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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT04215

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT04215


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1902780 du 16 octobre 2019 le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 octobre 2019, 14 janvier 2020 et

20 février

2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1902780 du 16 octobre 2019 le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 octobre 2019, 14 janvier 2020 et

20 février 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif d'Orléans du 16 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- l'intimé entrait dans le champ d'application du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le premier juge s'est fondé à tort sur l'existence d'une demande de réexamen de la demande d'asile de l'intéressé à la date de l'arrêté contesté pour annuler cet arrêté ;

- la somme mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 par le premier juge est disproportionnée, eu égard notamment à l'absence de justification des frais engagés par l'intéressé.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2020 M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle et conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il fait valoir que :

- dès lors qu'il avait manifesté la volonté de présenter une demande de réexamen de sa demande d'asile, le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français et aurait dû se prononcer sur son admission au séjour ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance du principe de non refoulement protégé par l'article 33-1 de la convention de Genève ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement n° 1902780 du 16 octobre 2019 par lequel le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 juillet 2019 obligeant M. C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de l'intimé :

2. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2019. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le premier juge :

3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". L'article L. 743-2 du même code énumère les cas dans lesquels le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. Aux termes de l'article R. 723-15 de ce code : " Lorsque dans les cas et conditions prévues à l'article L. 723-15, la personne intéressée entend présenter une demande de réexamen, elle doit procéder à une nouvelle demande d'enregistrement auprès du préfet compétent (...) ". L'article R. 741-2 du même code dispose : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente (...) ".

4. Il résulte de l'application combinée de ces dispositions, pour l'application desquelles une demande de réexamen est regardée comme une demande d'asile, que, sous réserve du cas de demandes présentées par l'étranger en rétention ou des cas de refus d'attestation de demande d'asile respectivement prévus aux articles L. 556-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de réexamen ouvre droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce qu'il y soit statué. Ces dispositions font ainsi obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière à l'encontre du demandeur d'asile qui bénéficie de ce droit au maintien sur le territoire. Si ce droit est conditionné par l'introduction de la demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'intéressé peut y prétendre dès qu'il a manifesté auprès de l'autorité administrative son intention de solliciter un réexamen, l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 du même code ne lui étant délivrée qu'en conséquence de cette demande.

5. M. C..., ressortissant géorgien, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 26 octobre 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 26 mars 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Pour annuler l'arrêté contesté du 20 juillet 2019 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, devant être regardé comme ayant présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile au cours de son audition préalable à l'édiction de cet arrêté, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement, dès lors qu'il n'entrait par ailleurs dans aucun des cas prévus par les dispositions des 4° et 5° de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort en effet des pièces du dossier que M. C... a déclaré, lors de son audition du 20 juillet 2019 par les services de police, qu'il revenait d'un rendez-vous avec un avocat chargé de son dossier administratif, que sa demande d'asile avait été rejetée et qu'il avait rendez-vous le 29 juillet suivant auprès de la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile de Tours afin d'y présenter une nouvelle demande d'asile. Si le préfet d'Ille-et-Vilaine soutient que la réalité du rendez-vous du 29 juillet 2019 allégué par l'intéressé n'est pas établie et fait valoir qu'aucune demande de réexamen n'était enregistrée à la date d'édiction de l'arrêté litigieux, il ne conteste pas sérieusement le fait que M. C... avait explicitement manifesté, par ses déclarations, sa volonté de demander le réexamen de sa demande d'asile avant que ne soit pris à son encontre l'arrêté litigieux. Il ressort au surplus des pièces du dossier que l'intéressé a produit devant le premier juge des pièces datées de la fin du mois de mai 2019 qu'il entendait présenter devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et a justifié de l'enregistrement ultérieur de sa demande de réexamen. Dans ces conditions, les dispositions citées au point 3 faisaient obstacle à ce que le préfet oblige M. C... à quitter le territoire français tant que ce dernier bénéficiait en sa qualité de demandeur d'asile du droit de se maintenir sur le territoire français.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens au titre de la première instance :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

7. Contrairement à ce que soutient le préfet d'Ille-et-Vilaine, les dispositions précitées ne subordonnent pas la fixation du montant des frais à rembourser à la présentation de justificatifs. Le premier juge n'a pas fait une application erronée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'Etat, partie perdante, le paiement à Me A..., avocat de M. C..., ou à M. C... lui-même si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du litige.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 juillet 2019 et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à la présente instance :

9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, le versement à Me A... de la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1979 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 3 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. C..., la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées aux articles 37 de la loi du 10 juillet 1979 et 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C....

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme D..., présidente-assesseure,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

La rapporteure

N. D...

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT04215 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04215
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt04215 ?
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