Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... H... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite A... laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à F... du 15 octobre 2019 refusant de délivrer à Cynthia B... et Exaucé B... Kayolo des visas de long séjour en France au titre de la réunification familiale.
A... un jugement n° 2000926 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
A... une requête enregistrée le 11 novembre 2020 sous le n°20NT03522, M. B... H..., agissant en qualité de représentant légal d'Exauxé B... Kayolo, et Mme D... B..., représentés A... Me Kombe, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas d'entrée et de long séjour sollicités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont fait une mauvaise application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les actes de naissance produits ont été établis après des jugements supplétifs qui indiquent l'identité des parents et font foi ; les éléments de possession d'état corroborent le lien de filiation.
A... un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés A... M. B... H... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Douet,
- et les observations de Me Rouxel, substituant Me Kombe, représentant M. B... H... et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... H..., ressortissant de la république démocratique du Congo, né le 27 octobre 1983, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 21 janvier 2013. Le 5 novembre 2018, des demandes de visa ont été déposées au titre de la réunification familiale pour Cynthia B..., née le 16 janvier 2002, et Exaucé B... Kayolo, né le 30 mars 2005, qu'il présente comme ses enfants. A... une décision en date du 15 octobre 2019, l'autorité consulaire française à F... a refusé de délivrer les visas sollicités. Le recours formé contre cette décision devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, réceptionné le 24 janvier 2020, a été implicitement rejeté. M. B... et Mme D... B..., devenue majeure, relèvent appel du jugement du 7 juillet 2020 A... lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 2° A... son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; (...) / 3° A... les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 (...) sont applicables. / (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés A... l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis A... l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ".
3. En cas de décision implicite et en l'absence de communication, sur demande du destinataire, des motifs de cette décision, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dont la décision se substitue à celle des autorités consulaires, doit être regardée comme s'étant appropriée le motif retenu A... ces autorités soit, en l'espèce, le motif relatif aux " déclarations [qui] conduisent à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale ". Dans son mémoire en défense devant le tribunal, communiqué au requérant, le ministre fait valoir que la décision contestée est motivée A... le caractère apocryphe des actes d'état civil présentés à l'appui des demandes de visas et l'absence d'éléments de possession d'état.
4. Pour établir le lien de filiation entre Cynthia B... et Exaucé B... Kayolo et M. B... H..., ont été produits des actes de naissance n° 662 et 663 dressés le 13 juin 2017 A... le centre d'état civil de la commune de Ngiri-Ngiri suivant un jugement supplétif d'acte de naissance n° R. C. 10026 rendu A... le tribunal pour enfants I... F... le 6 mai 2017.
5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue A... une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
6. La double circonstance que le jugement supplétif soit dressé plusieurs années après les faits qu'il relate, à la demande d'une tante des enfants et qu'il n'indique pas que la mère des enfants est décédée en 2007 n'est pas de nature à elle seule à établir son caractère frauduleux. L'administration fait également valoir que le requérant n'a fait aucune démarche afin que son lien de filiation avec ses enfants allégués, nés hors mariage, soit reconnu alors que l'article 601 du code de la famille congolais dispose que "la filiation paternelle s'établit A... la présomption légale en cas de mariage ou A... une déclaration ou A... une action en recherche de paternité", et que l'article 614 prévoit que "tout enfant né hors mariage doit faire l'objet d'une affiliation dans les douze mois qui suivent sa naissance ". Toutefois, l'absence de déclaration de paternité ou de démarche d'affiliation ne permet pas non plus de démontrer que le jugement supplétif concernant les demandeurs aurait été obtenu frauduleusement. Enfin, si les actes de naissance comportent des informations, relatives notamment aux lieux et dates de naissances des parents ainsi qu'à leur professions et nationalités, inexistantes dans le jugement supplétif, cette circonstance ne permet pas de remettre en cause la filiation que ce jugement retient. A... suite, c'est A... une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que la filiation et l'identité des demandeurs n'étaient pas établies A... les actes d'état civil produits.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. B... H... et Mme D... B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, A... ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... H....
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
8. M. B... H... et Mme B... ont produit une copie de l'acte de décès de Mme G..., la mère des demandeurs de visa, ainsi qu'un jugement supplétif de déclaration tardive de décès dont l'authenticité n'est pas contestée. Dès lors, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme D... B... et au jeune C... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés A... M. B... H... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Mme D... B... et Exaucé B... Kayolo est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... H... et à Mme B... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... H..., à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.
La rapporteure,
H. DOUET
Le président,
A. PÉREZ
La greffière,
A. LEMÉE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT03522 6