VU la requête enregistrée à la cour le 11 décembre 1992, présentée pour l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET ayant son siège social ..., M. Z..., demeurant ..., Mme de A..., ... et M. Y..., ... par Me CHEVRIER, avocat à la cour ; l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET, Mme de A..., MM. Z... et Y... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Paris du 30 mai 1991 accordant à la société Fougerolle un permis de construire en vue de la réalisation de six bâtiments à usage d'habitation, d'équipements collectifs et de stationnement sur un terrain situé 32 avenue du Président Kennedy, ..., rue d'Ankara et ... ;
3°) de dire qu'il n'y a pas lieu à amende pour recours abusif ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 1992 :
- le rapport de Mme COCHEME, président-rapporteur,
- les observations de Me FALALA, avocat à la cour, substituant Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la ville de Paris et celles de la SCP CELICE, BLANCPAIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société Fougerolle,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Sur le moyen tiré du non respect des dispositions de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par le jugement attaqué, dont la régularité a été mise en cause dès la requête introductive d'instance, le tribunal administratif a rejeté la demande présentée par l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET et autres en soulevant d'office le moyen selon lequel ladite demande n'était pas accompagnée de la copie de la requête dirigée contre un précédent permis à laquelle les requérants se référaient pour la définition de leurs moyens et que par suite ils ne mettaient pas le tribunal à même d'en apprécier le bien-fondé ; que ce moyen qui, contrairement aux affirmations de la ville de Paris, n'a été invoqué par aucun des défendeurs dans leurs mémoires de première instance, n'a pas été porté à la connaissance des parties avant l'audience, conformément aux dispositions susrappelées de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par suite le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et ne peut qu'être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET et autres devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sur le moyen tiré de l'annulation des délibérations du conseil de Paris en date du 26 avril 1990 :
Considérant que le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 24 juin 1991, rejeté les demandes présentées par les requérants tendant à l'annulation des délibérations en date du 26 avril 1990 par lesquelles le conseil de Paris a d'une part, approuvé la réduction à une superficie de 15.500 m2 de l'emprise de l'emplacement réservé pour espace vert au plan d'occupation des sols de la ville, situé avenue du Président Kennedy, avenue René Boylesve, avenue Marcel Proust et rue d'Ankara à Paris 16ème, d'autre part abrogé le programme d'aménagement d'ensemble de ce terrain qui avait été approuvé le 24 avril 1989, et institué un nouveau programme d'aménagement d'ensemble ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le permis litigieux devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation des délibérations précitées ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article R.421-1 du code de l'urbanisme :
Considérant qu'aux termes de l'article R.421-1 du code de l'urbanisme : "La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ..." ; qu'il résulte de l'instruction que la demande de permis a été présentée par la société Fougerolle en sa qualité de propriétaire du terrain, bénéficiant d'un acte de cession de gré à gré en date du 11 juin 1990, consenti par l'Etat après déclassement du terrain du domaine public ; qu'il n'appartenait pas à l'autorité chargée de délivrer le permis de construire d'apprécier la validité de ce titre de propriété ; que par suite, le moyen tiré de ce que la ville de Paris serait propriétaire d'une parcelle de terrain de 6.500 m2 comprise dans l'assiette foncière du projet, doit être rejeté ;
Sur les moyens tirés de l'inapplicabilité de l'article R.123-22 du code de l'urbanisme et du non respect du coefficient d'occupation des sols :
Considérant, qu'aux termes de l'article R.123-22-2, 2ème alinéa du code de l'urbanisme : "Les emplacements réservés visés à l'article R.123-18 (II,3°) sont déduits de la superficie prise en compte pour le calcul des possibilités de construction. Toutefois le propriétaire d'un terrain dont une partie est comprise dans un de ces emplacements et qui accepte de céder gratuitement cette partie à la collectivité bénéficiaire de la réserve peut être autorisé à reporter sur la partie restante un droit de construire correspondant à tout ou partie du coefficient d'occupation du sol affectant la superficie du terrain qu'il cède gratuitement à la collectivité. Cette autorisation est instruite et, le cas échéant accordée comme en matière de dérogations" ;
Considérant qu'en application de ces dispositions la société Fougerolle, propriétaire de l'ensemble du terrain dont une partie d'une superficie de 15.500 m2 constitue un emplacement réservé pour espace vert visé à l'article R.123-18 (II, 3°), et qui a accepté, par un engagement en date du 27 mai 1991 produit le jour de sa demande de permis, de céder gratuitement cette partie à la ville de Paris, bénéficiaire de la réserve, pouvait légalement être autorisée, sur la partie restante du terrain, à reporter les droits à construire correspondant à la totalité du coefficient d'occupation du sol affectant la superficie du terrain cédé ; que ni la circonstance que la société Fougerolle ait acquis l'ensemble du terrain de l'Etat, ni celle que cette acquisition lui aurait été consentie à un prix inférieur à sa valeur, ni le caractère excessif allégué du report consenti, ni le fait que la réserve ait toujours été destinée à la création, dans un intérêt public, d'un jardin public ne sont de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre, au bénéfice d'une personne privée cessionnaire, du report des droits à construire et à entacher de détournement de pouvoir le permis accordé sur le fondement de l'article R.123-22-2°, 2ème alinéa ; que, par ailleurs, en indiquant qu'il est de l'intérêt de la collectivité publique d'obtenir cette cession gratuite pour l'aménagement d'un espace vert et que le projet, de qualité, permettra de réaliser cet objectif, l'arrêté du 30 mai 1991 a suffisamment motivé l'autorisation ainsi accordée, qui n'avait pas à être soumise à la commission d'examen des adaptations mineures qui est dépourvue d'existence légale ; qu'enfin l'intérêt général ainsi invoqué résulte clairement du dossier, quel qu'ait été le prix d'acquisition du terrain ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article R.123-22-2°, 2ème alinéa doivent être rejetés ; que, par voie de conséquence, doit être également rejeté le moyen relatif au non respect du coefficient d'occupation du sol applicable dans le secteur où seront édifiées les constructions, qui n'a d'autre fondement que l'illégalité invoquée du report des droits à construire autorisé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 30 mai 1991 du maire de Paris présentées par l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET, M. Z..., Mme de A... et M. Y... doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET, M. Z..., Mme A... et M. Y... à verser chacun la somme de 1.000 F, d'une part à la société Fougerolle, d'autre part à la ville de Paris au titre des frais exposés par elles en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 juin 1992 est annulé.
Article 2 : La demande aux fins d'annulation présentée par l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET, M. Z..., Mme de A... et M. Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : L'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET, M. Z..., Mme de A... et M. Y... sont condamnés à verser chacun la somme de 1.000 F à la société Fougerolle au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : L'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE PASSY-FREMIET, M. Z..., Mme de A... et M. Y... sont condamnés à verser chacun la somme de 1.000 F à la ville de Paris au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.