VU I) la requête présentée par le MINISTRE DE LA DEFENSE, enregistrée au greffe de la cour le 19 juin 1990 sous le n° 90PA00560 ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande d'annuler le jugement n° 36-87 en date du 4 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé sa décision du 3 décembre 1986 en tant qu'elle rejetait, pour la période postérieure au 1er janvier 1981, la demande de rappel d'arrérages de pension formulée par M. Y... ;
VU II) la requête présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, enregistrée au greffe de la cour le 22 juin 1990 sous le n° 90PA00563 ; le ministre demande d'annuler le jugement n° 36-87 ci-dessus visé du tribunal administratif de Paris en date du 4 avril 1990 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 48-1459 du 20 septembre 1948 modifiée par la loi du 31 juillet 1962 ;
VU la loi du 14 avril 1924 modifiée par la loi du 28 février 1933 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 1992 :
- le rapport de M. LIEVRE, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. Y...,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, com-missaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes du MINISTRE DE LA DEFENSE et du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET sont relatives aux droits à pension d'un même agent ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. Y..., admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite le 8 mars 1947, a bénéficié d'une révision de sa pension par un arrêté du 12 mai 1986 lui accordant deux bonifications, l'une de 9 mois, avec rappel d'arrérages à compter du 7 octobre 1983, au titre du brevet de parachutiste obtenu en 1946, l'autre de 4 mois et 25 jours, sans rappel d'arrérages, au titre d'une campagne supplémentaire accomplie entre le 23 octobre 1958 et le 31 décembre 1960 dans une unité territoriale en Algérie ;
Sur les appels principaux :
Considérant que les dispositions applicables en matière de rappel d'arrérages de pensions civiles ou militaires de retraite sont celles de la législation dont relève la pension, déterminée en fonction de la date d'ouverture des droits du pensionné, dans leur rédaction en vigueur à la date de la demande de révision ;
En ce qui concerne la bonification de 9 mois liée à la possession du brevet de parachutiste :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens des requêtes :
Considérant que les droits de M. Y... à la bonification susmentionnée ont été ouverts le 8 mars 1947 ; qu'à cette date la législation applicable en matière de pensions militaires de retraite résultait de la loi du 14 avril 1924 ainsi que des textes subséquents tant législatifs que réglementaires ; qu'au nombre de ceux-ci figurait l'article 85 de la loi du 28 février 1933 qui fixait les règles relatives aux rappels d'arrérages ; que cet article est resté en vigueur jusqu'à l'intervention de la nouvelle législation issue de la loi du 20 septembre 1948 ; qu'en vertu du principe rappelé ci-dessus, il était applicable le 7 octobre 1985, date de réception par l'administration de la demande par laquelle M. Y... a sollicité le bénéfice de ladite bonification ;
En ce qui concerne la bonification de 4 mois et 25 jours correspondant à des services accomplis de 1958 à 1960 :
Considérant qu'aux termes de l'article 64, 1er alinéa de la loi du 20 septembre 1948 portant réforme du régime des pensions civiles et militaires "les dispositions de la présente loi, sauf celles des titres XI et XII, ne sont applicables qu'aux fonctionnaires ou militaires ainsi qu'à leurs ayants-cause dont les droits à pension se sont ouverts postérieurement à la date de sa promulgation" ;
Considérant que le bénéficiaire d'une pension de retraite concédée, sous le régime de la loi du 14 avril 1924, antérieurement à la date du 20 septembre 1948 doit, lorsqu'il accomplit, postérieurement à cette même date, à la suite d'un rappel à l'activité, de nouveaux services ouvrant droit à pension, être regardé, en cas de révision de sa pension destinée à tenir compte desdits services, comme entrant dans la catégorie des fonctionnaires ou militaires dont les droits à pension se sont ouverts au sens de l'article 64 précité, postérieurement à la date de promulgation de la loi du 20 septembre 1948 ; que la pension révisée dans ces conditions est dès lors soumise aux dispositions de ladite loi, incorporées dans le code des pensions civiles et militaires de retraite, et notamment à celles de l'article L.74 relatives aux rappels d'arrérages ; qu'il convient, en conséquence, d'apprécier les droits de M. Y... au regard des dispositions de cet article dans leur rédaction issue de la loi du 31 juillet 1962 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'article L.53 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi du 7 juin 1977, pour déterminer les droits de M. Y... en matière de rappels d'arrérages ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article 85 de la loi du 28 février 1933 : "Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de ...révision ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu, en aucun cas, au rappel de plus d'une année d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension" ; que l'article L.74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 31 juillet 1962, a repris les mêmes dispositions en portant toutefois à deux années les arrérages éventuellement dus ; qu'il résulte, des termes mêmes de ces dispositions, d'une part, qu'en cas de demande tardive imputable au fait personnel de l'intéressé le rappel d'arrérages est limité à une année dans le premier cas et à deux années dans le deuxième cas et, d'autre part, qu'en l'absence de demande aucun rappel d'arrérages ne peut être accordé ;
Considérant que M. Y..., dans sa demande du 7 octobre 1985, se bornait à solliciter le bénéfice de la bonification de 9 mois ; que la bonification de 4 mois et 25 jours lui a été spontanément accordée par l'administration ; que l'intéressé, détenteur de la preuve de l'obtention en 1946 de son brevet de parachutiste, n'établit pas qu'il ait été dans l'impossibilité de présenter sa demande à une date antérieure ; que, dans ces conditions, M. Y... peut seulement prétendre à un rappel d'arrérages pour la période du 7 octobre 1984 au 7 octobre 1985 au titre de la bonification afférente à la possession de ce brevet, la suspension de 4 mois et 25 jours n'étant susceptible, quant à elle, de donner lieu à aucun rappel d'arrérages ;
Sur les conclusions incidentes de M. Y... tendant à l'obtention des rappels d'arrérages à compter du 8 mars 1947 :
Considérant qu'en vertu de ce qui vient d'être dit, ces conclusions doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE et le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a partiellement annulé la décision du 3 décembre 1986 du MINISTRE DE LA DEFENSE et a reconnu à M. Y... relativement aux deux chefs de révision ci-dessus analysés, des droits à rappels d'arrérages de pension à compter du 1er janvier 1981 ;
Article 1er : Le jugement n° 36-87 en date du 4 avril 1990 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est annulé.
Article 2 : la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est rejetée.