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02/04/2020 | FRANCE | N°19NT03060

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 avril 2020, 19NT03060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°1902277 du 11 juillet 2019 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 juillet 2019 et le 16 février 2020 M. C..., repr

ésenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2019 du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°1902277 du 11 juillet 2019 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 juillet 2019 et le 16 février 2020 M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 8 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte journalière de 150 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G... C..., ressortissant ivoirien, déclare être entré en France en juin 2015, alors qu'il était âgé de 15 ans. Ayant été pris en charge en tant que mineur isolé par les services de l'aide sociale à l'enfance du Finistère, il a déposé en avril 2018 une demande de titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. L'arrêté contesté vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de

Côte d'Ivoire du 21 septembre 1992 et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application. Il énonce les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. C..., en particulier sa date d'entrée en France, précise qu'il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance, indique que l'interrogation du système Visabio, à la suite du relevé de ses empreintes, a révélé qu'il avait sollicité un visa auprès des autorités consulaires françaises à Dakar sous l'identité de Marc Olivier Idriss C... et que les actes de naissance qu'il a produit ont fait l'objet d'un examen défavorable par les services de la police de l'air et des frontières. L'arrêté contesté précise également les différentes étapes du parcours scolaire de l'intéressé et relève que le requérant n'a pas de liens privés ou familiaux en France. Le préfet du Finistère, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé de manière suffisamment précise les circonstances de droit et de fait qui fondent son arrêté lequel est ainsi suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ( ) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit ( ) 2 bis à l'étranger dans l'année qui suit son 18ème anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (... ) ".

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays concerné peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé " Visabio ", qui sont présumées exactes. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont estimé, sur la seule base de l'identité des dates figurant sur les documents d'état-civil et son passeport établi en 2017, postérieurement à l'entrée en France de l'intéressé, que la réalité de la majorité de ce dernier était établie. Il ressort toutefois également des pièces du dossier, alors même qu'un passeport ne constitue pas un document d'état-civil, et que les documents d'état-civil produits par M. C... au soutien de sa demande de titre de séjour ont fait l'objet d'un examen technique par la direction zonale de la police aux frontières de l'Ouest qui a relevé une absence de légalisation des documents produits. De plus, d'autres documents d'état-civil également produits par

M. C... font apparaître que l'intéressé n'a pu obtenir un extrait d'acte de naissance qu'à la suite d'un jugement supplétif du 30 mai 2014, qui n'est d'ailleurs pas produit. Enfin, comme l'indique le préfet du Finistère dans son arrêté, la consultation du fichier " Visabio " a permis au préfet du Finistère de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que M. A... F... C..., de nationalité ivoirienne, est né, non pas le 19 mai 2000, ainsi qu'il le prétend, mais le 10 mai 1997. Dans ces conditions M. C..., doit être regardé, comme le soutenait le préfet en première instance, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'intéressé a finalement obtenu, en dépit de ses mauvais résultats scolaires en cours d'année, le diplôme d'études secondaires qu'il préparait, comme ne remplissant pas, du fait de son âge réel, les conditions posées par le 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en juin 2015, soit moins de quatre ans avant que n'interviennent les décisions litigieuses. S'il a pu pendant cette période poursuivre sa scolarité et obtenir les diplômes qu'il préparait, il était néanmoins, ainsi qu'en attestent les résultats de la consultation du fichier Visabio, majeur à la date de son entrée en France et a ainsi abusivement bénéficié du dispositif de prise en charge des mineurs isolés. Si l'intéressé soutient avoir développé en France un réseau d'attaches d'une intensité particulière, les différents témoignages qu'il produit émanent très majoritairement de joueurs et de cadres de son club de football et ne révèlent pas, en dehors du domaine sportif, une insertion particulière à la société française. S'il a ainsi bénéficié d'une convention lui ayant permis d'intégrer le centre de formation du Stade brestois pendant deux ans, il n'établit pas y disposer de perspectives professionnelles précises, pas plus qu'auprès des entreprises l'ayant accueilli en stage pendant ses différentes formations. Il n'apparaît pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, l'intéressé ayant indiqué que son voyage en France avait été financé par sa mère. Dans de telles conditions, le préfet ne peut être regardé, comme l'a jugé à juste titre le tribunal administratif, comme ayant, par ses décisions, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.

10. Il ressort de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à

M. C... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure,

- M. B..., premier conseiller,

-M. Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur

A. B...

La présidente

N. E...Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03060
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : KHIAT COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;19nt03060 ?
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