Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires à Bamako (Mali) du 9 septembre 2020, rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité d'enfant étranger de ressortissant français.
Par un jugement no 2100516 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 septembre et 25 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Cloris, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation sur sa prise en charge financière par son père ainsi que sur sa filiation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant malien né le 5 novembre 1995 à Kayes (Mali), a sollicité auprès de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'enfant de M. E... B..., ressortissant français. L'autorité consulaire ayant rejeté sa demande, M. B... a saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'un recours contre cette décision consulaire le 30 septembre 2020. Par décision en date du 26 novembre 2020, cette commission a rejeté son recours. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes de la décision du 26 septembre 2020 que, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par M. B..., la commission de recours s'est fondée sur les motifs tirés d'une part, de ce que la production de deux actes de naissance de l'intéressé sans explications circonstanciées ni production de jugement rectificatif ne permettait pas de donner à ces documents un caractère probant, d'autre part, de ce que l'identité et le lien de filiation avec M. E... B... n'étaient pas établis, ce dernier n'ayant pas mentionné le demandeur lors de sa demande de naturalisation présentée en 2012, et, enfin, de ce qu'il n'était pas démontré que M. B... était le bénéficiaire de virements réguliers et constants de son père allégué, ce dernier ne disposant au demeurant pas des moyens matériels lui permettant de prendre en charge le demandeur de visa.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. Pour justifier de son identité et de son lien de filiation avec M. A... G... B..., le requérant produit la copie d'un extrait d'acte de naissance no 1550 dressé dans les registres de l'année 1995 du centre principal d'état civil de Kayes ainsi que le volet no 3 et un extrait de l'acte de naissance no 104 dressé le 13 juin 2016 en transcription d'un jugement supplétif rendu le 8 juin précédent par le tribunal civil de Kayes. S'il est vrai que la production de plusieurs actes de naissance différents pour une même personne est, en principe, de nature à remettre en cause leur valeur probante et que l'établissement d'un jugement supplétif d'acte de naissance n'était pas nécessaire dès lors que l'intéressé disposait d'un acte de naissance dressé immédiatement après leur naissance, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les différents actes en cause comportent des mentions concordantes et, d'autre part, le requérant soutient qu'il a sollicité ce jugement supplétif dès lors qu'il devait, dans le cadre de sa présentation à un concours, produire l'original du volet no 3 de son acte de naissance, lequel avait été détruit à l'occasion d'un incendie dans son domicile. Par ailleurs, s'il est également vrai que M. A... B... n'a pas déclaré l'existence de son fils D... lors de sa seconde demande de naturalisation, il avait en revanche déclaré son existence lors de sa première demande de naturalisation, le ministre de l'intérieur ayant d'ailleurs opposé la présence à l'étranger de son enfant mineur pour déclarer irrecevable cette première demande par une décision du 6 mai 2004 versée au dossier. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement supplétif d'acte de naissance présente un caractère frauduleux. Il s'ensuit que c'est par une inexacte appréciation des faits de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que l'identité et le lien de filiation du requérant avec M. E... B... n'étaient pas établis.
6. En second lieu, lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'enfant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. A... B... et Mme H... B..., employés dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis respectivement 2010 et 2017, perçoivent en moyenne, ainsi que cela ressort de leur avis 2019 d'impôt sur les revenus de l'année 2018 et de leurs bulletins de salaire, des revenus salariés à hauteur d'environ 3 200 euros nets par mois, auxquels s'ajoutent des allocations familiales et de logement à hauteur de 745 euros par mois et des dividendes versés par l'entreprise Day services, dont M. A... B... est le président, à hauteur de 502 euros par mois en 2020. Le montant total des revenus du foyer s'élève donc à une somme d'environ 4 447 euros par mois, soit un montant suffisant pour prendre en charge M. D... B... en plus de six personnes dont quatre enfants mineurs. D'autre part, le requérant justifie, au regard des nombreux transferts d'argent réalisés à son profit entre 2013 et 2020, être à la charge de son père français. Dès lors, c'est par une inexacte appréciation des faits de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que M. B... n'était pas à la charge de son père français.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer réexamine à la demande de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à M. B... au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juillet 2021 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 26 novembre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer la demande de M. B... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juillet 2022.
Le rapporteur,
F.-X. C...Le président,
A. Pérez
La greffière,
A. Lemée
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 21NT02541