Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes enregistrées le 29 mai 2017 sous le n° 1701787 et le 12 juin 2018 sous le n° 1802142, l'association Blois-Patrimoine-Paysage-Environnement-Cadre de Vie a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés par lesquels le maire de Blois a :
- délivré, le 28 novembre 2016, sous le n° 41018 16 0054, un permis de construire portant sur le lot n° 2 de 10 logements, rue du Puits Neuf,
- délivré, le 28 novembre 2016, sous le n° 41018 16 0055, un permis de construire portant sur le lot n° 4 de 19 logements rue du Puits Neuf,
- rejeté le 31 mars 2017 leur recours gracieux dirigé contre ces permis de construire,
- délivré, le 26 décembre 2017, sous le n° 41018 16 0054MO1, un permis de construire modificatif du lot n° 2 de 10 logements, rue du Puits Neuf,
- délivré, le 26 décembre 2017, sous le n° 41018 16 0055MO1, un permis de construire modificatif portant sur le lot n° 4 de 19 logements rue du Puits Neuf,
- rejeté le 10 avril 2018 les recours gracieux formé contre ces deux permis de construire modificatifs.
Par un jugement nos 1701787, 1802142 du 26 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2019 et un mémoire enregistré le 2 décembre 2019, l'association Blois-Patrimoine-Paysage-Environnement-Cadre de Vie, représentée par son coprésident M. B... et par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 février 2019 ;
2°) d'annuler ces décisions des 28 novembre 2016, 31 mars 2017, 26 décembre 2017 et 10 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Blois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- son co-président dispose de la qualité pour agir, conformément aux statuts ;
- l'ampleur des modifications apportées aux deux projets initiaux, emportant un changement dans la conception générale du projet, implique la délivrance de nouveaux permis de construire ;
- les projets ne s'insèrent pas dans leur environnement ;
- elle reprend les moyens soulevés en première instance tirés de l'incompétence du signataire des permis de construire délivrés le 28 novembre 2016, de l'insuffisance de la notice architecturale au regard des exigences prévues aux articles R. 431-8 et R. 431-14 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance des articles UV 10 et UV 11 du règlement du plan local d'urbanisme et des articles R. 111-4 et R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet et 18 décembre 2019, la commune de Blois, représentée par Me D..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association Blois-Patrimoine-Paysage-Environnement-Cadre de Vie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que le co-président de l'association ne peut, au vu des statuts de celle-ci, valablement agir en justice ;
- aucun moyen n'est fondé.
Par des mémoires enregistrés, les 22 juillet et 10 décembre 2019, la société Initio, représentée par Me E..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés de permis de construire, délivrés par le maire de Blois le 28 novembre 2016, la société Initio a été autorisée à réaliser un immeuble de 10 logements d'une surface de plancher de 600,75 m2 sur le lot n° 2 d'un lotissement dit Clos Saint Saturnin, autorisé par un permis d'aménager du 23 novembre 2016, situé rue du Puits Neuf dans le quartier de la Vienne à Blois, et un immeuble de 19 logements d'une surface de plancher de 1 166,15 m2 sur le lot n° 4 de ce même lotissement. Le recours gracieux présenté par l'association Blois-Patrimoine-Paysage-Environnement-Cadre de vie a été rejeté le 31 mars 2017 par le maire de Blois. Le 26 décembre 2017, deux arrêtés de permis de construire modificatifs ont été accordés à la société pétitionnaire. Le recours gracieux formé par l'association contre ces seconds arrêtés a été rejeté le 10 avril 2018. Aux termes du jugement du 26 février 2019 dont l'association Blois-Patrimoine-Paysage-Environnement-Cadre de Vie relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes dirigées contre les permis de construire initiaux et modificatifs.
Sur la régularité du jugement attaqué:
2. La régularité d'un jugement ne dépendant pas du bien fondé de ses motifs, l'association requérante ne saurait utilement faire valoir que le jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et que les premiers juges ont faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la nature et l'ampleur des modifications projetées :
3. L'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, un permis le modifiant, sous réserve que les modifications apportées au projet initial n'en remettent pas en cause, par leur nature ou leur ampleur, la conception générale.
