VU, I) sous le n° 90PA01043, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la cour les 6 décembre 1990 et 22 février 1991, présentés pour la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION, dont le siège est ..., par la SCP PIWNICA, MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la requête sommaire, et par le cabinet Louis-Gérard LAISNEY, avocat à la cour, pour le mémoire complémentaire ; la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION demande à la cour :
1°) d'annuler, d'une part, le jugement du tribunal administratif de Versailles du 15 novembre 1985 ordonnant une expertise, d'autre part, le jugement en date du 10 juillet 1990 par lequel le même tribunal a condamné : a) solidairement la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION, le Cabinet d'architectes Lesne-Besnard-Bernadac, et Me Y... et Ferrari, syndics de l'entreprise Murat en liquidation de biens, à payer à l'Office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines la somme de 693.445,86 F pour les désordres survenus après la construction d'une ensemble immobilier, d'un centre commercial et d'un garage à Chambourcy ; b) solidairement la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION et le Cabinet d'architectes Lesne-Besnard-Bernadac à payer à l'office une somme de 296.390,32 F, les syndics de l'entreprise Murat étant condamnés à garantir le Cabinet d'architectes pour une somme de 569.215,70 F, et la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION condamnée à garantir le Cabinet d'architectes pour une somme de 243.062,73 F ; c) a ordonné que les condamnations porteraient intérêts et mis les frais d'expertise solidairement à la charge des constructeurs ; d) a condamné les constructeurs à payer à l'office, solidairement, la somme de 15.000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Versailles par l'office en tant qu'elle est dirigée à son encontre ;
3°) de rejeter la demande présentée par le Cabinet d'architectes Lesne-Besnard-Bernadac dirigée contre la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION, et plus généralement toute demande de condamnation solidaire dirigée à son encontre ;
4°) de condamner l'Office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines, ainsi que le Cabinet d'architectes Lesne-Besnard-Bernadac à lui verser 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
VU II) sous le n° 90PA01044, la requête enregistrée au greffe de la cour le 6 décembre 1990, présentée pour le CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BENARDAC, dont le siège est ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le Cabinet d'architectes demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Versailles en date du 10 juillet 1990 et de rejeter la requête de l'Office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines devant ledit tribunal ;
2°) de condamner l'office en tous les dépens y compris les frais d'expertise ; VU les autres pièces du dossier ;" VU le code des marchés publics ;
VU le code civil ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 1992 :
- le rapport de M. MERLOZ, conseiller,
- les observations de Me DUTTLINGER, avocat à la cour, du cabinet LAISNEY, pour le CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION, et celles de Me HAZAN, avocat à la cour, pour l'Office public d'habitations à loyer modéré de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines ;
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION et du CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC sont relatives au même marché de travaux publics ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 15 novembre 1985 :
Considérant que par jugement du 15 novembre 1985, le tribunal administratif de Versailles a, avant-dire droit sur les requêtes dont il était saisi, ordonné une expertise ; que si la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION soutient dans sa requête sommaire présentée devant la cour, que ledit jugement ainsi que l'expertise seraient irréguliers, cette allégation, qui n'est d'ailleurs pas reprise dans le mémoire ampliatif produit ultérieurement, n'est assortie d'aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé ;
Sur les conclusions de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION et du CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 10 juillet 1990 :
Considérant en premier lieu, qu'en vertu des stipulations de l'article 2-1 du cahier des prescriptions spéciales du marché passé entre l'Office public interdépartemental d'habitations à loyer modéré de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines et l'entreprise Murat, l'entrepreneur était soumis à l'ensemble des documents cités audit article et notamment au cahier des prescriptions communes applicable aux marchés de bâtiment passés au nom de l'Etat ; qu'il résulte de l'article 7 de ce cahier, que les travaux prévus par le marché précité devaient faire l'objet d'une réception provisoire puis d'une réception définitive ;
Considérant en deuxième lieu, que si l'article 6-12 du cahier des prescriptions spéciales applicable au marché dont il s'agit dispose que l'action en garantie décennale court à partir de la date de la réception provisoire, ces stipulations, dont l'objet est de fixer le point de départ de la responsabilité décennale en ce qui concerne le délai, n'ont pas pour effet de faire obstacle à la règle selon laquelle l'action en garantie décennale ne peut être introduite qu'à raison de faits relevés postérieurement à la réception définitive ; qu'il résulte de l'instruction que la réception définitive de l'ensemble immobilier, du centre commercial et du garage construits pour l'office à Chambourcy, n'a pas été prononcée ; que la prise de possession des immeubles par le maître d'ouvrage ne pouvait emporter en elle-même aucune conséquence sur la réception définitive et ne saurait être regardée en l'espèce comme valant réception définitive tacite ; qu'il suit de là que la réception définitive de l'ouvrage n'ayant pas été expressément prononcée et ne pouvant être regardée comme acquise, seule la responsabilité contractuelle des constructeurs pouvait être mise en jeu par l'office devant le tribunal administratif ;
Considérant en troisième lieu, qu'il appartenait aux premiers juges de soulever d'office le moyen, qui est d'ordre public, selon lequel la garantie décennale ne peut être invoquée en l'absence de réception définitive des travaux ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'Office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines, et nonobstant la circonstance que le tribunal administratif de Versailles, dans un jugement avant-dire droit du 12 juillet 1984, a estimé que la demande de l'office devait être regardée comme présentée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, le CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC est fondé à s'en prévaloir pour la première fois en appel ;
Considérant enfin, que devant les premiers juges l'office s'est fondé, pour demander la condamnation de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION, du Cabinet d'architectes précité, et des syndics de l'entreprise Murat, sur la responsabilité résultant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que la demande de l'office devant la cour, fondée à titre subsidiaire sur la responsabilité contractuelle des constructeurs, revêt le caractère d'une demande nouvelle qui n'est pas recevable en appel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION, que le CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC et la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles les a déclarés responsables des désordres affectant les ouvrages susmentionnés et les a condamnés solidairement, d'une part, à réparer ces désordres, d'autre part, à supporter les frais d'expertise ;
Sur les conclusions incidentes de l'Office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de l'Essone, du Val d'Oise et des Yvelines :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'il y a lieu de rejeter les conclusions incidentes de l'office précité tendant à la majoration des condamnations prononcées par le le tribunal administratif de Versailles à l'encontre des constructeurs ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant ... les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue au dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, d'une part, de condamner l'Office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines à verser à la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION la somme de 3.000 F, d'autre part, de rejeter les conclusions de l'office tendant à la condamnation de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION et du CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC, qui ne sont pas parties perdantes, ainsi que, pour les mêmes motifs, celles de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION, tendant à la condamnation du CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC ;
Article 1er : Le jugement n° 835458 du tribunal administratif de Versailles en date du 10 juillet 1990 est annulé, en tant qu'il concerne le CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC et la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION.
Article 2 : La demande présentée par l'Office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée en tant qu'elle était dirigée contre la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION et le CABINET D'ARCHITECTES LESNE-BESNARD-BERNADAC.
Article 3 : L'office susmentionné versera à la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION la somme de 3.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société CENTRE D'ETUDES DE PREVENTION et les conclusions de l'Office public d'habitations à loyer modéré de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines précité sont rejetés.