Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Doux SA et Mes Gorrias et Ellouet, commissaires à l'exécution du plan, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, les titres de recettes n° 2013000035 à 2013000061, n° 2013000063, n° 2013000064, et n° 2013000068 à 2013000074, émis par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) le 9 avril 2013, d'autre part, la décision par laquelle FranceAgriMer a implicitement rejeté le recours gracieux formé par la société Doux à l'encontre de ces titres de recettes et enfin, la décision de compensation notifiée par courrier du 16 avril 2013 en tant qu'elle concerne ces titres de recettes.
Par ailleurs, la société Doux SA et Mes Gorrias et Ellouet ont également demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, les titres de recettes n° 2013000065, n° 201300066 et n° 2013000067 émis par FranceAgriMer le 9 avril 2013, d'autre part, la décision par laquelle FranceAgriMer a implicitement rejeté le recours gracieux formé par la société Doux à l'encontre de ces titres de recettes et enfin, la même décision de compensation notifiée par courrier du 16 avril 2013 en tant qu'elle concerne ces titres de recettes.
Par un jugement n° 1303480, 1303625 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à ces demandes en annulant la décision de compensation notifiée par courrier du 16 avril 2013. Le tribunal administratif de Rennes a par ailleurs enjoint à FranceAgriMer de verser à la société Doux SA, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et sous réserve de changements dans les circonstances de fait ou de droit, la somme de 485 761,51 euros.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mai 2018 et 3 mars 2020 sous le n°18NT02014, la SCP Abitbol et Rousselet et la Selarl AJIRE en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Doux SA ainsi que la SAS David-Goic et la Selarl EP et Associés en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Doux SA, représentées par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2018 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à la demande de la société Doux SA et de Mes Gorrias et Ellouet ;
2°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les titres de recettes contestés faisaient peser sur la société Doux la charge d'une preuve impossible ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 118 du code communautaire des douanes ;
- en se prononçant sur la légalité de l'absence de disposition expresse prévoyant les modalités de révision des normes de teneur en eau, alors que le moyen soulevé devant lui portait sur l'absence de révision de ces normes, le tribunal administratif n'a pas respecté le périmètre du litige qui lui était soumis ;
- le tribunal a statué au-delà de ce dont il était saisi en se prononçant sur le point de savoir si le dépassement allégué de teneur en eau était imputable à la carence des autorités de contrôle alors que ce moyen n'avait pas été soulevé en première instance ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il a considéré que les titres de recettes contestés indiquaient avec suffisamment de détail les bases de la liquidation de la créance ;
- les titres de recettes contestés n'indiquent pas avec suffisamment de précision les bases de la liquidation ;
- les titres de recettes contestés sont illégaux en ce qu'ils font peser sur la société Doux la charge d'une preuve impossible à rapporter ;
- il ne saurait être exigé de la société Doux qu'elle produise les résultats de contrôles physiques démontrant que les poulets qu'elle a exportés respectent les normes obligatoires en vigueur dans les pays de destination alors qu'elle a suffisamment rapporté cette preuve par les pièces qu'elle a produites ; les titres de recettes contestés méconnaissent ainsi les dispositions du 4ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009, qui ne l'imposent pas ;
- les contrôles physiques réalisés par les services des douanes sur les exportations faisant l'objet des titres de recettes contestés sont entachés d'irrégularités ; la société Doux aurait dû être présente lors de l'analyse des échantillons prélevés, faute de quoi le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus ; l'analyse de la teneur en eau des poulets congelés aurait dû être réalisée uniquement par des laboratoires nationaux de référence en application du paragraphe 5 de l'article 16 du règlement n° 543/2008 ; la société Doux ne saurait assumer la charge de la preuve de ce que les échantillons analysés ne sont pas arrivés au laboratoire dans un état de congélation suffisant alors qu'elle n'était ni présente ni représentée lors des analyses effectuées sur ces échantillons ; s'agissant du titre de recettes n° 2013000067, la teneur en eau prétendument excessive est compensée par l'excédent de produit pour lequel la société Doux n'a pas perçu de restitution à l'exportation ; l'extrapolation effectuée par FranceAgriMer était erronée, ce que l'étude scientifique produite par la société Doux, qui conclut à l'absence de fiabilité des tests chimiques, suffit à démontrer ;
- elles sont fondées à invoquer le principe de confiance légitime, dès lors que la société Doux n'était pas en mesure de savoir, avant l'arrêt de la CJUE du 9 mars 2017, que la teneur en eau des poulets congelés déterminait le droit de percevoir des restitutions à l'exportation ;
- les premiers juges se sont bornés à un contrôle abstrait de la légalité des sanctions qui ont été infligées à la société Doux alors que ces sanctions sont manifestement disproportionnées ; le dispositif de sanction prévu par le règlement (CE) n° 612/2009 méconnaît l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 10 janvier et 29 avril 2020 FranceAgriMer, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés requérantes le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.