4. Il ressort des pièces du dossier que les permis de construire initiaux autorisent la construction de deux immeubles comportant deux niveaux pour le lot n°2 et trois niveaux pour le lot n°4, avec un rez-de-chaussée laissé libre afin de faire face à une éventuelle expansion de la Loire, des coursives desservant les logements et un dernier niveau traité en attique. Le permis modificatif relatif à l'immeuble correspondant au lot n°2 prévoit le remplacement de la couverture en zinc par une couverture en ardoise, ce qui entraîne une rehausse de 0,85 m du faîtage et recale le gabarit en fonction des pentes inhérentes au matériau utilisé, ainsi que le remaniement de la façade sur la place afin de minimiser l'impact des coursives. Il autorise également la modification de l'implantation de deux parties de construction situées à l'extrémité du bâtiment, qui sont avancées et positionnées à l'alignement entraînant la disparition, pour cette portion de façade, du muret de soutènement de la clôture. Il prévoit l'utilisation pour les nus de façades de nuances de teintes d'enduit traditionnel, la diminution du volume d'une des toitures en ardoise en longueur et le repositionnement de certaines ouvertures. L'aluminium thermolaqué gris coloré remplace le PVC. Des châssis verticaux sont équipés de volets persiennes. S'agissant du lot n° 4 le permis modificatif prévoit principalement la suppression d'un logement, ramenant leur nombre à 18 et le recul du pignon du bâtiment qui jouxte le mur de clôture de l'aître Saint Saturnin, permettant d'éviter la vision de la construction depuis l'aître. La construction se positionne " à l'alignement entre la place et la nouvelle voie ce qui change la typologie de 2 1ogements ". Le volume de la toiture est scindé par un volume de toiture en terrasse et en attique, le volume de l'angle reçoit un essentage en ardoise. Enfin, les autres modifications concernant la couverture, le remaniement des façades, le positionnement des ouvertures et l'usage de teinte d'enduit traditionnel sont du même ordre que pour le lot n°2.
5. En premier lieu, la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments tels que l'implantation, les dimensions ou l'apparence des immeubles dont la construction est autorisée ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'ils fassent l'objet d'un permis modificatif. L'association n'est donc pas fondée à soutenir que le fait de modifier l'implantation ou la hauteur des bâtiments impliquait nécessairement l'octroi d'un nouveau permis de construire.
6. En deuxième lieu, la commune fait valoir que la notice du dossier de demande de permis de construire initial concernant le lot n°2 comportait une erreur matérielle en ce qu'elle mentionne à tort la création de 22 places de stationnement alors que le projet n'en comporte que 12 et que le permis modificatif, qui mentionne 12 places, n'a donc pas pour effet de supprimer dix places, contrairement à ce que soutient l'association requérante. Les autres documents du dossier initial de permis de construire, à savoir le plan du rez-de-chaussée, le formulaire Cerfa et la déclaration des éléments nécessaires pour le calcul des impositions font effectivement apparaître 12 places de stationnement seulement. Au vu de l'ensemble de ces documents, il n'apparaît pas que la demande de permis modificatif ait concerné la suppression de 10 places de stationnement par rapport au projet initial.
7. En troisième lieu, il ressort des plans des façades que le positionnement des ouvertures des projets autorisés par les permis modificatifs est légèrement décalé par rapport aux projets initiaux, que la toiture du bâtiment présente une alternance de toitures plates et de toitures traditionnelles et que quelques décrochés de façade ont été ajoutés, l'ensemble offrant un aspect moins monolithique que le projet initial. La modification minime de l'emplacement des ouvertures s'explique par ces ajustements et si la physionomie générale des immeubles est amendée, elle n'est pas pour autant bouleversée. Par ailleurs, en dépit de la rehausse du faitage en raison de la nouvelle couverture en ardoise, comparable aux couvertures présentes dans le paysage voisin, et du remaniement de la façade, telle qu'évoqué précédemment, l'organisation et les volumes de l'immeuble sont semblables. Si le permis modificatif modifie une partie du bâtiment envisagé sur le lot n° 4, en opérant un recul du pignon afin d'éviter la covisibilité de l'immeuble depuis l'aître Saint-Saturnin, ce qui entraîne la suppression d'un logement, il ressort des pièces du dossier, notamment des documents graphiques d'insertion, que ce recul ne concerne que l'extrémité du bâtiment, dont les volumes et l'implantation demeurent, pour le reste et eu égard à leurs dimensions, inchangés. Les autres modifications qui touchent à la couleur des enduits, à l'usage d'aluminium en lieu et place de PVC et à l'ajout de volets persiennes sur les châssis verticaux ne modifient pas davantage la volumétrie et l'aspect général du projet.
8. Dans ces conditions, bien que ces modifications portent sur différents points, elles n'ont, ni ensemble ni séparément, remis en cause la conception générale du projet. Par suite, le moyen tiré par l'association requérante de ce que les modifications en litige devaient faire l'objet de nouvelles demandes de permis de construire ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'insertion des projets dans l'environnement :
9. Aux termes de l'article UV11.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) : " Toutes les constructions nouvelles dans leur ensemble, y compris les ouvrages et édicules techniques et les extensions, doivent, par leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, respecter le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants, des sites et des paysages naturels et urbains locaux " et aux termes de l'article UV 11.2 " Il conviendra d'éviter l'utilisation de tout vocabulaire architectural ou de matériaux non appropriés à la région ". Ces dispositions ont le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du PLU que doit être appréciée la légalité des décisions attaquées.
