Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision du 4 décembre 2019 des autorités consulaires françaises à Fès refusant de lui délivrer un visa de court séjour en France pour visite familiale.
Par un jugement n° 2004474 du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020 sous le n°20NT04014 et un mémoire enregistré le 6 janvier 2022, Mme B..., représentée par Me Brangeon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision consulaire est insuffisamment motivée ;
- la décision consulaire n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
La demande C... B... d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 3 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport C... Douet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 25 décembre 1962, relève appel du jugement du 23 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision du 4 décembre 2019 des autorités consulaires françaises à Fès (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de court séjour en France pour visite familiale.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...)7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...)". Ces dispositions permettent le rejet par ordonnance des requêtes qui, bien qu'assorties, avant l'expiration du délai de recours, d'un ou plusieurs moyens, ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'il est manifeste qu'elles ne comportent que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou non assortis des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Une ordonnance rejetant une requête sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, à la différence d'une ordonnance prise en vertu de l'article R. 411-1, la rejette comme non fondée et non comme irrecevable.
3. Alors même que la demande C... B... devant le tribunal administratif ne comportait que des moyens inopérants car dirigés contre la décision de l'autorité consulaire française, à laquelle s'est substituée la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, et aurait pu faire l'objet d'un rejet par ordonnance, la demande n'était pas dépourvue de tout moyen au sens de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la demande C... B... devant le tribunal administratif et tirée de ce qu'elle était dépourvue de moyens, doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas: " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".
5. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
6. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus fondé sur le risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, opposé par l'autorité consulaire à la demande de visa de court séjour C... B....
7. Le ministre fait valoir que Mme B..., âgée de 57 ans et sans emploi, n'a pas d'intérêts de nature économique ou matérielle au Maroc alors qu'elle a des attaches familiales fortes en France où résident son époux et son fils aîné, âgé de 32 ans. Il ressort effectivement des pièces du dossier que l'époux C... B... réside en France, subvient aux besoins de celle-ci et se rend régulièrement au Maroc. Le fils aîné C... B... est ressortissant français et réside également en France. Cependant, Mme B... soutient qu'elle a au Maroc de fortes attaches familiales, en la personne de sa mère, âgée de 84 ans, dont elle s'occupe ainsi que son second fils, âgé de 26 ans. Alors qu'il est constant que M. et Mme B... résident de manière séparée, l'un en France et l'autre au Maroc depuis 1993, date à laquelle Mme B... est rentrée au Maroc après dix ans passés en France, les seules circonstances invoquées par le ministre de l'intérieur n'établissent pas que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. En retenant l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... le visa sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
10. Mme B... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 23 novembre 2020 du tribunal administratif de Nantes et la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision du 4 décembre 2019 des autorités consulaires françaises à Fès (Maroc) refusant un visa de court séjour à Mme B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... le visa de court séjour sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2022.
La rapporteure,
H. DOUET
Le président,
A. PÉREZ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT04014