II.- Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juin 2018 et 28 février 2020 sous le n°18NT02263, l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2018 en tant qu'il a annulé la décision de compensation notifiée le 16 avril 2013 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision de compensation notifiée par courrier du 16 avril 2013 ;
3°) de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'existence d'un lien de connexité entre les créances réciproques en cause ne fait pas de doute ; en l'espèce, les créances réciproques dont il s'agit correspondent, d'une part, à des restitutions à l'exportation de poulets congelés dues par FranceAgriMer à la société Doux pour un montant de 922 042,98 euros et, d'autre part, à des restitutions indûment perçues pour d'autres exportations de poulets congelés par cette société ainsi qu'à des sanctions et intérêts compensatoires dus en complément de ces restitutions indûment perçues pour des montants totaux de 464 331,01 euros et 21 430,50 euros ;
- la compensation de ces montants découle de l'application du paragraphe 2 de l'article 49 du règlement (CE) n° 612/2009, du règlement (UE) n° 1306/2013 et de l'article 28 du règlement d'exécution (UE) n° 908/2014 ; elle s'inscrit dans un cadre de relations assimilables à des " relations d'affaires " qui lient FranceAgriMer et la société Doux ;
- en tout état de cause, si l'on devait considérer qu'il existe une contestation sérieuse quant à l'existence d'un lien de connexité, le tribunal administratif a outrepassé les limites de sa compétence, une telle contestation relevant de la compétence exclusive du juge judiciaire ; il appartiendrait alors à la cour de surseoir à statuer et de renvoyer au tribunal de commerce de Rennes la résolution de la difficulté posée par la contestation du lien de connexité entre les créances en cause ;
- la jurisprudence administrative ne limite pas la possibilité d'une compensation à la seule hypothèse d'un contrat entre les parties ; les principes régissant la mise en oeuvre de la compensation légale doivent être adaptés aux spécificités du droit public, au premier rang desquelles figure la nature particulière du lien régissant, comme en l'espèce, les rapports entre l'administration et les personnes, physiques ou morales, en relation avec elle, qui n'est pas contractuel mais de nature légale et réglementaire ;
- l'existence d'une procédure juridictionnelle concernant le bien-fondé des sommes mises à la charge de l'administré ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la compensation.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 30 novembre 2018 et 30 avril 2020 la SCP Abitbol et Rousselet et la Selarl AJIRE, agissant en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Doux SA, ainsi que la SAS David-Goic et la Selarl EP et Associés, agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Doux SA, représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que les moyens soulevés par FranceAgriMer ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 450/2008 (code communautaire des douanes) ;
- le règlement (CE) n° 543/2008 ;
- le règlement (CE) n° 612/2009 ;
- le code de commerce ;
- l'arrêt de la CJCE du 5 février 1987, Piange Kraftfutterwerke GmbH et Co., aff. 288/85 ;
- l'arrêt de la CJCE du 18 novembre 1987, Maizena GmbH et autres contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung, aff. 137/85 ;
- l'arrêt de la CJCE du 30 novembre 2000, HMIL Ltd, aff. C-436/98 ;
- l'arrêt de la CJCE du 11 juillet 2002 Käserei Champignon Hofmeister GmbH et Co.KG, aff. C-210/00 ;
- l'arrêt de la CJUE du 9 mars 2017, Doux SA, en redressement, contre Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), aff. C-141/15 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant la
SCP Abitbol et Rousselet et la Selarl AJIRE, administrateurs judiciaires de la société Doux SA et la SAS David-Goic et la Selarl EP et Associés, liquidateurs judiciaires de la société Doux SA, et les observations de Me C..., représentant FranceAgriMer.
Considérant ce qui suit :
1. Lors de contrôles opérés par les douanes françaises entre le 25 octobre 2010 et le 22 mars 2013 sur des lots de poulets congelés exportés par la société Doux à destination de l'Arabie Saoudite, de la Géorgie, du Yémen, de la Jordanie et des Émirats Arabes Unis, il est apparu que les produits mentionnés dans 39 déclarations d'exportation dépassaient les valeurs limites de teneur en eau fixées par les normes de commercialisation en vigueur au sein de l'Union européenne. l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), chargé de la gestion au niveau nationale des restitutions à l'exportation prévues par le règlement (CE) n° 612/2009 du 7 juillet 2009 portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, en a tiré pour conséquence que les poulets congelés relevant de ces déclarations n'étaient pas de qualité saine, loyale et marchande au sens des dispositions du paragraphe 1 de l'article 28 de ce règlement. Estimant que la société Doux ne justifiait par ailleurs pas de ce que ces poulets congelés auraient néanmoins été conformes à une norme obligatoire du pays tiers de destination ne correspondant pas aux normes et usages en vigueur dans l'Union européenne et ne pouvait dès lors se prévaloir de la dérogation prévue au 4ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 28 du même règlement, l'établissement a remis en cause les droits à restitution afférents à ces exportations et a demandé à la société Doux le remboursement des restitutions indûment perçues, assorti d'une majoration et d'une pénalité. Par un courrier du 12 avril 2013, FranceAgriMer a donc notifié à la société Doux 39 titres de recettes datés du 9 avril 2013. L'établissement a par ailleurs procédé, pour partie, au recouvrement des sommes en cause par voie de compensation avec des montants de restitutions dus par lui à cette société au titre d'autres déclarations d'exportation, compensation dont la société a été informée par un courrier du 16 avril 2013.