10. Eu égard à la teneur des dispositions de l'article UV 11 du règlement en cause, en particulier de celles des points UV 11.1 et UV 11.2, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, d'apprécier si l'autorité administrative a pu légalement autoriser la construction projetée, compte tenu de ses caractéristiques et de celles des lieux avoisinants, sans méconnaître les exigences résultant de cet article. Dans l'exercice de ce contrôle, le juge doit tenir compte de l'ensemble des dispositions de l'article et de la marge d'appréciation qu'elles laissent à l'autorité administrative pour accorder ou refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme.
11. L'association requérante soutient que la facture du projet, dont la hauteur et le gabarit tranchent avec celui du bâti avoisinant, est démesurément contemporaine par rapport aux immeubles traditionnels qui caractérisent le quartier de la Vienne. Il ressort des pièces du dossier, notamment des écritures de première instance, que le projet jouxte l'église Saint Saturnin et l'aître Saint Saturnin, classées au titre des monuments historiques. La requérante fait également valoir que plusieurs maisons des rues proches présentent un certain nombre d'éléments architecturaux dignes d'intérêt tels que, notamment, des fenêtres à meneaux ou des appuis de fenêtres gothiques.
12. Le terrain d'assiette du projet est classé dans le secteur UV du plan local d'urbanisme. Le rapport de présentation du PLU mentionne pour cette zone la volonté de limiter l'urbanisation du secteur " fortement impacté par le risque d'inondation en ménageant des possibilités d'évolution du bâti existant/ développer la ville en accordant la priorité au renouvellement urbain/permettre une densification et une évolution du bâti existant ". Ce même rapport qualifie le quartier de la Vienne de " faubourg intéressant de par sa composition urbaine et sa valeur historique ".
13. L'obligation pour une construction nouvelle de tenir compte de son environnement et de s'y intégrer ne fait pas obstacle à ce qu'elle présente, dans le respect des prescriptions du règlement relatives à la hauteur, une différence d'échelle avec les constructions pavillonnaires avoisinantes. Il ressort des pièces du dossier que le quartier environnant a les caractéristiques d'un centre urbain, composé principalement de maisons de ville et ponctuellement d'immeubles collectifs. Les projets en litige se présentent sous la forme d'immeubles R+1, R+2 et R+3 comportant un attique. Le caractère imposant du projet initial a été minoré par une diversification architecturale cassant ainsi l'aspect de " bloc " des deux immeubles. S'ils sont d'une volumétrie supérieure à celle des constructions les plus proches, ils peuvent être autorisés dans un environnement traditionnellement pavillonnaire alors en outre que le PLU permet la densification du bâti. Par ailleurs, les caractéristiques traditionnelles du bâti seront reprises (ardoise, couleur de l'enduit, limitation de l'ampleur des balcons), étant précisé que les constructions alentour sont hétérogènes et qu'un grand nombre de bâtisses a subi des transformations successives. Ainsi qu'il a été dit, le recul du pignon de la construction du lot n°4, en proximité directe du mur de l'aître Saint-Saturnin, permet d'éviter la vision de la construction depuis l'aître. Par suite, le maire de Blois a pu légalement estimer que les constructions projetées, alors même qu'elles présentent une hauteur et un volume plus importants que les maisons d'habitation voisines, pouvaient être autorisées sans méconnaître les exigences des articles UV 11.1 et UV 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme.
En ce qui concerne les autres moyens :
14. Pour le surplus, l'association Blois - Patrimoine - Paysage - Environnement - Cadre de Vie réitère en appel les moyens soulevés en première instance et tirés de l'incompétence de la signataire des permis de construire initiaux, de l'insuffisance de la notice architecturale, de l'erreur d'appréciation de l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'Association Blois - Patrimoine - Paysage - Environnement - Cadre de Vie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Blois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'association Blois-Patrimoine- Paysage-Environnement-Cadre de Vie ne peuvent dès lors être accueillies. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Blois-Patrimoine- Paysage-Environnement-Cadre de Vie une somme de 1 000 euros qui sera versée à la commune de Blois et une somme de 1 000 euros qui sera versée à la société Initio au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'Association Blois - Patrimoine - Paysage - Environnement - Cadre de Vie est rejetée.
Article 2 : L'association Blois - Patrimoine - Paysage - Environnement - Cadre de Vie versera à la commune de Blois et à la société Initio, pour chacune, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Blois - Patrimoine - Paysage - Environnement - Cadre de Vie, à la commune de Blois et à la société Initio.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme A..., présidente assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2021.
Le rapporteur,
H. A...
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT01620