Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) du Domaine Peignon a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 mai 2018 par lequel le préfet de la région Normandie lui a refusé l'autorisation d'exploiter 14 hectares et 30 ares de terres agricoles situées au Teilleul et à Husson dans la Manche.
Par un jugement n° 1802628 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 septembre 2019 l'EARL du Domaine Peignon, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2018 du préfet de la région Normandie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal ne pouvait retenir le critère de la proximité des parcelles avec celles du GAEC du Marignon dès lors que les terres qu'elle exploite elle-même jouxtent également celles pour lesquelles l'autorisation d'exploiter a été sollicitée ; les 16 hectares et 87 ares situés sur les communes de Sainte-Marie-du-Bois (2 hectares et 57 ares), Le Teilleul et Husson (14 hectares et 30 ares) sont attenantes aux terres qu'elle exploite ;
- le motif tiré de la restructuration foncière qui caractériserait l'opération du GAEC du Marignon ne peut être retenu dès lors que ce dernier a en réalité tenté d'obtenir le bénéfice d'une autorisation d'exploiter en dissimulant l'activité de la société " Porc Marignon ", ce qui relève de la fraude.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EARL du Domaine Peignon ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'EARL " Ferme des Carneaux ".
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL du Domaine Peignon a sollicité, le 19 janvier 2018, l'autorisation d'exploiter 16 hectares 87 ares de terres dans le département de la Manche à Sainte-Marie-du-Bois (parcelles ZK-29 et ZE-34), Le Teilleul (parcelle ZB-21-22) et Husson (parcelle C-298-299). Parallèlement, une demande concurrente partielle, portant sur les 14 hectares 30 ares de terres situées au Teilleul et à Husson, a été déposée le 23 mars 2018 par le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Marignon. Après avoir consulté la commission départementale d'orientation de l'agriculture, qui s'est réunie le 7 mai 2018, le préfet de la région Normandie a, par un arrêté du 24 mai 2018, seulement autorisé l'EARL du Domaine Peignon à exploiter les 2 hectares 57 ares de terres situées à Sainte-Marie-du-Bois et lui a refusé l'autorisation d'exploiter les 14 hectares 30 ares situés au Teilleul et à Husson. Par un second arrêté du même jour, le préfet a autorisé le GAEC du Marignon à exploiter les 14 hectares 30 ares de terres situées au Teilleul et à Husson. L'EARL du Domaine Peignon a, par des courriers du 9 juillet 2018, formé contre le premier arrêté un recours gracieux et un recours hiérarchique qui ont été rejetés par des décisions respectivement des 17 septembre et 30 août 2018. Elle relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Normandie du 24 mai 2018 en tant qu'il refuse de lui accorder une autorisation d'exploiter les 14 hectares 30 ares de terres agricoles situées au Teilleul et à Husson.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ".
3. D'autre part, l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Normandie du 23 décembre 2015 détermine les priorités mentionnées au point 2, dont la huitième concerne notamment " les opérations consistant à conforter l'agrandissement d'agriculteurs à titre principal, dont la surface d'exploitation se situe, après agrandissement, en deçà du seuil d'agrandissement excessif ".
4. Enfin, aux termes de l'article 5 de ce schéma directeur : " En cas de concurrence au même rang de priorité, les critères suivants seront pris en compte, après avis de la CDOA, pour départager les candidats (ces critères ne sont pas hiérarchisés) : (...) dimension économique des exploitations (...) la priorité sera accordée aux exploitations de dimension économique la plus faible (à 15 % près) / impact environnemental (...) / structuration foncière de l'exploitation et contraintes, notamment : proximité des terres demandées par rapport au siège, aux bâtiments d'exploitation, aux autres parcelles, organisation parcellaire des îlots de l'exploitation (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que les demandes de l'EARL du Domaine Peignon et du GAEC du Marignon ont toutes deux été classées au rang de priorité 8 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Normandie, ce que la requérante ne conteste pas. Pour rejeter la demande d'autorisation d'exploiter présentée par l'EARL du Domaine Peignon en tant qu'elle portait sur les 14 hectares 30 ares de terres situées sur le territoire des communes du Teilleul et d'Husson, le préfet de la région Normandie s'est fondé, en application des dispositions précitées de l'article 5 de ce schéma directeur, sur les motifs tirés de la dimension économique inférieure du GAEC du Marignon, de la contiguïté des terres en cause avec celles déjà exploitées par le GAEC ainsi que de l'objectif de restructuration foncière poursuivi par le GAEC. Il ressort toutefois des écritures en défense du ministre, comme de celles du préfet en première instance, que l'administration a entendu renoncer au motif, erroné, tiré de la dimension économique du GAEC du Marignon.
6. L'EARL du Domaine Peignon soutient que le motif restant tiré de la contigüité des parcelles C-298-299 (Le Teilleul) et ZB-21-22 (Husson) avec les terres exploitées par le GAEC du Marignon, caractérisé par la circonstance qu'elles se situent à 140 mètres du siège d'exploitation du groupement et d'un bâtiment destiné aux vaches laitières, ne peut légalement fonder l'arrêté contesté dès lors que les terres qu'elle-même exploite jouxtent également celles pour lesquelles elle a sollicité une autorisation d'exploiter. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de situation produit par le préfet en première instance, que les parcelles en litige jouxtent bien les terres déjà exploitées par le GAEC, aucune des pièces produites ne permet d'établir qu'il en serait de même concernant la requérante, qui se borne à renvoyer au formulaire de demande dans lequel elle a elle-même indiqué que les terres en cause étaient " attenantes " aux siennes. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que la demande du GAEC, qui se caractérisait par la contigüité effective des terres faisant l'objet de la demande avec les parcelles déjà exploitées, répondait à un objectif de restructuration foncière. La circonstance que les terres litigieuses seraient la propriété de l'oncle du gérant de l'EARL requérante et auraient " toujours été exploitées avec l'entraide familiale " est à cet égard sans incidence.
7. Si l'EARL du Domaine Peignon soutient également que le préfet ne pouvait se fonder sur la circonstance que le GAEC avait prévu de céder 11 hectares 55 ares situés à 4 km de son siège d'exploitation dans un but de restructuration foncière, et fait valoir que ce dernier aurait en réalité tenté d'obtenir le bénéfice d'une autorisation d'exploiter en dissimulant l'activité de la société " Porc Marignon ", ce qui relève de la fraude, elle ne produit toutefois, et en tout état de cause, aucun élément à l'appui de ses allégations.
8. Il résulte de ce qui précède que l'EARL du Domaine Peignon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à l'EARL du Domaine Peignon la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL du Domaine Peignon est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL du Domaine Peignon et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet de la région Normandie.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.
Le rapporteur
E. BerthonLe président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03697