2. Après avoir formé des recours gracieux, implicitement rejeté par FranceAgriMer, la société Doux et Mes Gorrias et Ellouet, commissaires à l'exécution du plan désignés après que la société a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 1er juin 2012 du tribunal de commerce de Rennes, ont contesté ces titres de recettes devant le tribunal administratif de Rennes dans le cadre de deux recours dont le premier, enregistré sous le n° 1303480, était dirigé contre 36 titres de recettes (n°s 2013000035 à 2013000061, 2013000063, 2013000064 et 2013000068 à 2013000074) pour un montant total de 464 331,01 euros dont 290 206,85 euros de droits, 29 020,74 euros au titre de la majoration de 10% prévue à l'article 32 du règlement (CE) n°612/2009 et 145 103,43 euros au titre de la pénalité de 50% prévue au a) du paragraphe 1 et au paragraphe 5 de l'article 48 du même règlement. Le second recours, enregistré sous le n° 1303625, était dirigé contre 3 titres de recettes (n°s 2013000065 à 2013000067), pour des montants respectifs de 4 095 euros (correspondant à la pénalité de 50% prévue au a) du paragraphe 1 et au paragraphe 5 de l'article 48 du règlement (CE) n° 612/2009 au titre de 25 200 kg de viande de volaille relevant de la déclaration d'exportation du 18 avril 2011), 4 231,50 euros (correspondant à une pénalité de même nature) au titre de 26 040 kg de viande de volaille relevant de la déclaration d'exportation du 4 novembre 2011, 13 104 euros (dont 8 190 euros de droits, 819 euros au titre de la majoration de 10% prévue à l'article 32 du règlement (CE) n°612/2009 et 4 095 euros pour la même pénalité de 50% au titre de 25 200 kg de viande de volaille relevant de la déclaration d'exportation du 9 novembre 2010. Ces deux recours comportaient également des conclusions à fin " d'annulation " de la décision de compensation notifiée par courrier du 16 avril 2013. Par un jugement n° 1303480, 1303625 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de compensation notifiée par un courrier du 16 avril 2013 et rejeté les conclusions de la société dirigées contre les 39 titres de recettes.
3. Par une requête n° 18NT02014 la SCP Abitbol et Rousselet et la Selarl AJIRE, agissant en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Doux SA, et la SAS David-Goic et la Selarl EP et Associés, agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Doux SA, relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à la demande de la société Doux SA et de Mes Gorrias et Ellouet. Par une requête n° 18NT02263, FranceAgriMer relève appel du même jugement en tant qu'il a annulé la décision de compensation notifiée par courrier du 16 avril 2013. Il y a lieu de joindre les deux instances.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, si les requérantes soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la société Doux a été mise dans l'impossibilité de produire la preuve à posteriori de la conformité des marchandises aux valeurs limites de teneur en eau auxquelles est subordonné le droit à restitution, il ressort toutefois des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a répondu au moyen tel qu'il était soulevé en première instance. Dans ces conditions, le jugement n'est pas entaché d'une omission à répondre à un moyen à ce premier titre.
5. En deuxième lieu, dès lors que le tribunal, après l'avoir examiné, a écarté le moyen tiré de que les demandeurs ne pouvaient sérieusement attribuer le dépassement de la teneur en eau à une carence des autorités de contrôle, la circonstance que ce moyen n'aurait en réalité pas été soulevé est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
6. En troisième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué qu'en relevant, en son point 24, que la société Doux était notamment représentée par des salariés de la société Faudever lors des prélèvements d'échantillons des lots en litige, et que la circonstance que ces représentants n'étaient pas employés par la société Doux n'impliquait pas qu'ils n'étaient pas habilités à la représenter, les premiers juges ont nécessairement répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 118 du code des douanes communautaires. Ces dispositions ne prévoyant pas que le transport des échantillons prélevés vers les laboratoires devrait être assuré par l'exportateur, la seconde branche du moyen invoqué était, en outre, inopérante et pouvait dès lors être écartée par prétérition. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'une omission à répondre sur un moyen à ce second titre.
7. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que les premiers juges se sont prononcés, aux points 9 et 11 du jugement attaqué, sur le moyen tiré de ce que les plafonds de teneur en eau fixés par le règlement (CE) n° 543/2008 n'auraient pas été révisés et seraient inadaptés et de l'absence, dans ce règlement, de dispositions expresses relatives aux modalités de révision de la teneur en eau des poulets. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait répondu à un autre moyen que celui qui était invoqué doit être écarté.
8. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le tribunal administratif de Rennes a écarté avec une motivation suffisante le moyen tiré de ce que les bases de la liquidation des créances n'auraient pas été indiquées de manière suffisante dans les titres de recettes contestés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les titres de recettes :
Quant à la motivation de ces titres :
9. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ". Tout état exécutoire doit ainsi indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
10. Il résulte de l'instruction que les titres contestés comportent tous une référence faisant renvoi à deux courriers des 22 février et 9 avril 2013 précédemment adressés à la société Doux. Ces deux courriers comportent eux-mêmes un tableau reprenant les références mentionnées dans les titres de recettes en y faisant correspondre, notamment, le numéro de déclaration correspondant, la date des contrôles effectués, les références du bureau de contrôle, le n° de certificat d'exportation, le taux de préfixation, la quantité de volailles exportées, les montants des restitutions à l'exportation réclamés et le détail des sanctions encourues. Ils précisent en outre les dispositions des règlements (CE) n° 543/2008 et (CE) n° 612/2009 sur lesquelles ils se fondent, en détaillant les formules de calcul utilisées. Eu égard au caractère suffisamment détaillé de ces décomptes et au renvoi explicite des titres de recettes aux courriers contenant ces informations, la société Doux disposait de l'ensemble des informations requises par les dispositions précitées de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu'être écarté.
