Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier départemental Vendée à lui verser la somme de 22 000,32 euros correspondant au paiement des heures supplémentaires selon lui effectuées entre 2011 et 2015 et non rémunérées.
Par un jugement n° 1601456 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 février 2018, 24 septembre 2018,
13 mars 2019, 8 avril 2019 et 7 août 2020 M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de condamner le centre hospitalier départemental Vendée à lui verser la somme de 22 000,32 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2015, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
3°) d'enjoindre à cet établissement de lui payer les heures supplémentaires non rémunérées effectuées par lui postérieurement au dépôt de sa demande devant le tribunal administratif dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par mois de retard ;
4°) de mettre à la charge du même établissement la somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que les heures de garde étaient des heures d'astreinte alors qu'il s'agit, en réalité, d'heures de permanence devant être rémunérées comme temps de travail effectif car il ne pouvait vaquer librement à ses occupations pendant les heures en litige ;
- au titre d'une permanence de 24 heures, il reste des heures supplémentaires impayées et des heures supplémentaires de nuit sous-payées quand elles ont été réalisées entre 21 heures et 7 heures, car le centre hospitalier n'a pas appliqué la majoration de 100 % prévue par l'article 7 du décret du 25 avril 2002 ;
- l'apport des heures supplémentaires au compte épargne temps constitue une faculté pour l'agent ; dès lors que les plafonds annuels d'heures supplémentaires ont été dépassés et que l'employeur n'a pas rémunéré l'agent de la totalité des heures majorées, l'agent est en droit d'être indemnisé du préjudice subi ;
- son préjudice est constitué des heures non payées en temps de travail effectif et des heures non majorées, soit la somme de 22 000,32 euros pour les années 2011 à 2015 ;
- le lien de causalité entre la faute commise par le centre hospitalier et ce préjudice est établi.
Par des mémoires en défense enregistrés les 21 septembre 2018, 21 mars 2019, 23 avril 2019 et 28 juillet 2020 le centre hospitalier départemental Vendée, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;
- le décret n° 2002-598 du 25 avril 2002 ;
- le décret n°2002-788 du 3 mai 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me E..., représentant M A..., et de Me C..., représentant le centre hospitalier départemental Vendée.
Une note en délibéré a été présentée le 3 septembre 2020 par le centre hospitalier départemental Vendée.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., infirmier anesthésiste diplômé d'Etat (IADE) employé par le centre hospitalier départemental Vendée, a demandé au directeur de cet établissement le paiement en temps de travail effectif assorti des majorations s'y rapportant de la totalité des heures de permanence effectuées par lui entre 2011 et 2015. Le centre hospitalier départemental Vendée ayant rejeté cette demande, il a saisi le tribunal administratif de Nantes de conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier départemental Vendée à lui verser la somme de 22 000,32 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Il relève appel du jugement du
20 décembre 2017 par lequel ce tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur la responsabilité du centre hospitalier départemental Vendée :
2. L'article 5 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière définit la " durée du travail effectif " comme étant : " (...) le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. (...) ". L'article 20 du même décret définit par ailleurs la " période d'astreinte " comme étant : " (...) une période pendant laquelle l'agent, qui n'est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. La durée de chaque intervention, temps de trajet inclus, est considérée comme temps de travail effectif. (...) ". Enfin, l'article 24 de ce décret dispose que : " Les agents assurant leur service d'astreinte doivent pouvoir être joints par tous moyens appropriés, à la charge de l'établissement, pendant toute la durée de cette astreinte. Ils doivent pouvoir intervenir dans un délai qui ne peut être supérieur à celui qui leur est habituellement nécessaire pour se rendre sur le lieu d'intervention. (...) " et son article 25 dispose que : " Le temps passé en astreinte donne lieu soit à compensation horaire, soit à indemnisation. / (...) ". La rémunération des agents en fonction dans les établissements publics de santé distingue ainsi notamment les périodes de travail effectif, durant lesquelles les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, et les périodes d'astreinte, durant lesquelles les agents ont seulement l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. S'agissant de ces périodes d'astreinte, la seule circonstance que l'employeur mette à la disposition des agents un logement situé à proximité ou dans l'enceinte du lieu de travail pour leur permettre de rejoindre le service dans les délais requis n'implique pas que le temps durant lequel un agent bénéficie de cette convenance soit requalifié en temps de travail effectif, dès lors que cet agent n'est pas tenu de rester à la disposition permanente et immédiate de son employeur et qu'il peut ainsi, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles.
3. Il résulte de l'instruction que, pour les infirmiers du centre hospitalier départemental Vendée, la mise à disposition d'un logement situé dans l'enceinte de l'hôpital pour effectuer leur permanence est assortie de la remise d'un récepteur téléphonique par lequel ils doivent pouvoir être contactés pendant toute la durée de cette garde et que ce récepteur ne peut fonctionner qu'à proximité d'un émetteur situé dans l'établissement, les obligeant ainsi à demeurer à disposition immédiate de leur employeur. C'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Nantes a, au motif que les agents pouvaient, pendant leurs périodes de permanence, librement vaquer à leurs occupations personnelles sans être à la disposition permanente et immédiate de leur employeur, estimé que ces périodes ne constituaient pas un temps de travail effectif et a, par voie de conséquence, refusé de condamner l'établissement hospitalier à les indemniser à ce titre.
