu'issues de la loi du 13 octobre 2014 mentionnée ci-dessus.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que lorsque, comme en l'espèce, une seule demande d'autorisation d'exploiter est présentée pour des terres sur lesquelles un preneur est en place, l'administration doit se conformer aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles mais n'a pas à observer l'ordre de priorité établi par ce document. Elle doit par ailleurs tenir compte de la situation du preneur en place pour prendre sa décision.
8. L'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes-d'Armor du 3 août 2012 dispose que : " En application des articles L. 331-1 et L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, les orientations de la politique de contrôle des structures des exploitations agricoles sont ainsi définies dans leur globalité et sans ordre de priorité : a) Favoriser l'installation d'un maximum d'agriculteurs y compris dans le cas d'installation progressive, notamment de ceux répondant aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, sur des structures d'exploitations disposant déjà ou après compléments attribués par le préfet après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, de moyens de production nécessaires pour assurer la viabilité économique de ces structures d'exploitation. b) Empêcher le démembrement des exploitations viables telles que définies à l'article 2 ci-après, y compris en évitant que terres et bâtiments soient dissociées des moyens de production correspondants, afin de préserver toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable sauf à considérer dans celle-ci la présence d'ateliers viables de façon autonome et disposant d'assise foncière. c) Maintenir le plus grand nombre d'exploitants et d'emplois sur des structures d'exploitations viables telles que définies à l'article 2. d) Favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aides sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le présent schéma directeur départemental afin de N...la transmissibilité en l'état. (...) m) N...aux exploitations hors sol de disposer d'une assise foncière (...) pour l'épandage des effluents produits sur l'exploitation. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision du 3 juin 2015 ainsi que du procès verbal de la séance de la commission départementale d'orientation de l'agriculture qui s'était tenue la veille, que le préfet, pour prendre les décisions contestées, a comparé les situations de l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac et de l'EARLH..., dont la dimension économique au regard des critères et des objectifs définis par le projet agriculture durable départemental (PADD) a été évaluée à une valeur identique de 126%. Il a ensuite relevé que la reprise des 7,63 ha de terres en litige impliquait pour la seconde une perte de 9% de sa surface agricole utile et un manque à gagner d'environ 5 495 euros par an. Si Mme I...conteste l'évaluation faite au regard du PADD en soutenant que son exploitation aurait dû faire l'objet d'un abattement de 10% comme celle de M.H..., il ressort des pièces du dossier que cet abattement, appliqué en vertu de l'article 7 du PADD, correspond à la mise en oeuvre par l'EARL H...d'une solution de résorption des déjections animales pour plus de 20% du volume produit par l'exploitation, élément qui ressort également du procès-verbal de la commission départementale d'orientation de l'agriculture. Ainsi la requérante, qui n'allègue pas qu'un tel dispositif aurait été mis en oeuvre par l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac et n'explique pas, par ailleurs, pourquoi son exploitation aurait dû être évaluée à 125% du PADD au lieu de 126%, n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas tenu compte de sa situation économique et se serait fondé sur des faits matériellement inexacts pour prendre sa décision.
10. En troisième lieu, il n'est pas établi, ni même allégué, que le projet d'agrandissement de MmeI..., qui est l'associée d'une exploitation dont les dimensions, les références de production et les droits à aides étaient suffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental, répondait spécifiquement à l'une des orientations définies par ce schéma ou par les dispositions citées au point 2 de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime. Les circonstances, invoquées par l'intéressée, qu'elle était installée avec M. K... depuis 10 ans environ alors que M. et Mme H...étaient installés depuis plus de 30 ans et que les terres en litiges appartenaient à ses parents sont, à cet égard, sans incidence. Dans ces conditions, et quand bien même la perte des terres en litige n'aurait pas nécessairement menacé la viabilité économique de l'EARLH..., le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime et des orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes-d'Armor en prenant en compte, ainsi qu'il l'a fait, les situations respectives du demandeur et du preneur en place ainsi que les conséquences préjudiciables du projet du premier sur la situation économique et sur les capacités d'épandage du second pour refuser l'autorisation d'exploiter demandée.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme I...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme I...le versement à M. H...d'une somme de 1 000 euros au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme I...est rejetée.
Article 2 : Mme I...versera à M. H...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M...I..., à M. B...H...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le président rapporteur
I. Perrot Le président assesseur
O. Coiffet
Le greffier
M. J...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01462