Quant au bien-fondé de la créance :
a) L'application du 4ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009 :
11. Les requérantes soutiennent que FranceAgriMer a fait une inexacte appréciation des pièces produites par la société Doux, qui suffisaient à établir que les poulets exportés respectaient les normes obligatoires en vigueur dans les pays de destination et que ne saurait être exigée à ce titre la production de résultats de contrôles physiques, condition non prévue au 4ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009. Ils font également valoir que l'absence de réglementation relative à la teneur en eau dans le pays de destination suffit à démontrer que la réglementation de cet Etat déroge à celle en vigueur au sein de l'Union européenne.
12. D'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE)
n° 612/2009 : " Aucune restitution n'est octroyée lorsque les produits ne sont pas de qualité saine, loyale et marchande le jour d'acceptation de la déclaration d'exportation. / Les produits satisfont à l'exigence du premier alinéa lorsqu'ils peuvent être commercialisés sur le territoire de la Communauté dans des conditions normales et sous la désignation apparaissant sur la demande d'octroi de la restitution et que, lorsque ces produits sont destinés à la consommation humaine, leur utilisation à cette fin n'est pas exclue ou considérablement diminuée en raison de leurs caractéristiques ou de leur état. / La conformité des produits aux exigences visées au premier alinéa doit être examinée conformément aux normes ou aux usages en vigueur au sein de la Communauté. / Toutefois, la restitution est également octroyée lorsque, dans le pays de destination, les produits exportés sont soumis à des conditions particulières obligatoires, notamment sanitaires ou hygiéniques, qui ne correspondent pas aux normes ou aux usages en vigueur au sein de la Communauté. Il appartient à l'exportateur de démontrer, sur demande de l'autorité compétente, que les produits sont conformes auxdites conditions obligatoires dans le pays tiers de destination. (...) ".
13. D'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 15 du règlement (CE)
n° 543/2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille : " Sans préjudice des dispositions de l'article 16, paragraphe 5, et de l'article 17, paragraphe 3, les poulets congelés et surgelés, lorsqu'ils sont l'objet d'un commerce ou d'une profession ne peuvent être commercialisés à l'intérieur de la Communauté que si la teneur en eau ne dépasse pas les valeurs techniques inévitables constatées selon la méthode d'analyse décrite à l'annexe VI (test d'égouttage) ou celle de l'annexe VII (test chimique) ".
14. Par un arrêt du 9 mars 2017, Doux SA, en redressement, contre Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) (C-141/15), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), statuant sur un renvoi préjudiciel adressé par le tribunal administratif de Rennes, a dit pour droit que l'exigence de qualité " saine, loyale et marchande " posée par l'alinéa 1er du règlement (CE) n° 612/2009 doit être interprétée en ce sens que les poulets congelés dont la teneur en eau dépasse les limites fixées par le règlement (CE) n° 543/2008 ne sont pas commercialisables dans des conditions normales sur le territoire de l'Union européenne et ne satisfont donc pas à l'exigence de qualité saine, loyale et marchande.
15. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009 et du paragraphe 1 de l'article 15 du règlement (CE) n° 543/2008, telles qu'interprétées par la CJUE, que la dérogation prévue au 4ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009 ne permet à un exportateur de déroger à la condition de qualité saine, loyale et marchande à laquelle le 1er alinéa du même paragraphe 1 subordonne le bénéfice de restitutions à l'exportation que lorsque, dans le pays de destination, des conditions particulières obligatoires, notamment sanitaires, ne correspondant pas aux normes ou aux usages en vigueur au sein de l'Union européenne, sont de nature à faire obstacle à l'exportation de produits qui respecteraient la condition européenne de qualité saine, loyale et marchande qui, s'agissant de poulets congelés, suppose que soient respectées les valeurs limites de teneur en eau définies au paragraphe 1 de l'article 15 du règlement (CE) n° 543/2008.
16. Par suite, pour démontrer que les exportations litigieuses entraient dans le champ de la dérogation prévue au 4ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009, il appartenait à la société Doux SA d'apporter la preuve que la réglementation en vigueur dans les pays à destination desquels elle exporte ses poulets comportait des conditions particulières obligatoires, notamment sanitaires ou hygiéniques, l'empêchant de respecter la condition de qualité saine, loyale et marchande qui, s'agissant de poulets congelés, suppose que soient respectées les valeurs limites de teneur en eau définies au paragraphe 1 de l'article 15 du règlement (CE) n° 543/2008. Or, en se bornant à produire des attestations aux termes desquelles les poulets litigieux ont été estimés " de qualité suffisante " en Arabie saoudite et en Russie, la société Doux SA n'apporte pas une telle preuve. Au contraire, la circonstance que la réglementation des pays à destination desquels la société exporte des poulets congelés ne comporte pas d'exigences particulières quant à la teneur en eau de ces produits démontre qu'il n'existait pas d'obstacle à ce que celle-ci respecte la condition de qualité saine, loyale et marchande au sens des dispositions européennes à laquelle est subordonné le droit à restitution dont elle entend bénéficier. Par suite, c'est sans entacher sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation que FranceAgriMer a estimé que la société Doux SA ne pouvait conserver ses droits à restitution pour ce motif.