Sur le préjudice indemnisable :
4. Aux termes de l'article 7 du décret du 4 janvier 2002 : " Les règles applicables à la durée quotidienne de travail, continue ou discontinue, sont les suivantes : / 1° En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit. Toutefois lorsque les contraintes de continuité du service public l'exigent en permanence, le chef d'établissement peut, après avis du comité technique d'établissement, ou du comité technique, déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour les agents en travail continu, sans que l'amplitude de la journée de travail ne puisse dépasser 12 heures. /2° Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 21 heures et 6 heures, ou toute autre période de 9 heures consécutives entre 21 heures et 7 heures (...) ". Selon l'article 9 de ce décret : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail définis par service ou par fonctions et arrêtés par le chef d'établissement après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique. / Le cycle de travail est une période de référence dont la durée se répète à l'identique d'un cycle à l'autre et ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines ; le nombre d'heures de travail effectué au cours des semaines composant le cycle peut être irrégulier (...) ". Enfin aux termes de l'article 15 du même décret : " Lorsque les besoins du service l'exigent, les agents peuvent être appelés à effectuer des heures supplémentaires en dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail dans la limite de 180 heures par an et par agent. Ce plafond est porté à 220 heures pour les catégories de personnels suivantes : infirmiers spécialisés, cadres de santé infirmiers, sages-femmes, sages-femmes cadres de santé, personnels d'encadrement technique et ouvrier, manipulateurs d'électroradiologie médicale (...) ".
5. Par ailleurs, aux termes de l'article 7 du décret du 25 avril 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " A défaut de compensation sous la forme d'un repos compensateur, les heures supplémentaires sont indemnisées dans les conditions ci-dessous./ La rémunération horaire est déterminée en prenant pour base le traitement brut annuel de l'agent concerné, au moment de l'exécution des travaux, augmenté, le cas échéant, de l'indemnité de résidence, le tout divisé par 1820./ Cette rémunération est multipliée par 1,25 pour les 14 premières heures supplémentaires et par 1,27 pour les heures suivantes (...) ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " L'heure supplémentaire est majorée de 100 % lorsqu'elle est effectuée de nuit et des deux tiers lorsqu'elle est effectuée un dimanche ou un jour férié. ". Enfin aux termes de l'article 3 du décret du 3 mai 2002 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique hospitalière : " Le compte épargne-temps peut être alimenté chaque année par : (...) 3° Les heures supplémentaires prévues à l'article 15 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 susvisé qui n'auront fait l'objet ni d'une compensation horaire ni d'une indemnisation (...) ".
6. Il n'est pas contesté que les heures non payées au requérant, soit en totalité soit faute d'être assorties de la majoration appropriée, n'ont fait l'objet ni d'un repos compensateur ni d'une indemnisation. Elles n'ont pas davantage été versées au compte épargne temps de l'agent, qui en tout état de cause n'en a pas fait la demande. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'aucun cycle de travail conforme aux dispositions rappelées ci-dessus n'a été défini par le centre hospitalier au cours de la période concernée. Dans ces conditions, il n'est possible de déterminer, pour chacune des périodes de permanence de 24 heures en litige, ni le nombre d'heures relevant du travail normal de jour et du travail normal de nuit, ni le nombre d'heures devant être qualifiées d'heures supplémentaires de jour ou de nuit et susceptibles de majoration à ce titre, ni encore le nombre d'heures susceptibles d'être indemnisées en ce qu'elles auraient dépassé le plafond annuel défini à l'article 15 précité du décret du 4 janvier 2002.
7. Toutefois, eu égard aux conclusions formulées tout au long de la procédure par le requérant, il incombe au juge en l'espèce non pas d'assurer le paiement d'heures travaillées et non rémunérées, mais d'indemniser l'agent du préjudice résultant pour lui du traitement financier fautif appliqué par son employeur aux périodes de permanence qu'il a réalisées entre 2011 et 2015. La circonstance invoquée par le centre hospitalier départemental Vendée qu'il ne pourrait rémunérer les heures supplémentaires effectuées au-delà du plafond annuel est en conséquence et en tout état de cause sans incidence.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi par l'agent en l'arrêtant à la somme de 18 000 euros.
9. L'agent aura droit aux intérêts sur la somme qui lui est due à compter du
26 octobre 2015, date de réception par le centre hospitalier départemental Vendée de sa réclamation indemnitaire préalable. M. A... a présenté des conclusions en vue de la capitalisation des intérêts dans sa demande enregistrée le 23 février 2016. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 26 octobre 2016, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité de ce jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. M. A... n'a présenté ni en première instance ni devant la cour de conclusions indemnitaires pour la période postérieure au 31 décembre 2015. Il n'est pas établi au demeurant que pour cette nouvelle période les modalités de travail dans l'établissement hospitalier soient demeurées les mêmes. Par suite, le présent arrêt n'entraîne aucune mesure d'exécution autre que celle relative à la condamnation du centre hospitalier départemental Vendée à indemniser le requérant dans les conditions rappelées ci-dessus. Il suit de là que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier départemental Vendée demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier départemental Vendée la somme de 800 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601456 du 20 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier départemental Vendée est condamné à verser à M. A... la somme de 18 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 26 octobre 2015. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 26 octobre 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le centre hospitalier départemental Vendée versera à M. A... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier départemental Vendée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au centre hospitalier départemental Vendée.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme B..., président assesseur,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur
C. B...Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00726