b) La régularité des contrôles physiques réalisés
17. Aux termes de l'article 118 du code des douanes communautaire, alors en vigueur : " 1. Le transport des marchandises aux lieux où il doit être procédé à leur examen ainsi que, le cas échéant, au prélèvement d'échantillons, et toutes les manipulations nécessitées pour permettre cet examen ou ce prélèvement sont effectuées par le déclarant ou sous sa responsabilité. Les frais qui en résultent sont à la charge du déclarant. / 2. Le déclarant a le droit d'assister ou d'être représenté à l'examen des marchandises ou au prélèvement d'échantillons. Lorsque les autorités douanières ont des motifs raisonnables de le faire, elles peuvent exiger du déclarant qu'il assiste à cet examen ou à ce prélèvement ou qu'il s'y fasse représenter, ou qu'il leur fournisse l'assistance nécessaire pour faciliter ledit examen ou prélèvement d'échantillons. (...) ". Aux termes de son article 119 : " 1. Lorsque l'examen ne porte que sur une partie des marchandises couvertes par une déclaration en douane ou qu'il est procédé par échantillonnage, les résultats de cet examen partiel ou de l'analyse ou du contrôle des échantillons sont valables pour l'ensemble des marchandises couvertes par la même déclaration. / Toutefois, le déclarant peut demander un examen ou un échantillonnage supplémentaire des marchandises lorsqu'il estime que les résultats de l'examen partiel ou de l'analyse ou du contrôle des échantillons prélevés ne sont pas valables pour le reste des marchandises déclarées. La demande est acceptée à condition que les marchandises n'aient pas fait l'objet d'une mainlevée ou, si celle-ci a été octroyée, que le déclarant démontre qu'elles n'ont pas été altérées de quelque manière que ce soit. ".
18. En premier lieu, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt précité du 9 mars 2017, l'exportateur de poulets congelés ou surgelés peut, conformément à l'article 118, paragraphe 2, et à l'article 119, paragraphe 1, deuxième alinéa, du code des douanes, d'une part, assister personnellement ou en étant représenté à l'examen des marchandises ou au prélèvement d'échantillons et, d'autre part, demander un examen ou un échantillonnage supplémentaire de ces marchandises s'il estime que les résultats obtenus ne sont pas valables. En revanche, aucune disposition ne prévoit la possibilité pour lui d'assister à l'analyse en laboratoire des échantillons ainsi prélevés. Le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu au motif que les représentants de la société Doux n'ont pu assister aux analyses des échantillons ne peut donc qu'être écarté.
19. En deuxième lieu, il résulte de l'annexe XII au règlement (CE) n° 543/2008 que les laboratoires nationaux de référence visés à l'annexe XI sont chargés de coordonner les activités des laboratoires nationaux qui ont pour mission d'effectuer les analyses de la teneur en eau dans la viande de volaille, d'assister l'autorité compétente de l'État membre pour l'organisation du système de contrôle de la teneur en eau dans la viande de volaille, de participer à des essais comparatifs entre les différents laboratoires nationaux, d'assurer la diffusion des informations fournies par le comité d'experts auprès de l'autorité compétente de l'État membre et des laboratoires nationaux, de collaborer avec le comité d'experts et, s'ils sont désignés pour faire partie du comité d'experts, de préparer les échantillons nécessaires aux essais, y compris les essais d'homogénéité, et de veiller à leur expédition en bonne et due forme. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, aucune disposition de ce règlement ou d'un autre règlement de l'Union européenne ne réserve l'analyse de la teneur en eau de la viande de volaille aux seuls laboratoires nationaux de référence.
20. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des mentions portées dans les rapports d'essais du laboratoire où ont été expertisés les échantillons des carcasses de poulet prélevés, que ceux-ci sont arrivés sur place congelés. En se bornant à affirmer, en se fondant sur des considérations d'ordre général, que les échantillons n'ont pas pu être maintenus en état de congélation dans des caisses remplies de carboglace entre le moment du prélèvement et celui de la réalisation des analyses, les requérantes n'apportent pas d'éléments de nature à remettre en cause les constatations faites par le laboratoire de Montpellier.
c) La preuve de l'existence d'une " qualité saine, loyale et marchande " des produits :
21. En premier lieu, dans son arrêt précité C-141/15 du 9 mars 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que dans la mesure où l'exportateur, en introduisant une demande de restitution, doit être regardé comme assurant l'existence d'une " qualité saine, loyale et marchande ", il incombe à celui-ci de démontrer selon les règles de preuve du droit national que cette condition est bien remplie au cas où la déclaration serait mise en doute par les autorités nationales. Par ailleurs, ainsi que l'a jugé la Cour dans son arrêt du 30 novembre 2000 HMIL Ltd (C-436/98), les autorités compétentes des Etats membres peuvent, pour assurer le respect des dispositions d'un règlement de l'Union européenne instituant un régime d'aides en matière agricole, procéder à des contrôles par sondages et à une extrapolation appropriée des résultats de ces contrôles, en conformité avec la loi des probabilités. Il appartient aux juridictions compétentes des Etats membres, lorsqu'elles sont saisies d'un litige sur ce point, de vérifier en l'espèce, d'une part, si les contrôles étaient suffisants et fiables et, d'autre part, si la méthode d'extrapolation était fondée.
22. Il résulte de ce qui précède que FranceAgriMer est en principe fondé, lorsqu'un contrôle douanier, réalisé sur le fondement des articles 118 et 119 et conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 543/2008 et de ses annexes, a révélé la non-conformité de la teneur en eau d'un échantillon de volaille prélevé sur un lot, à remettre en cause le droit à restitution revendiqué par l'exportateur concerné au titre de ce lot. Toutefois, l'extrapolation des résultats d'un contrôle sur un échantillon à l'ensemble du lot doit être jugée irrégulière si l'exportateur apporte tous éléments de nature à établir que les résultats des analyses effectuées sur un échantillon prélevé sur le lot ne pouvaient être appliqués à l'ensemble du lot et si l'établissement n'apporte pas, aux éléments ainsi fournis par l'exportateur, une réponse suffisante, permettant de justifier du bien-fondé de sa méthode.
23. Pour soutenir que le test chimique prévu à l'annexe VII du règlement (CE) n° 543/2008 pour déterminer la teneur totale en eau des poulets ne serait pas fiable, la société Doux ne peut pas utilement se fonder sur deux rapports émanant d'instituts étrangers qui ne portent pas sur le même objet. D'une part, les requérantes, qui ainsi qu'il est dit aux points 17 à 20 du présent arrêt n'établissent pas que les contrôles physiques litigieux seraient entachés d'irrégularités, ne remettent pas sérieusement en cause le caractère suffisant et fiable de ces contrôles. D'autre part, si les requérantes produisent à l'instance une étude statistique établissant que, sur onze contrôles effectués par l'administration entre le 16 mai 2014 et le 7 décembre 2016, il n'est pas possible, pour quatre d'entre eux, d'extrapoler à l'ensemble du lot concerné les résultats obtenus à partir des échantillons prélevés, elles n'apportent pas de précisions suffisantes permettant de démontrer que l'extrapolation, distincte, des résultats obtenus dans le cadre des contrôles effectués par les services des douanes sur les poulets congelés faisant l'objet des déclarations d'exportation en cause dans le présent litige serait erronée.
24. En second lieu, aux termes de l'article 16 du règlement (CE) n° 543/2008 : " (...)
2. Dans tous les cas visés au paragraphe 1, deuxième alinéa, et, en tout cas, au moins une fois tous les deux mois, les vérifications de la teneur en eau des poulets congelés et surgelés visée à l'article 15, paragraphe 1, sont effectuées par sondage, pour chaque abattoir, conformément aux indications figurant aux annexes VI ou VII, au choix des autorités compétentes de l'État membre. Ces contrôles ne doivent pas être effectués en ce qui concerne les carcasses pour lesquelles la preuve est apportée, à la satisfaction de l'autorité compétente, qu'elles sont destinées exclusivement à l'exportation. (...) ". Si ces dispositions excluent du champ des contrôles effectués par les autorités compétentes les carcasses destinées exclusivement à l'exportation, elles n'ont pas pour objet ni pour effet de dispenser le producteur, dès lors qu'il entend prétendre au bénéfice des restitutions à l'exportation, de se réserver par tous moyens les preuves que ses produits, même non contrôlés par les autorités nationales, répondent à la condition de qualité saine, loyale et marchande. Par suite, la société Doux, à laquelle il incombait de sa propre initiative d'effectuer des prélèvements aux fins de contrôle sur les carcasses destinées à l'exportation, n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne disposait d'aucun moyen pour établir qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'un droit à restitution.
25. Enfin, les requérantes soutiennent que les contrôles physiques réalisés par les services des douanes s'agissant plus spécialement du titre de recettes n° 2013000067 sont irréguliers en ce que la teneur en eau prétendument excessive est compensée par l'excédent de produit pour lequel la société Doux SA n'a pas perçu de restitution à l'exportation. Toutefois, la circonstance que la quantité de produit effectivement exportée serait supérieure à celle sur la base de laquelle a été calculé le montant de la restitution demandée est sans incidence dès lors que les produits en cause, parce qu'ils dépassent la valeur limite de teneur en eau admissible, n'ouvrent pas droit, par principe, à restitution en application de la combinaison des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009 et du paragraphe 1 de l'article 15 du règlement (CE) n° 543/2008. Les requérantes ne sauraient davantage utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 48 du règlement (CE) n° 612/2009 qui prévoit la sanction applicable lorsqu'un exportateur a demandé une restitution supérieure à la restitution applicable, dès lors qu'à défaut de respect des règles de teneur maximale en eau, aucun droit à restitution ne pouvait être reconnu à la société Doux SA.
d) Le principe de confiance légitime
26. Le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, peut être invoqué par tout opérateur économique de bonne foi auprès duquel une autorité nationale a fait naître, à l'occasion de la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne, des espérances fondées, y compris, sous réserve que cela ne porte pas une atteinte excessive à un intérêt public ou au principe de légalité, dans le cas où elle l'a fait bénéficier d'un avantage indu mais que l'opérateur pouvait néanmoins, eu égard à la nature de cet avantage, aux conditions dans lesquelles il a été attribué et au comportement de l'administration postérieurement à cette attribution, légitimement regarder comme lui étant définitivement acquis. Toutefois, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est finalement adoptée.
27. Les requérantes soutiennent que le principe de confiance légitime a été méconnu dans la mesure où la société Doux pouvait légitimement estimer que les restitutions lui étaient acquises, dès lors qu'elle n'était pas en mesure de savoir dès le 26 octobre 2010 que la teneur en eau des poulets congelés déterminait le droit de percevoir des restitutions à l'exportation, ce qu'elle n'a appris qu'à l'occasion de l'arrêt de la CJUE du 9 mars 2017. Elles se prévalent à ce titre de l'absence totale de contrôle de la teneur en eau et du versement des restitutions à l'exportation pendant plusieurs dizaines d'années, alors pourtant qu'il incombe aux autorités compétentes de réaliser des contrôles des produits exportés lorsqu'elles nourrissent des doutes sur leur qualité saine, loyale et marchande. Elles invoquent également le fait que l'interprétation des dispositions des règlement (CE) n°543/2008 et (CE) n° 612/2009 n'était pas claire, comme en témoignent la procédure préjudicielle devant la CJUE et la circonstance que la France a, dans un premier temps, adopté la même position que la Société Doux s'agissant de la notion de qualité saine, loyale et marchande des poulets congelés destinés à l'exportation.
28. Dans son arrêt précité C-141/15 du 9 mars 2017, la CJUE a toutefois jugé que dans la mesure où l'exportateur, en introduisant une demande de restitution, doit être regardé comme assurant l'existence d'une " qualité saine, loyale et marchande ", il incombe à celui-ci de démontrer selon les règles de preuve du droit national que cette condition est bien remplie au cas où la déclaration serait mise en doute par les autorités nationales. Il résulte par ailleurs des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 16 du règlement (CE) n° 543/2008 que les autorités nationales ne sont pas tenues de procéder à des contrôles systématiques du respect de la teneur en eau des volailles destinées à l'exportation, de sorte que la société Doux SA, qui ne s'était pas mise elle-même en mesure de vérifier que les produits qu'elle destinait à l'exportation respectaient les normes européennes en la matière, ne pouvait tirer de la seule absence de contrôles la conclusion que ses produits remplissaient la condition de qualité saine, loyale et marchande à laquelle est subordonné le droit à restitution. Dès lors, et alors que les requérantes n'établissent pas ni même n'allèguent que l'administration aurait laissé entendre à la société Doux SA que le bénéfice de restitutions à l'exportation était acquis en dépit du non-respect des valeurs-limites de teneur en eau des produits que cette dernière destinait à l'exportation, elles ne sont pas fondées à soutenir que l'administration aurait, par son comportement, fait naître à l'occasion de la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne des espérances fondées quant à l'existence d'un droit à restitution. Par suite, les titres de recettes contestés n'ont pas méconnu le principe de confiance légitime.
Quant à l'ampleur des sanctions :
29. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".
30. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 32 du règlement (CE) n° 612/2009 : " Lorsque le montant avancé est supérieur au montant effectivement dû pour l'exportation en cause ou pour une exportation équivalente, l'autorité compétente engage sans tarder la procédure de l'article 29 du règlement (CEE) no 2220/85 en vue du paiement par l'exportateur de la différence entre ces deux montants, augmentée de 10 %. / Toutefois, la majoration de 10 % n'est pas recouvrée lorsque, par suite d'un cas de force majeure : / - les preuves prévues par le présent règlement pour bénéficier de la restitution ne peuvent être apportées, ou / - le produit atteint une destination autre que celle pour laquelle l'avance a été calculée. ". Ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans les arrêts du 18 novembre 1987, Maizena GmbH et autres contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung (137/85) et du 5 février 1987, Piange Kraftfutterwerke GmbH et Co. (288/85), une telle majoration de 10 %, eu égard à son objectif qui est d'éviter que les exportateurs qui se voient accorder un préfinancement par le biais d'une avance sur restitution à l'exportation, ne bénéficient indument d'un crédit à titre gratuit s'il s'avérait ultérieurement qu'il n'y avait pas lieu d'accorder la restitution demandée, ne saurait être regardée comme disproportionnée, alors que, de surcroît, la majoration n'est pas recouvrée lorsque, par suite d'un cas de force majeure, les preuves prévues pour bénéficier de la restitution ne peuvent être apportées ou que le produit atteint une destination autre que celle pour laquelle l'avance a été calculée. Par suite, les moyens soulevés par voie d'exception et tirés de l'illégalité du dispositif de sanction institué par les dispositions du paragraphe 1 de l'article 32 du règlement (CE) n° 612/2009 au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, du principe d'individualisation des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doivent être écartés.
31. En deuxième lieu, aux termes de l'article 48 du règlement (CE) n° 612/2009 : " 1. Lorsqu'il est constaté que, en vue de l'octroi d'une restitution à l'exportation, un exportateur a demandé une restitution supérieure à la restitution applicable, la restitution due pour l'exportation en question est la restitution applicable à l'exportation effectivement réalisée, diminuée d'un montant correspondant : / a) à la moitié de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable à l'exportation effectivement réalisée ; / b) au double de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable si l'exportateur a fourni intentionnellement des données fausses. / (...) 4. La sanction prévue au paragraphe 1, point a), n'est pas applicable : / a) en cas de force majeure ; / b) dans les cas exceptionnels où l'exportateur constate que le montant de la restitution demandée est trop élevé et qu'il en informe de sa propre initiative, immédiatement et par écrit, les autorités compétentes, à moins que celles-ci n'aient notifié à l'exportateur leur intention d'examiner sa demande ou que l'exportateur n'ait eu connaissance de cette intention par ailleurs ou que les autorités compétentes aient déjà constaté l'irrégularité de la restitution demandée ; / c) en cas d'erreur manifeste quant à la restitution demandée, reconnue par l'autorité compétente ; / d) dans les cas où la demande de restitution est conforme au règlement (CE) n° 1043/2005, et notamment à son article 10 et est calculée sur la base des quantités moyennes utilisées sur une période donnée ; / e) en cas d'ajustement du poids, pour autant que la différence de poids soit due à une méthode de pesage différente. (...) ".
32. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de la Communauté européenne dans l'arrêt du 11 juillet 2002 Käserei Champignon Hofmeister GmbH et Co.KG (C-210/00) au sujet de l'article 11 du règlement (CE) n° 3665/87, dont les termes sont repris au paragraphe 1 de l'article 48 du règlement (CE) n° 612/2009, il ressort des dispositions précitées que la pénalité prévue par ces dispositions, qui a pour objet de sanctionner une demande de restitution à l'exportation supérieure à la restitution effectivement due, est proportionnelle à la différence entre la restitution réclamée et la restitution due et modulée de la moitié au double de la différence entre ces deux termes suivant que l'exportateur a, ou non, fourni intentionnellement des données fausses. Les dispositions du paragraphe 4 de ce même article 48 prévoient par ailleurs un certain nombre d'hypothèses dans lesquelles la sanction n'est pas applicable. Dans ces conditions, le juge, en statuant sur le bien-fondé, en leur principe comme en leur montant, des actions en recouvrement de restitutions regardées comme indues par l'établissement, est mis en mesure d'exercer un contrôle sur la proportionnalité des sanctions infligées ainsi que sur l'appréciation du comportement de l'exportateur à laquelle a procédé l'autorité administrative. Par suite, les moyens soulevés par voie d'exception et tirés de l'illégalité du dispositif de sanction institué par les dispositions du paragraphe 1 de l'article 48 du règlement (CE) n° 612/2009 au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen doivent être écartés.
33. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 30 et 32 du présent arrêt, les sanctions infligées à la société Doux SA, dont le montant est proportionnel à la différence entre la restitution réclamée et la restitution due, et résulte de surcroît de l'application du taux prévu lorsqu'aucune intention frauduleuse n'est reprochée à l'exportateur, ne sont pas en
elles-mêmes disproportionnées et ne méconnaissent ni les dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ni les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
34. Il résulte de ce qui précède que, par leur requête n°18NT02014, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de la société Doux SA et de Mes Gorrias et Ellouet tendant à l'annulation des titres de recettes litigieux ainsi que des décisions implicites de rejet des recours gracieux présentés pour contester ces titres de recettes.
En ce qui concerne la régularité de la compensation opérée par FranceAgriMer :
35. Aux termes de l'article L. 622-7 du code du commerce, relatif à la procédure de liquidation judiciaire et applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-14 du même code : " I. Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture (...) ".
36. Il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire, compétente pour trancher les litiges relatifs au déroulement de la procédure de redressement judiciaire, de se prononcer sur l'existence d'une connexité entre une créance née antérieurement au jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et une créance née postérieurement à ce jugement. Il en va ainsi même si les créances dont il s'agit sont de nature administrative et que leur contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative.
37. La contestation par les requérantes de la régularité de la compensation opérée par FranceAgriMer entre les restitutions à l'exportation indûment perçues par la société Doux SA avant le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire du 1er juin 2012 et des créances résultant de restitutions à l'exportation ultérieurement dues à cette société par l'établissement, compensation dont ils ont été informés par un courrier du 16 avril 2013, constitue un litige distinct de la critique de la légalité des titres de recettes énoncés plus hauts et présente le caractère d'une contestation sérieuse. Il suit de là qu'il n'appartenait qu'à la juridiction judiciaire de connaître de ce litige portant sur l'existence éventuelle d'une connexité entre des créances réciproques. C'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Rennes, saisi des conclusions tendant à l'annulation de la décision de compensation notifiée par courrier du
16 avril 2013, ne les a pas rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
38. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a annulé la " décision " de compensation notifiée par courrier du 16 avril 2013 et a enjoint à FranceAgriMer de verser à la société Doux SA la somme de 485 761,51 euros et, d'autre part, que la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes à cette fin doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les frais de l'instance :
39. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n°18NT02014 de la SCP Abitbol et Rousselet, de la Selarl AJIRE, de la SAS David-Goic et de la Selarl EP et Associés est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 1303480, 1303625 du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2018 est annulé en tant qu'il a annulé la décision de compensation notifiée par un courrier du 16 avril 2013 et a enjoint à FranceAgriMer de verser à la société Doux SA la somme de 485 761,51 euros.
Article 3 : La demande tendant à l'invalidation de la compensation annoncée par un courrier du 16 avril 2013 présentée devant le tribunal administratif de Rennes par la société Doux SA et Mes Gorrias et Ellouet est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 4 : Les conclusions présentées dans le cadre des instances n° 18NT02014 et 18NT02263 par chacune des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Abitbol et Rousselet, à la Selarl AJIRE, à la SAS David-Goic, à la Selarl EP et Associés et à FranceAgriMer.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme E..., présidente-assesseure,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur
M. D...Le président
I. Perrot Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT02014,18NT02263